A son lancement, l’opération de conversion des droits de jouissance perpétuelle en concessions de 40 ans renouvelables sur les terres agricoles relevant du domaine privé de l’Etat, selon les dispositions de la loi 10-03 du 15 août 2010, devait durer 18 mois seulement. Mais, au fur et à mesure que le temps passe, des difficultés se multiplient et ce délai a été plusieurs fois prorogé.
La dernière échéance fixée par le ministère de l’agriculture et du développement rural est le 30 juin 2014. Ce délai n’a, évidemment, pas été repoussé à une date ultérieure. En conséquence, c’est maintenant donc que l’ONTA (office national des terres agricoles) commence à inventorier ce patrimoine foncier qui, faut-il le noter, contient les principaux périmètres agricoles les plus fertiles du pays.
Outre les constats partiels établis antérieurement par cette institution relevant du MADR, aucun bilan définitif de cette opération visant l’assainissement du fichier national des terres des EAC/EAI (exploitations agricoles collectives et individuelles) n’a été fourni jusque-là.
Dans l’ensemble, ils sont quelque 210 000 exploitants, répartis sur plus de 100 000 exploitations occupant 2,5 millions d’hectares, soit près de 30% de la SAU (surface agricole utile), qui sont concernés par cette opération. Alors qu’il ne restait que quelques jours pour l’expiration du délai fixé pour la clôture de cette opération, un responsable au sein de l’ONTA faisait état, à la mi-juin dernier, d’une avancée appréciable du rythme de la régularisation des dossiers des exploitants en question, en affirmant que moins de 10 000 exploitants seulement n’ont pas encore remis leurs dossiers de conversion, soit moins de 5% du total de la population agricole exerçant sur cette catégorie des terres agricoles en Algérie.
En revanche, c’est au niveau des wilayas que parviennent des constats peu réjouissants quant aux conditions dans lesquelles se déroule cette opération. Les lacunes sont innombrables, que ce soit au niveau de la remise des dossiers auprès des structures de l’office des terres agricoles ou au niveau de l’administration des Domaines pour la remise des titres de concessions aux exploitants régularisés.
C’est le cas, à titre illustratif, dans la wilaya de Tizi Ouzou où le directeur de l’antenne locale de l’ONTA, M. Ouali a déclaré ouvertement à la fin juin que « l’établissement des actes de concession agricole par les services des Domaines accuse un retard considérable ». Il fera, par la suite, le décompte des dossiers en voie de traitement ou qui ne le sont pas encre. Il fera savoir ainsi que seulement 700 actes de concessions ont été établis jusque-là par les Domaines de Tizi Ouzou sur les 1 079 dossiers confirmés, soit une proportion de 65%.
Au total, 1 880 exploitants se sont manifestés pour la régularisation de leur situation depuis la promulgation de la loi 10-03 en 2010, alors qu’au niveau de cette wilaya, ils sont 2 235 exploitants qui exercent leur métier d’agriculteurs sur des terres relevant du domaine privé de l’Etat, soit 335 exploitants qui n’ont pas encore été régularisés par l’ONTA. Parmi ces dossiers, un grand nombre présente des situations litigieuses que l’administration locale tente d’assainir par le biais de la justice, notamment dans les cas de conflits entre exploitants ou d’utilisation illégale des terres à des fins autres qu’agricoles.
A l’ouest du pays, le représentant local de l’ONTA a déclaré, au début de ce mois de juillet, que 130 exploitants agricoles concernés par cette opération de conversion risquent de perdre leurs droits sur les terres qui leur ont été attribuées. Ces derniers, en effet, n’ont pas déposé les dossiers de demande de conversion conformément à la loi 10-03. Dans ce cas de figure, l’ONTA procédera à la récupération de leurs terres.
La concentration des agriculteurs installés sur les terres du domaine privé de l’Etat fait ressortir que 26 wilayas comptent moins de 5 000 exploitants, 13 wilayas comptent entre 5 000 et 10 000 exploitants alors que quatre wilayas comptent plus de 10 000 exploitants, en l’occurrence Blida, Tiaret, Sidi Bel Abbès et Mascara.
Mourad Allal (L’éco n°93 / du 16 au 31 juillet 2014)