L’exorcisme au bout du gumbri
Génialissime, enflammé et explosif était le concert qu’a animé Amazigh Kateb et ses musicos, mardi soir, au Théâtre de verdure Laâdi-Flici, où c’était véritablement «the place to be»!
D’ailleurs, l’ont ne sait pas encore qui de Amzigh Kateb ou du public qui est la star, tant le record d’affluence a été indéniablement battu cette nuit-là en termes de fréquentation.
L’on dénombre plus de 6000 personnes qui ont répondu présent à l’appel du rebelle africain qui est venu répandre sa belle musique et parole contestataire sur des milliers de fans prêts à se défouler, rentrer dans la transe et scander à tue-tête à l’unisson: «Chaâb yorid zatla batel» (le peuple veut du hashich gratuitement). Une phrase devenue le leitmotiv du public gnawa et presque la marque déposée du groupe. Le slogan d’Amazigh? Quelque chose qui lui échappe sans doute aujourd’hui.
Assurément. Quoi qu’il en soit et hormis cette note pathétique, mais hilarante à la fois, le charismatique Amazigh Kateb qui, décidément ressemble de plus en plus à son père a été fidèle à son image de meneur de foule et à la hauteur des promesses de ce concert et sa légende entretenues par des morceaux tels Bab El Oued Kingston ou encore Ouvrez les stores que les férus de Gnawa Diffusion de la première heure connaissent par coeur.
C’est par une sorte de poncho mexician sur le dos et le gumbri dans les mains qu’est apparu, sur la scène du Théâtre de verdure, vers 23h30, le révolutionnaire Amazigh Kateb, suivi par les quelques notes electro, aujourd’hui servis dans tous ses concerts avec cet intro. «C’est la rue des vandales» en hommage à son père, puis enchaîne avec son premier morceau son Salam alikoum de circonstance et Guelb ou dem (coeur et sang). Mais il fait très chaud et le public lui, est encore plus chaud de nature et n’attend qu’une seule chose: se laisser guider par le vent gnawa, tanguer et plus que jamais au rythme des ancêtres amazighes, sauter aux cris, et aux bras levés du Che Amazigh.
Désormais, torse nu, c’est un Amazigh frais et tout biceps dehors qui se présentera à nous pour animer le reste de cette endiablée soirée. L’artiste poursuivra son tour de chant avec Ya laymi, nimbé d’un son résolument chaâbi avec P’tit Moh au mandole avant de nous faire découvrir quelques titres de son nouvel album comme Bism el hak ou l’amour (au nom du droit et de l’amour) ou promesse de mort, Malika, et le super bien écrit Complice sur les dérives du pouvoir économique dans le monde, une autre forme d’esclavagisme aujourd’hui, liés aux inflations de la bourse de «Wall Street».
Moussiba, goubara, douga douga ou encore Visa-vie et le Théâtre de verdure se transforme en une véritable arène de fête et de folie, tout feu, tout flamme! histoire de faire tout exploser et se déchaîner comme un diable.
Le théâtre se métamorphose en une fourmilière humaine à ciel ouvert où ça bouge à volonté, les bras en l’air pour certains. Humour et texte au vitriol, tels sont les caractéristiques de Amazigh Kateb qui ne résiste pas, par moment, à lancer des piques à la fin de plusieurs morceaux comme à la fin du morceau Sabrina dont le refrain, il est question de «gaz naturel».
Un titre qu’il dédiera grotesquement à Chakib Khelil mais aussi dans un registre plus sérieux et engagé, il fera un clin d’oeil à Chavez en chantant en espagnol.
Aussi, en s’adressant au public de «sauvage», il dira qu’il «faut être sauvage pour ne pas être mangé justement par…les sauvages!» En parfait maître de cérémonie et harangueur des foules, Amzigh ne cessera de communiquer avec son public. Il s’arrêtera même un instant de chanter pour s’enquérir de l’état d’un groupe de jeunes dont il pensait qu’ils se disputaient.
Aussi, c’est peut-être une bonne chose finalement que Broshing Events ait organisé deux dates de concerts de Gnawa Diffusion, car vu l’état de cet excellent concert et surtout du nombre rocambolesque de ses spectateurs, force à parier qu’il y aura encore du monde à la deuxième soirée! (hier, Ndlr). En première partie de soirée il est noté qu’un autre groupe se produise. Il s’agit de la formation Debza, qui s’était formée à l’université suite au Printemps berbère en 1980.
Une troupe qui a sévi dans le sillage du Théâtre Kateb-Yacine et dont les textes chantés en arabe populaire et en kabyle dénoncent le mal de vivre et incite au combat. D’ailleurs, la troupe finira son tour de chant par Chaâb yourid iskad el nidam! (le peuple veut la chute du régime»…