On nous avait annoncé une conférence de presse de 45 minutes, elle a finalement duré plus d’une heure, tant le débat était riche et âpre.
Vahid Halilhodzic a, en plus d’aborder le match Gambie-Algérie en lui-même, répondu aux différentes questions soulevées dans la presse nationale concernant son travail. Nous vous proposons quelques morceaux choisis de la conférence de presse.
«Mes choix de joueurs ne sont pas dus au hasard»
Abordant ses choix dans la confection de la liste des 24, le sélectionneur national a d’abord déclaré qu’il s’agissait de ses choix propres, qu’il les assumait totalement et qu’il n’avait pas à se justifier. Toutefois, il a tenu à souligner que ses choix il ne les avait pas faits par hasard. Il a dit que cette liste découlait d’un très long travail de suivi quotidien des joueurs, commencé dès sa prise de fonction et qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui puisque certains joueurs allaient même jouer aujourd’hui (ndlr, hier dimanche). Vahid Halilhodzic a dit aussi que c’est après avoir décortiqué le jeu de la Gambie et préparé son schéma tactique pour contrer les Scorpions, qu’il a établi la liste des joueurs répondant aux critères techniques, physiques et mentaux pour s’adapter le mieux à ce schéma et l’emporter.

«Changer de mentalité pour gagner»
Coach Vahid a abordé aussi lors de ce point de presse le problème de la fragilité mentale de notre équipe nationale à l’extérieur, problème numéro un à résoudre, selon lui. Il a dit que c’était bien de gagner à domicile mais que cela ne suffisait plus pour se qualifier à la CAN ou au Mondial. Pour être une très grande équipe et se qualifier aisément, il faut des points à l’extérieur. Il faudrait que les joueurs changent de mentalité, acceptent le duel et le contact viril, et soient sur le terrain pour gagner, donc jouer l’offensive et non défendre. Il faut arriver sur le terrain en costaud et non plus en victime expiatoire. Le problème est que mes joueurs sont réceptifs lorsque je les harangue et sont d’accord avec moi, mais en Tanzanie cela n’a pas été suivi d’actes sur le terrain. A Banjul, je veux voir mes conseils appliqués sur le terrain. Par contre, lorsque je dis virilité, je ne veux pas dire un carton jaune au bout de deux minutes et un rouge au bout de cinq avec un penalty contre nous. Il faut être intelligent, même dans l’engagement.
«La décision finale me revient»
Vahid Halilhodzic a confirmé aussi qu’il n’était pas un entraîneur à composer avec les cadres de son équipe. Il nous a dit que le seul patron en équipe nationale, c’était lui, et qu’il ne tolérera aucune intrusion dans ses plates-bandes. Il a dit que le job des joueurs, c’est de suivre ses consignes, ses conseils et son schéma tactique et de ne pas les discuter. Concernant le staff, chacun des membres qui le compose a un travail spécifique et des prérogatives pré-établie et qu’aucun dépassement ne serait toléré ni accepté par lui-même. Il a déclaré : «Nous nous chamaillons souvent mes adjoints et moi, j’écoute les doléances de X ou Y, mais la décision finale me revient.»
«La Gambie n’est pas une petite équipe»
Répondant à un confrère qui lui a demandé d’arrêter de parler de la Gambie comme s’il s’agissait d’une équipe invincible et de la remettre à sa place sur l’échiquier africain, le head coach des Verts a répondu : «C’est peut-être une petite équipe, mais elle nous a battus deux fois chez elle, non ?» Le Bosnien a déclaré qu’il fallait arrêter de prendre les équipes de haut et qu’en football et de surcroît en Afrique, il n’y a plus de petites équipes. Le meilleur exemple, c’est la Zambie, petite équipe, qui vient de battre la très grande Côte d’Ivoire tout en gagnant un très grand trophée. L’Algérie ne peut plus se payer le luxe du mépris et de la suffisance.
