Etablir une « charte » sur les ressources naturelles
La communauté internationale cherche l’application « des pratiques exemplaires » en matière d’exploitation des ressources naturelles dans tous les pays. L’idée fait son chemin, même si des résistances sont exprimées ça et là.
Un avant-projet de charte sur les ressources naturelles a été discuté à Montréal, au Canada, à la faveur d’une conférence internationale de Publiez ce que vous payez (PCQVP), Publish what you pay, en anglais, une coalition de 350 ONG menant une campagne mondiale pour la transparence et la redevabilité dans les industries gazière, pétrolière et minière. Cette charte est un ensemble de principes pour les gouvernements et les sociétés sur la manière d’utiliser de manière efficace les possibilités créées par les ressources naturelles. Le document d’une centaine de pages a été élaboré par un groupe d’économistes, politologues et juristes indépendants. « Nous ne représentons aucune institution ni aucun intérêt spécial », ont-ils tenu à préciser. La charte s’adresse principalement aux décideurs des pays riches en ressources comme l’Algérie, la Libye, la République démocratique du Congo (RDC) ou le Brésil. « Ils possèdent le droit souverain et la responsabilité morale d’utiliser les ressources naturelles du pays au profit de leur population », est-il précisé. « Ce ne sont pas les seuls acteurs importants : les sociétés internationales, les organisations intergouvernementales, les groupes de société civile et les gouvernements d’Etats importants en ressources », est-il encore ajouté.
La charte est basée sur une douzaine de principes.
Il s’agit, entre autres, de considérer les ressources naturelles comme « des biens publics » dont les décisions relatives à leur exploitation doivent « être transparentes et soumises à une surveillance par un public informé ».
Les initiateurs de la charte observent que dans certains pays, l’exploitation des ressources naturelles profite aux étrangers, à une certaine élite et, parfois, alimente « la violence politique ». « Le contrôle et les informations sont aux mains de quelques officiels et de sociétés. Les citoyens suspectent inévitablement que les gouvernements ou les investisseurs ne géreront pas correctement l’extraction des ressources, que ce soit à cause de leur incompétence, de leur malveillance ou par leur indifférence envers la société au sens le plus large », estiment-ils. Ils soulignent que ce climat de doute affecte « la tranquillité de la société ».
A titre d’exemple, l’Algérie a réalisé des recettes d’hydrocarbures estimées à 34 milliards de dollars pour les dix premiers mois de 2009. Mohamed Meziane, patron de Sonatrach qui a donné l’information, n’a fourni aucun détail sur ces recettes, sur la répartition entre gaz, pétrole et condensat. Pas d’informations détaillées sur les investissements de Sonatrach en extérieur.
Les firmes étrangères qui activent en Algérie sont tenues par des clauses contractuelles à ne rien divulguer sur leurs résultats dans le pays. Les impacts sur l’environnement, notamment dans le sud du pays, sont peu ou presque pas abordés. « Les projets impliquant les ressources peuvent avoir de forts impacts environnementaux et sociaux qui doivent être pris en compte », est-il encore noté dans la charte. Revenue Watch Institute (RWI), ONG américaine basée à New York, lancée grâce au soutien de la Fondation Gates et travaillant sur les thèmes de la transparence dans les domaines minier et pétrolier, a engagé un sondage auprès de la société civile pour récolter le maximum d’avis sur la charte concernant les ressources naturelles.
Plusieurs questions y sont posées : « De quel soutien avez-vous besoin pour que les recommandations de la charte deviennent une réalité dans votre pays ? Et quel rôle les médias doivent-ils jouer ? » Pour le compte de la même ONG, Peter Rosenblum et Susan Maples ont mené une enquête, « Contracts confidential : ending secret deals in the extractive industries », sur les clauses confidentielles dans les industries extractives.
Les enquêteurs qui ont passé en revue 150 contrats signés dans une trentaine de pays (l’Algérie n’a pas été étudiée), estiment qu’il est nécessaire de rompre avec la tradition des clauses secrètes. « Il est vrai que ni les gouvernements ni les investisseurs n’aiment donner des détails sur les marchés gaziers, miniers ou pétroliers, mais la transparence des contrats est impérative pour une meilleure gestion des richesses naturelles et pour le bien du public », ont relevé les auteurs de l’enquête. Selon Susan Maples, les gouvernements ont toujours la possibilité de rendre obligatoire la publication des résultats par les firmes. Expliquant le système d’information de la Bourse de Toronto, elle a relevé que les données publiées par les compagnies sont souvent adressées aux juristes et peu accessibles au public. Elle a précisé que toutes les firmes canadiennes sont obligées de publier sur le site Sedar.com leurs résultats. « C’est un site officiel qui fournit un accès à la plupart des documents publics et des renseignements déposés par les sociétés ouvertes et par les fonds d’investissement auprès des autorités canadiennes en valeurs mobilières », a précisé Susan Maples.
Aux Etats-Unis, le site internet Edgar joue le même rôle. Le Canadian Network on Corporate Accountability (Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, CNCA) milite, selon Ian Thompson de Kairos, un mouvement social lié aux églises, pour que le gouvernement réglemente les pratiques des entreprises minières canadiennes exerçant des activités à l’étranger. « Des ONG, des églises, des syndicats et d’autres organismes de la société civile, préoccupés par l’impact négatif des industries extractives canadiennes sur les droits de la personne et sur l’environnement ont adhéré à ce réseau », a-t-il précisé. D’après Ian Thompson, une bataille est menée actuellement pour faire passer la loi C300 qui, une fois adoptée, permettra à des ONG étrangères de porter plainte devant les tribunaux d’Ottawa contre des entreprises canadiennes qui portent atteinte aux droits humains ou à l’environnement. Selon Sarah Pray de Publiez ce que vous payez, le Congrès américain s’apprête à débattre de deux lois sur la transparence dans les domaines minier et pétrolier. « Ces lois vont obliger les compagnies travaillant à l’étranger de publier leurs payements, taxes et bénéfices. Mais pour réussir à faire passer les textes qui doivent être harmonisés, nous avons besoin de l’aide de tous », a-t-elle déclaré, soulignant les lobbyings qui entourent ce genre d’actions.
Par Fayçal Métaoui