Ainsi, après ses incursions au Mali où il a offert les services de son armée au nouveau président malien, à l’occasion de la cérémonie d’investiture de ce dernier, voici que le monarque marocain est à la recherche d’un rôle à jouer dans le Sahara frontalier de la patrie des Sahraouis que le Maroc occupe depuis novembre 1975, grâce à la complicité de l’Espagne. Et pour commencer, Mohammed VI offre son expertise au niveau sécuritaire au gouvernement instable de Tripoli.
C’est à l’occasion d’une réunion sur “la sécurité des frontières au Sahel”, que Rabat a offert aux autorités libyennes la mise à leur disposition de ses centres de formation sécuritaires, de policiers, de militaires et de barbouzes. Le package marocain concerne également l’éducation, la magistrature et la justice transitoire. En outre, Mohamed VI se propose de mettre à la disposition du gouvernement libyen l’expertise de son pays en matière de réconciliation nationale.
Le gouvernement libyen en a réellement besoin pour asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire libyen en recyclant les milices dans les appareils sécuritaires en gestation. Rabat a affirmé que les nouvelles autorités de Tripoli sont intéressées par l’expérience de l’instance “Équité et Réconciliation” (2004-2006). Le chef de gouvernement, Ali Zeidan, rappelle-t-on dans la capitale marocaine, “longtemps exilé au Maroc”, était le président de la Ligue des droits de l’Homme, interdite sous le régime du colonel Kadhafi (1969-2011). Le chef de la diplomatie du Maroc a annoncé le projet de création d’un secrétariat permanent de la Conférence sur la sécurité des frontières dont l’élaboration a été confiée à la délégation libyenne. Pour lui, c’est le prélude de l’installation définitive de cette nouvelle instance dans ce pays. Mohamed VI a jeté son dévolu sur la Libye après avoir été remercié pour ses offres de service au Mali où la France tient encore à veiller au grain. Il est vrai qu’actuellement le pouvoir libyen fait face à une instabilité rampante et que le risque de scission dans plusieurs régions est bien réel.
La ville de Benghazi, berceau de la révolution contre Kadhafi, serait même sur le point de rompre le cordon ombilical avec la capitale Tripoli. Comme il est également vrai que les milices régionales et les organisations islamistes radicales ont pris le dessus sur l’État incapable d’assurer la sécurité des citoyens et d’imposer son autorité. Pire, ce sont ces mêmes groupes qui sont aux frontières de la Libye. Des représentants de dix-sept pays sahélo-sahariens étaient présents jeudi à la conférence ainsi que les États-Unis et plusieurs pays d’Europe du Sud, pour amorcer une réponse coordonnée aux défis suivants : terrorisme, trafic d’armes, trafic de drogue, immigration clandestine. Mais dans une région où les rivalités entre les pays sont multiples, la mise en place de mécanismes communs efficaces semble difficile à concevoir.
Les tensions se sont accrues ces dernières semaines entre Alger et le Maroc, autour du Sahara Occidental. Notre pays ne pratique, cependant, pas la politique de la chaise vide. Difficile de parler de la sécurité au Sahel sans la présence effective de l’Algérie, ont estimé les conférenciers qui se sont également interrogés sur la conférence similaire que va organiser en décembre la France, et à laquelle notre pays est chaleureusement sollicité par François Hollande pour être aux premières loges.
Des concertations entre Alger et Paris sur cette conférence se sont accélérées ces derniers jours. Mohammed VI, exclu du Mali par François Hollande, espère rebondir en 2014 au sein de la CEN-SAD, la communauté des États sahélo-sahariens que préside le Tchad. Il a invité cette organisation à tenir son prochain sommet chez lui. Il lui faudra l’aval du Mali, de la Mauritanie, du Burkina et du Niger. Ce qui est loin de lui être acquis.
D. B