«Je veux jouer un football moderne»
Lorsque nous lui avons demandé si face à la Gambie, nous verrons sur le terrain la «patte Halilhodzic» que l’on ressent déjà sur le plan psychologique, l’entraîneur national nous a dit : «Si vous voulez parler de jeu offensif, en parlant de ma patte, c’est clair que oui. Plus sérieusement, je ne sais pas trop ce que c’est la patte Halilhodzic. Le football est un sport en perpétuelle mutation, il ne faut pas rester figés et suivre les évolutions de ce sport. Moi, je veux que l’équipe d’Algérie joue un football moderne. Un football qui est celui du Barça aujourd’hui et qu’à mon époque on appelait aussi football à la nantaise. Un football basé sur une défense et une récupération haute, où tout le monde attaque et tout le monde défend suivant que nous soyons dans un temps faible et un temps fort. Moi, en équipe d’Algérie, j’ai constaté qu’il n’y avait pas d’effort collectif, les défenseurs défendent et les attaquants attaquent. En Tanzanie, dès que Madjid Bougherra ou Anthar Yahia avaient fini de défendre, ils transmettaient le ballon au milieu de terrain et restaient derrière pour cuire des grillades. Idem pour les attaquants, dès que l’action de but est manquée, il n’y a aucun repli défensif et l’attaquant reste devant faire une sieste en attendant l’action suivante. Je plaisante, bien entendu, mais je voulais juste souligner que dans le football moderne le défenseur doit savoir dépasser le milieu de terrain sur les points forts et que l’attaquant doit être le premier défenseur dès que le ballon est perdu.
«Je n’accepte pas les fausses excuses»
Concernant les conditions de Banjul, le sélectionneur a déclaré : «Je l’ai dit aux joueurs et je le répète aux journalistes, je n’accepterai plus aucune excuse concernant l’Afrique noire et ses conditions. C’est vrai il ya de la chaleur, des terrains difficiles et de l’hostilité même dans l’arbitrage, mais il faut faire avec. Si l’on a le mental, 90% du match est gagné et on fait abstraction de tout cela. Lorsque j’ai appelé ces joueurs, je leur ai tous posé la même question : te sens-tu capable de jouer ce match ? Ils m’ont tous répondu, oui. C’est pour cela d’ailleurs qu’ils sont là. Pour s’adapter à un pays quel qu’il soit, il faut au moins 7 jours. Nous, nous n’avons qu’un jour et il faudra faire avec et essayer de gagner sous 35 degrés et un taux d’humidité à 30%. Concernant les arbitres, même en cas d’injustice, je veux un comportement exemplaire et pas une contestation qui aboutirait un carton rouge qui nuirait à l’équipe. Donc, je ne veux plus entendre aucune jérémiade concernant les conditions, même en cas de défaite.
«Chaouchi n’est pas incontestable»
Répondant à une question d’un confrère relatif au choix du gardien numéro 1e entre M’bolhi et Chaouchi, coach Vahid a botté en touche en déclarant : «Et pourquoi pas Doukha ? Je lis beaucoup de choses dans la presse concernant Raïs et Chaouchi, mais je ne lis jamais rien sur Doukha, qui est aussi présent. Vous écrivez que Chaouchi est très en forme, mais hormis à Sétif où il a eu du travail, les deux derniers matchs il n’a touché que deux ballons. Il est impossible de juger un joueur sur deux ballons. Concernant M’bolhi, même s’il est en trêve hivernal avec son club, il ne faut pas l’enterrer trop vite, il a quand même disputé une quinzaine de matchs amicaux et a été élu meilleur gardien dans un tournoi amical il n’y a pas longtemps.
«Je n’ai aucun problème avec M’bolhi»
Concernant un éventuel problème avec Raïs M’bolhi, coach Vahid a nié toute querelle qu’il aurait eue avec. Il a déclaré : «Je suis quelqu’un de franc et je dis en face tout ce que je reproche à un joueur, à M’bolhi comme aux autres.»
Feghouli et Boudebouz, c’est plus fort que Ziani
La non-convocation du duo Ziani-Djebbour a fait couler beaucoup d’encre, Vahid en a enfin parlé : «Ziani a beaucoup donné pendant 9 ans, mais maintenant, il y a une concurrence, Boudebouz et Feghouli sont plus forts que lui, on a besoin de punch et de jeu direct. Matmour peut le faire, j’aurais pu le prendre et le mettre sur le banc, mais avec les cadres, c’est difficile de le faire, il y a plus percutant et efficace que lui, Feghouli est inexpérimenté par rapport à un Ziani, certes, mais par rapport au schéma que je veux, c’est Feghouli qui me va, car c’est le jeu direct que je cherche.»
