Le Conseil national économique et social a fait un constat peu reluisant du système national de formation qui, selon lui, paralyse l’économie nationale et handicape l’Etat.
Le rapport national sur le développement humain élaboré par le Conseil national économique et social (Cnes) en collaboration avec le Pnud, n’a pas caressé dans le sens du poil. De prime abord, Mohamed-Seghir Babès a axé la présentation du rapport, avant-hier, à Alger, sur la frange la plus importante de la population, à savoir la jeunesse. Ce faisant, il n’a pas hésité à mettre en relief la méfiance qui caractérise la relation qu’entretiennent les jeunes Algériens avec les institutions de l’Etat. «Les jeunes se méfient des institutions. Cette méfiance est induite par les effets négatifs de la période extrêmement difficile que l’Algérie avait eu à vivre dans les années 1990», a-t-il indiqué en précisant que les seules institutions publiques qui inspirent confiance à la jeunesse du pays sont les institutions religieuses, la police et l’armée, les organisations de la société civile, les assemblées élues et les partis politiques étant en rupture quasi totale avec la population. De plus, le président du Cnes a fait savoir que cette «méfiance» dans laquelle vit le jeune Algérien le rend plus ou moins malheureux, en tout cas pas très heureux, ce qui se répercute sur sa formation et, sans nul doute, sur son rendement professionnel.
Remise en cause
Mais ce qui est particulier dans le rapport de Babès, c’est cette remise en cause voilée qu’il fait du travail effectué par Nouria Benghebrit depuis son installation à la tête de l’Education nationale. En effet, bien que la ministre de l’Education nationale, connue pour son franc-parler et son audace, ait annoncé, il y a déjà plusieurs mois, le taux d’échec scolaire qui est, selon elle, de plus de 90%, la reprise de ce constat par Mohamed-Seghir Babès en le présentant comme étant une preuve de l’échec du système éducatif est de nature à mettre dans la gêne la patronne du secteur et ce d’autant plus que le Cnes jouit d’un prestige aussi bien dans les milieux intellectuels algériens et étrangers qu’au sein du pouvoir.
Selon Mohamed-Seghir Babès, près d’un million et demi d’enfants sont actuellement soumis au redoublement, dont près de 500 000 finissent par quitter l’école prématurément, ce qui est «un signe manifeste du manque de performance du système éducatif. C’est pourquoi, a-t-il précisé, le Cnes préconise de donner la priorité à l’école pour ne laisser aucun enfant quitter le système éducatif sans s’armer d’un minimum de connaissances et ce, à travers l’ensemble du territoire national et selon les différentes fractions de population». «L’ensemble du système éducatif, avec ses trois composantes (éducation, formation professionnelle et enseignement supérieur), doit pouvoir se compléter efficacement, afin d’assurer une utilisation optimale de la ressource humaine existante (…) dans l’encadrement du développement du pays», est-il dit dans le rapport du Cnes. En outre, selon ce même document qui est axé sur la problématique «des jeunes dans la perspective du développement humain durable», «des passerelles intra-système devraient être installées rapidement afin d’assurer une orientation appropriée aux aptitudes des élèves avant de connaître, très jeunes déjà, une expérience d’échec parfois traumatisante». Dans le même ordre d’idées, le rapport recommande que l’enseignement supérieur se hisse «au rang de fournisseur à l’économie nationale une masse critique suffisante pour un nouveau souffle en matière de créativité et d’innovation».
Abordant le point inhérent à la place des jeunes, notamment les diplômés, dans l’économie et leur participation à la création de la richesse, le patron du Cnes estimera que cette catégorie de la population est la plus exposée au chômage et aux emplois précaires. A cet effet, il recommandera, afin de renforcer le potentiel des jeunes, «la lutte contre les comportements à risques et déviants, la prise en compte des nouvelles exigences aussi bien nationales qu’internationales, le renforcement de la qualité des emplois offerts aux jeunes, la prise en compte de l’équité dans les politiques publiques, le développement de l’entrepreneuriat et la diffusion de la culture de prise de risques auprès des jeunes». Néanmoins, malgré son discours plus ou moins rassurant, le think tank gouvernemental souligne «le recul de la valeur travail dur» dans la perception du jeune Algérien qui, contrairement aux jeunes des pays émergents et développés, considère que c’est à l’Etat qu’incombe la responsabilité de satisfaire tous ses besoins.
Constat négatif
En gros, en faisant un constat aussi négatif sur la situation des jeunes Algériens qui représentent environ 70% de la population et qui incarnent naturellement l’avenir du pays, en disant qu’ils ont perdu la notion de la valeur du travail et qu’ils ne comptent que sur l’Etat et pointant du doigt leur déficit en formation, le rapport du Cnes remet en cause les «exploits» du gouvernement. Bien qu’il ne le dise pas ouvertement, il plaide indirectement pour une réforme radicale aussi bien du système national de formation que celle de l’Etat et du système économique national.