Ali Belhadj l’avait affirmé dans une déclaration faite à un confrère. «On ne va pas voter pour des partis qui ont participé au pouvoir et qui sont impliqués dans la corruption».
La course aux prochaines législatives se fait de plus en plus serrée. Si la majorité des partis en lice ne cesse de solliciter les électeurs à aller voter massivement le 10 mai prochain, certaines formations restent attentives à l’ancienne base de l’ex-FIS. Une base dispersée et partagée entre courants et chefs spirituels. Cela a fini par créer une décentralisation de décision au sein de l’ancien parti d’Abassi Madani. Cette «hétérogénéité» pose quelque peu problème et rend difficile les jeux d’alliance. Contrairement à la pratique des années 90, l’ex-FIS compte plusieurs têtes et dispose de dirigeants locaux, respectés et écoutés, à travers chaque wilaya. Le pouvoir est partagé et ne relève plus d’un seul centre. Il y a lieu de compter sur les anciens tels que Cheikh Hachemi Sahnouni ou ceux de l’AIS et leur chef Madani Mezrag, ou encore sur les dirigeants du mouvement salafiste. Parmi ces décideurs, il y a aussi le groupe de Boukhamkhem, ainsi que les dirigeants de l’ex- FIS à l’étranger, à l’image de Rabah Kebir. L’ancien président de la délégation du parti dissous, en exil aux États-Unis depuis 1992, Anouar Haddam redouble, de son côté, d’activisme en cette veille électorale et tente à travers son mouvement pour la liberté et la justice sociale, lancé en 2007, de redorer son blason. Mais, il faut compter aussi les imams-prêcheurs (douaate) proches de l’ex-parti qui font un travail de sape considérable et parviennent à faire rallier à leur cause des centaines de jeunes. «Aucune alliance ne serait donc plus possible», affirme-t-on puisque «ce groupe n’est plus uni et la décision est décentralisée». L’assiette islamiste est désormais multiple avec ses propres tendances, courants et chefs. Ali Belhadj et son groupe restent les plus en vue de par leur activisme et coups d’éclat par de provocatrices déclarations médiatisées. Cela a redonné une aura particulière à l’ex-numéro deux du FIS qui jouit de beaucoup d’influence, notamment chez les jeunes qui n’ont pourtant pas connu le FIS dissous mais éprouvent de la «sympathie et de la compassion» pour ce «récidiviste». C’est donc cette base-là que lorgnent les candidats à la députation et leurs partis. Alors que la base électorale a été presque «cernée» à quelque 26 millions, chiffre contesté, la masse votante de l’ex-parti, estimée à plus ou moins 3 millions, demeure l’enjeu capital et assurera le triomphe de celui qui les aura comme soutien. C’est donc vers cette base que les partis d’obédience islamiste et voire même d’autres formations ayant pris par le passé la défense de l’ex-FIS continuent à regarder. Le FFS, qui a plaidé la cause du FIS via sa participation à Saint Egidio lors du contrat de Rome, semble favori chez beaucoup de Fisistes. La loi sur la concorde civile ainsi que celle concernant la réconciliation ont permis aux «égarés» de recouvrer certains de leurs droits, y compris civiques, ouvrant la voie à ces derniers de reprendre l’activité politique. Dans un entretien accordé à un confrère le mois de décembre passé, Ali Belhadj ne nie pas vouloir «faire de la politique et être même président de la République», soutenant même que le FIS n’a jamais perdu de sa popularité. L’ex-numéro deux du FIS dissous aspire à un avenir politique «légal» et lancera même un défi en déclarant qu’«il faut nous redonner l’agrément et nous laisser nous approcher du peuple. Ce dernier donnera son verdict. Si le système pense que le FIS est fini, qu’il lui redonne l’agrément, ne serait-ce que pour le mettre à nu devant l’opinion publique et même internationale». Des propos qui en disent long sur la situation des islamistes de l’ex-FIS en Algérie qui se savent convoités et comptent exploiter cette «énergie». A propos des prochaines élections, ce dirigeant du parti dissous fustige les partis islamistes car «(…) ces formations politiques ont délaissé leur programme pour travailler sur celui du président. On ne va pas voter pour des partis qui ont participé au pouvoir et qui sont impliqués dans la corruption. Je parle de partis et pas de tous les militants. Il y a des gens intègres dans chaque parti, mais ils ne sont pas nombreux et ce ne sont pas eux qui prennent les grandes décisions».
Par Azzedine Belferag