Bouazza comparé à Malouda
«J’ai vu récemment Blanc qui a pris Malouda et Saha, et ce, malgré le fait qu’ils n’aient pas beaucoup joué, moi, de mon côté, j’ai choisi Bouazza, je sais qu’il n’a pas beaucoup joué, et hier, il a joué, mais je sais que je n’ai pas beaucoup de gauchers sur le plan offensif, s’il y avait Belhadj, peut-être que…, je ne prendrai quand même pas un joueur qui joue à droite pour l’aligner à gauche, je n’ai pas beaucoup de solutions offensives à gauche, c’est vrai que même le gardien peut jouer à gauche, mais l’application est difficile, s’entraîner en Angleterre et dans un autre pays, aussi ce n’est pas la même chose, je connais aussi les joueurs, et Bouazza est l’un des rares Algériens à avoir marqué à l’extérieur depuis des années, après qu’il joue ou pas, on sait que certains joueurs peuvent jouer 10 à 15 minutes et durant lesquelles ils peuvent être très dangereux», dira Coach Vahid concernant la convocation de Bouazza.
Aoudia préféré à Ghilas
Après avoir fait partie de son groupe lors des deux derniers matches disputés en Algérie, Ghilas a été rétrogradé au rang de réserviste, Vahid lui a préféré Aoudia, il s’explique : «Il y a certains critères de sélection, Ghilas est buteur de la Ligue 2, je le suis, mais je cherche des gabarits comme Aoudia qui répondent à ce profil, Ghilas ne rentre pas dans mon schéma, mais je ne doute pas de ses capacités», a laissé entendre le Bosniaque quant à son choix d’Aoudia.
Abdoun ne joue pas beaucoup non plus
Non sans ironiser, le coach bosniaque de l’EN a parlé d’Abdoun. D’après le driver des Verts, l’ancien Nantais ne joue pas souvent, et comme dans l’affaire Ziani, sa non-convocation est relative au niveau des éléments retenus. «Concernant Abdoun, il y a plus fort, je ne comprends pas pourquoi à chaque fois vous le défendez plus que les autres, alors qu’il ne joue pas», dira Vahid sur le cas Abdoun.
L’Europe privilégiée par rapport au Golfe
Encore une fois, l’ancien entraîneur du PSG a évoqué sa préférence pour les éléments évoluant en Europe, il n’arrêtait pas de glisser cette phrase dans ses propos : «Quelqu’un qui joue en Europe, c’est toujours plus intense, je suis allé voir tout le monde, la charge de travail est différente, s’entraîner en Angleterre et dans un autre pays, ce n’est pas la même chose.»
La porte est ouverte aux joueurs locaux, mais…
Halilhodzic s’est dit agacé par le comportement des joueurs dans le championnat d’Algérie, de mauvaises habitudes qui ternissent l’image du joueur local et qui les font sauter de ses plans, il explique : «Pour les locaux, la porte reste ouverte, ils doivent être des pros, les gens ne savent pas peut-être, mais je les appelle souvent, ceci dit, je ne suis pas vraiment content de certaines choses, je ne veux plus voir de contestations de décisions d’arbitres, c’est un critère important à mes yeux, il y a des joueurs qui sont bons, j’ai même supervisé des joueurs avec leurs clubs quand ils jouent à l’extérieur avant la liste de la Gambie et voir ce que ça donne, mais je ne veux pas perdre un match à cause d’une contestation.»
Le système en Algérie est trop défensif
«Le problème des coachs algériens, c’est qu’ils jouent avec un attaquant devant, Aoudia qui joue seul devant à l’ESS est le meilleur exemple, on trouve souvent un seul devant et 9 derrière, ils ont peur de perdre, mais tout le monde doit attaquer, les attaquants sont esseulés, un récupérateur doit récupérer même devant comme le fait Xavi au Barça, car dans le cas contraire, le résultat, c’est une pénurie de buts et d’attaquants.»
J’ai visionné les matches Gambie-Algérie 4 fois
Comme annoncé par nos soins il y a quelques mois, Vahid a reçu les K7 des matches Gambie-Algérie de 2007 et 2008. Après les avoir visionnées, il a pris des notes. D’ailleurs, en évoquant ce point, Vahid a exhibé une feuille pleine d’informations, avec des remarques, déclarant que depuis qu’on a hérité de la Gambie au tirage au sort, il n’a pas arrêté de réunir les infos sur cet adversaire. «J’ai visionné les deux matches joués face à cette équipe plus de 4 fois et j’ai vu certains joueurs qui ont joué là-bas, mais je garde pour moi mon propre avis», dira Vahid concernant les deux matches Algérie-Gambie de 2007 et 2008 qu’il a visionnés.
