Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères était hier à Alger. Mission : évaluer les avancées réalisées dans la coopération dans les secteurs sensibles (Défense, lutte contre le terrorisme, technologie spatiale…) depuis la Déclaration de partenariat stratégique signée à Moscou en avril 2001, la visite du président Medvedev il y a six mois et faire le point sur les derniers développements en Afrique du Nord.
«L’Algérie appelle à la cessation immédiate des hostilités et de l’intervention étrangère », affirme le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci qui a animé hier un point de presse conjoint avec son homologue russe.
L’Algérien estime que la « crise » que traverse la Libye « s’est aggravée avec l’entrée en action des forces aériennes » des pays membres de la coalition chargés de l’établissement de la zone d’exclusion aérienne dans ce pays et juge « disproportionnée » cette intervention par rapport à l’objectif mentionné par la résolution 1973 du Conseil de sécurité. « Nous nous opposons à l’usage de la force militaire contre les civils », déclare Sergueï Lavrov et « l’objectif de la résolution 1973 était sans ambiguïté, à savoir protéger la population civile et les Etats qui assurent l’instauration de cette zone doivent se limiter à cet objectif » et au respect du droit international.
«La situation en Libye risque de renforcer le terrorisme international», dit-il. «Si celle-ci persiste, nous serons exposés à de nouvelles manifestations du terrorisme international et de nombreux autres phénomènes qu’il faudrait mieux éviter», prévient-il avant de révéler avec des termes à peine voilés que son pays n’a laissé passer la résolution 1973 que parce que celle-ci a été élaborée à la demande de la Ligue arabe.
A une question de Horizons sur la politique de deux poids, deux mesures du Conseil de sécurité, le ministre russe eut cette réplique : « il faut éviter la situation où, à travers une politique à double standard, nous déclenchions de nouvelles passions et provoquions de nouveaux sursauts de violence ». Selon les deux ministres, l’intervention musclée des forces aériennes de la coalition est allée au-delà de la « résolution 1973 » du Conseil de sécurité qui « parle » de l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne pour protéger les civils.
Medelci réitère pour la énième fois son appel à la création des conditions qui permettraient aux « Libyens de régler pacifiquement et durablement la crise dans le respect de la préservation de leur unité, leur intégrité territoriale et leur pleine souveraineté ».
Ne perdant pas espoir quant à la possibilité d’imposer cette issue dans les instances internationales, l’Algérie suit avec un « intérêt certain » les rencontres que fait Ban Ki-mon, le secrétaire général des Nations unies et le Jordanien Abdel Ilah Khatib, son envoyé spécial en Libye dans la perspective de la réunion prévue demain du Conseil de sécurité pour procéder à la première « évaluation » de la situation libyenne, vérifier s’il n’y a pas eu de changement d’objectif en cours de parcours et associera, dit-il, ses efforts à ceux de l’Union africaine qui se réunira vendredi prochain à Addis-Abeba. « Nous sommes en contact avec les Quinze pour essayer de faire passer nos messages », affirme M. Medelci.
Arrivé lundi soir à Alger en provenance du Caire, sur fond de désaccord international sur l’intervention armée lancée en Libye qualifiée par Vladimir Poutine de « croisade »,
M. Lavrov a réitéré le soutien de son pays au processus d’ouverture politique de l’Algérie-« nous insistons sur le fait que tous les problèmes doivent être réglés par des moyens pacifiques sur la base de la recherche d’un large consensus national sur ce qu’il faut entreprendre ».
• Le président Bouteflika reçoit le ministre russe des Affaires étrangères
Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a reçu, hier à Alger, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergueï Lavrov. L’entretien s’est déroulé à Djenane El Mufti en présence du ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, et du ministre délégué chargé des Affaires africaines et maghrébines, M. Abdelkader Messahel.
• Précisions de M. Medelci
Le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia, avait eu un entretien téléphonique avec le vice-président américain, M. Joe Biden, à la demande de ce dernier. Cet entretien, explique-t-il, est intervenu après la réunion de la Ligue arabe du 12 mars dernier et celle du Conseil de sécurité et que l’Algérie, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, ait « pris acte » de la résolution 1973 du Conseil de sécurité.
« Membre de la communauté internationale et de l’ONU, l’Algérie est justiciable de la mise en œuvre de cette décision », dit-il. Autre précision du chef de la diplomatie algérienne : l’Algérie a participé de «manière intense» au débat de la réunion du 12 mars à la Ligue arabe, ajoutant que la décision sanctionnant cette réunion-en faveur de l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne sous l’égide de l’ONU-n’avait pas été votée mais avait résulté d’un consensus.
«L’Algérie n’a pas émis de réserves formelles mais juste exprimé son point de vue par écrit au Caire où nous avons demandé que la Ligue privilégie d’abord des contacts avec Benghazi et Tripoli avant de se tourner vers l’Union africaine et de saisir en dernière instance à un appel du Conseil de sécurité », explique le ministre des Affaires étrangères.
• Alger et Moscou soutiennent Tunis et Le Caire
Mourad Medelci et Sergueï Lavrov estiment que la Tunisie et l’Egypte se trouvent « dans une phase de transition démocratique ». Ils sont d’accord pour estimer que la politique dans la région doit être « guidée par le droit international, y compris le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sans intervention extérieure ». « Tous les conflits doivent être réglés par des moyens pacifiques basés sur la recherche d’un large consensus national sur les changements qu’il faut entreprendre dans tel ou tel pays », déclare Lavrov. « C’est justement sur la base de ces principes que le processus démocratique en Algérie se développe et la Russie le soutient », dit-il avant d’ajouter que son pays veut « voir les pays du Proche-Orient stables et leurs populations s’exprimer de manière démocratique .»
• Coopération économique : avancées remarquables
Des «avancées remarquables» ont été enregistrées dans le processus du développement du partenariat algéro-russe, devenu stratégique depuis avril 2001. Pas seulement dans les secteurs sensibles comme la défense et la lutte contre le terrorisme, « un des domaines les plus sensibles et les plus importants de notre coopération surtout dans la conjoncture actuelle », dixit Medelci, mais aussi dans les secteurs économiques. Notamment dans l’énergie et l’agriculture. Les entreprises russes veulent participer à la réalisation du programme quinquennal 2010-2014. Une délégation d’opérateurs russes sera à Alger dans «les prochaines semaines»