La Coupole Mohamed-Boudiaf a failli s’embraser vendredi dernier eu égard à l’énergie immense déployée par ce génie de la musique, artiste dans l’âme…
Beaucoup de monde s’était déplacé à 17h30, nous dit-on. A 18h une foule compacte était agglutinée de loin. En la voyant, assis confortablement dans notre siège de voiture, on avait l’impression de voir une fourmilière humaine qui marchait comme un serpent pour accéder jusqu’à la porte d’entrée. De nombreux jeunes gens faisaient la queue vaillamment, patiemment.
Heureusement de l’autre côté de la piscine il y avait l’entrée VIP pour les privilégiés. Mais enfin dépassé ce stade tout le monde est parqué à la même enseigne ou presque. A l’intérieur justement un monde fou s’est agglutiné devant la scène. Normal. Les gradins sont remplis de monde. Les familles pour certaines se sont improvisées des poufs à l’aide de leurs vestes et autres accessoires. Le carré presse est investi par des gens qui n’ont rien à voir avec les médias. On ose dire qu’une dame qui a la soixantaine passé doit s’asseoir, car elle est… enceinte! Des disputes s’engagent entre femmes.
Les agents de sécurité semblent plus préoccupés par la sérénité de certaines familles haut placées qu’on a collées juste à côté de la presse que par cette dernière. Un agent de sécurité qui semble parachuté de la planète Mars ose nous interroger sur ce qu’on est en train d’écrire et pourquoi on bouge. La première partie est assurée par la chanteuse Kawtar Meziti. Vous comprenez quelque chose à cette programmation? Pas nous, en tout cas.
Un bouche-trou? Douée d’une superbe belle voix, certes, mais ses chansons ont failli endormir le public, alors qu’un autre chanteur plus dynamique aurait fait patienter la foule tout en énergie, qui siérait au style de musique à notre artiste belge assez décalé. Mais faire la première partie de Stromae cela ne se refuse pas au demeurant même si le problème n’est pas là, mais dans l’idée même du choix artistique de cette première partie complètement à côté de la plaque.
Autre anomalie relevée, si les organisateurs n’ont pas eu de mal à débourser des millions pour installer des panneaux publicitaires dans la rue, pourquoi n’ont-ils pas songé à installer un écran ou deux de part et d’autre de la scène pour mieux apprécier le show de l’artiste et surtout voir mieux ce dernier, comme cela se fait partout dans les pays qui se respectent, mais apparemment l’art du spectacle est loin de constituer une performance en Algérie, hélas.
Pour revenir au concert de Stromae, ce dernier affichait complet. Les tickets se vendaient même au marché noir et c’était à qui mieux mieux pouvait le vendre. Les enchères pouvaient atteindre jusqu’à 8000 DA contre les 3000 DA prix fixe. Stromae débute son show avec son titre hymne pour la Coupe du monde de foot La fête. Le morceau est immédiatement reconnu par cette sexagénaire qui commence à le fredonner à côté de nous.
Il est suivi par le morceau Batard. Le public allume spontanément qui, sa tablette qui son portable pour immortaliser la soirée. Lors de la conférence de presse, on nous avait affirmé: «Pas de photos lors du concert, on s’en chargera!». Rien, walou, pas de photos envoyées dans notre email. Faudra se débrouiller autrement. En voler sur Facebook! «Algériens, Algériennes, salam alikoum Ça va? Labes? Et la famille? Les amis? Moi ça va… je vais bien…»
Puis d’enchaîner dans la foulée Peace or violence, Te quiero et vient enfin le tour de la leçon avec le fameux lâché tatin! et d’introduire le superbe morceau Tous les mêmes qui a fait un tabac et fait danser la foule.
Suivra cette belle chanson hommage à Césarisa Evora et d’autres titres plutôt tristes avant de reprendre la parole et de s’amuser avec le public: «Je suis triste! Vous savez pourquoi? Je vois que vous ne mangez pas de frites belges alors que tout le monde sait que ce sont les Belges qui ont invité les frites. C’est comme dire que ce sont les Français qui ont inventé le football alors que tout le monde sait que ce sont les Belges qui ont inventé le football….C’est comme dire Alger sans Casbah, Venise sans gondole….»
Puis évoquant la Coupe du monde et la rencontre prochaine de l’Algérie avec la Belgique, il lâchera avec humour: «J’ai envie de dire que le meilleur gagne!» Et les fans de scander l’inévitable «One too three viva l’Algérie!». Et c’est sans surprise que Stromae enchaîne avec son morceau Moule et frites avant de nous régaler carrément avec Formidable interprétée à l’unisson et en choeur avec le public, dans un instant de pure magie. L’artiste finit sa chanson étalé par terre. Puis on vient le relever et l’emmener.
Mais alors qu’il est sur le point de chanter, une panne d’électricité ou un problème technique lié au son survient, mettant un stop au rythme electro qui s’annonçait des plus festifs. Une pause de plus de dix minutes et voilà le concert qui repart de plus belle. Mention spéciale en tout cas pour cette musique de tonnerre et la qualité du son impeccable qui nous fera voyager ailleurs qu’à Alger… l’artiste méticuleux qui fait très attention au moindre détail de sa scène n’omet pas d’ailleurs de changer de tenue à chaque fois qu’il est nécessaire.
Perfectionniste, esthétiquement vôtre, le maestro prendra tour à tour le look d’un dandy, d’un enfant ou encore d’un être tout simplement exceptionnel venu faire la fête et exprimer toute sa rage et son énergie touchante à travers des textes puissamment beaux et qui confèrent à la langue française toutes ses lettres de noblesse. Tout en musicalité et harmonie. Le travail scénique rehaussé par ce visuel en arrière-plan, donnait aussi du relief à ce concert haut en lumière et en couleur.
Un bel attirail technique sophistiqué servi sur le plateau du 5-Juillet qui faillit s’embraser. Le jeune Stromae s’est déchaîné sur scène. L’un des meilleurs moments restera aussi Papaoutai qui fera transpirer encore plus le public. La musique de Stromae parle aux Algériens car elle est teintée d’africanité qui prend souvent le dessus sur les mots tant elle s’insinue dans nos veines. Le génie de Stromae est justement ce mélange des genres, mêlant ainsi rythme, danse et richesse sonores des mots!
Merci donc à toi l’artiste pour cette superbe nuit ensoleillée, matinée de son zouc et merci de nous avoir réconciliés aussi avec le son électro, gorgé à tous les étages..