L’Algérie méritait de perdre à cause de son jeu
Après avoir décortiqué lesdits matches, Vahid a compris. «L’Algérie méritait de perdre lors des deux matches et je me suis rendu compte que la défaite était normale, j’ai vu les joueurs de la Gambie, et ce jour-là, ils méritaient la victoire, ce n’était pas une victoire volée comme on dit, mais une victoire totalement méritée», a-t-il témoigné, avant de donner quelques détails qui expliquent les raisons du jeu algérien peu fructueux. «De toute façon, on se cantonne en défense, on confond, on balance et il n’y a pratiquement pas de mouvements. En Tanzanie, aucun appel en profondeur, tous étaient derrière, ce n’est pas ça le foot, je veux que ça change.»
Pas de débriefing dans l’avion
A la question de savoir s’il profitera des 6 heures de vol séparant Paris de Banjul pour discuter avec ses joueurs et faire son débriefing, Vahid dira non. «Mis à part 2 à 3 joueurs auxquels il se pourrait que je parle, je préfère plutôt les laisser se reposer, n’oubliez pas il y en a ceux qui joueront aujourd’hui (Ndlr, hier) et qui seront fatigués, on va les laisser se reposer.»
Voilà pourquoi j’ai pris Ghezzal à la place d’Yebda
Pourquoi Vahid a pris un réserviste, à savoir Ghezzal, à la place d’Yebda, alors que les deux joueurs ne jouent pas dans le même registre, le coach répond : «Le seul reproche que je peux faire à Ghezzal, c’est qu’il ne joue pas, mais comme j’ai beaucoup de récupérateurs, et que Ghezzal venait de jouer avec Levante, il a donc retrouvé du temps de jeu, j’ai préféré le prendre, car son profil de joueur hargneux correspond à ce que je cherchais.»
Bouchouk a disparu ?
En allant jouer dans le Golfe, Bouchouk a disparu, c’est en tout cas ce que pense Coach Vahid, qui est sans doute déçu, il a préféré traiter ça brièvement non sans ironiser : «Je l’ai vu, il avait des qualités extraordinaires, mais il a disparu depuis.»
Il faudra deux ans pour que cette équipe joue comme je veux qu’elle joue Vahid a beaucoup parlé du Barça, il veut reproduire son jeu, avec l’EN, il en rêve encore : «Il faudra un à deux ans pour atteindre ce que je veux, un attaquant, un axial et qui se retrouve excentré, il doit se replacer, tout est organisé, le repli est important, ce sont des automatismes qu’il faut assimiler pour atteindre ce qu’on vise.»
Le peuple algérien est passionné, connaisseur et trop pessimiste
«Je vais partout dans le monde, il y a toujours un Algérien qui vient me dire pourquoi X ne joue pas et Y aussi, la dernière fois, un maçon est descendu de son échafaudage pour me dire pourquoi vous ne faites pas jouer un joueur, c’est un peuple passionné, ce sont des connaisseurs et je commence à connaître comment les gens fonctionnent, mais vous êtes aussi un peu trop pessimistes, vous croyez toujours que l’équipe va perdre, même avec le travail, ils croient toujours que l’équipe va perdre.»
Yebda nous aurait été utile en Gambie
L’entraîneur national regrette l’absence d’Yebda. «Il nous aurait été d’une grande utilité en Gambie, son physique et son côté hargneux nous auraient aidés», dira Vahid de l’absence d’Yebda.
Il a parlé de Benyamina et Ziani sans les citer
«Contre la Tanzanie, j’ai vu des joueurs garder le ballon, un peu trop même, alors qu’il suffisait de donner le cuir puis marquer, il faut s’adapter au schéma, en Tanzanie aussi, j’ai vu un attaquant ne faire que des appels latéraux, et un milieu qui gardait trop le ballon, alors qu’il y avait des demandes devant les buts pour marquer, moi quand j’étais encore joueur, je suis allé un jour voir le coach au FC Nantes, je me suis plaint, car je ne marquais pas, il m’a dit que j’étais nouveau et qu’avec le temps, je devais m’adapter au système, et l’année d’après, j’ai marqué 30 buts», dira Coach Vahid, avant de se retourner vers Aoudia pour lui lancer ceci : «C’est ça que je veux que tu fasses.» Façon de lui montrer le chemin et de l’inciter à éviter de tomber dans les erreurs du passé.
Synthèse Mohamed Bouguerra