Le séisme d’une magnitude de 5,6 sur l’échelle ouverte de Richter qui a secoué la capitale vendredi dernier a fait six morts et provoqué quelques fissures aux immeubles du vieux bâti. Deux personnes sont décédées d’un arrêt cardiaque, alors que les autres sont mortes après qu’elles se soient jetées des balcons.
Aucune personne n’est décédée suite à des effondrements de bâtisses. La mort est causée, plutôt, par l’absence de contrôle de soi dans ces moments très délicats. L’Algérie est un pays sismique et même si l’activité n’est pas très forte, elle reste quand même assez fréquente. Panique, fuites, cris et pleurs sont les comportements les plus visibles au moment du tremblement de terre. Les spécialistes affirment que ce sont des attitudes qui renseignent sur « l’absence d’une culture de prévention » et « de gestion des événements de très grande intensité » chez les citoyens.
Déficit pédagogique
« Il y a un grand déficit en matière de pédagogie, car la culture sismique n’a bénéficié d’aucun intérêt, que ce soit dans les écoles ou dans les médias. A l’école, on n’enseigne pas le séisme et ses impacts aux enfants et on ne leur inculque pas le comportement idoine en cas de tremblement de terre. Même dans les activités parascolaires, cet aspect est complètement éludé.
Cette matière est également absente des manuels scolaires et dans les programmes officiels », a expliqué le docteur Hamadache, sociologue et enseignant à l’Université d’Alger, précisant que « tout cela fait que les enfants, c’est-à-dire les adultes de demain, ne sont pas préparés sociologiquement et psychologiquement à affronter ce genre d’évènements ». Outre l’école, les médias et les réseaux sociaux, qui sont des supports indispensables pour faire propager cette culture, le Dr Mohamed Hamadache évoque la famille qui « doit jouer un rôle important notamment vis-à-vis des enfants ». Les cas enregistrés vendredi dernier illustrent « l’absence d’éducation et de culture sismiques », d’autant que les victimes sont de la frange juvénile. La peur de mourir et la panique aveugle et extrême relèvent, aussi, du facteur religieux, qui n’est pas à négliger. « Les gens manquent de foi. Il y a un vide terrible en la matière et avoir des mosquées entièrement remplies n’est finalement pas un signe de forte croyance et de foi. Les Algériens sont des musulmans et savent que la mort existe, mais… », dira-t-il. Le sociologue regrette l’absence « d’une mémoire collective » sur la situation sismique en Algérie. « Nous avons eu les séismes de Chlef et de Boumerdès qui ont permis à l’Algérie d’accumuler beaucoup d’enseignements mais malheureusement, cette mémoire collective n’est pas répertoriée et exploitée à bon escient », ajoutera-t-il. Il estime indispensable d’intensifier « les campagnes et les actions de sensibilisation et de prévention et d’ouvrir, à chaque occasion, des débats avec des experts pour renseigner le grand public sur les comportements à adopter lors de ces moments ».
Perte des moyens psychologiques
« Fragile, l’être humain perd complètement ses moyens psychologiques lors des évènements de très grande intensité », explique, pour sa part, Ali Benali, psychologue, qui nous livre une analyse du comportement des individus. Lors d’un séisme (moment de très grande intensité), l’être humain est « dépassé » et n’a plus le temps de décider de l’attitude à prendre, et c’est donc la fuite en avant. « Il perd ses réflexes et ses moyens psychologiques et n’arrive pas à réajuster les attitudes adaptatives face à un évènement de très grande intensité », explique-t-il. Ce phénomène est « une réaction naturelle » qui existe dans toutes les sociétés. « Sauter d’un balcon dans ce cas est un comportement lié à la psychologie individuelle et non pas à l’ensemble de la société », tempère-t-il. « Ce sont des cas isolés dont le fonctionnement psychologique a subi des traumatismes antécédents.
Ces jeunes ayant trouvé la mort ont eu des difficultés dans leur vie quotidienne ou ont connu le précédent séisme qui les a choqués », observe-t-il. Ces individus ont eu « une attitude de conservation de soi » mais qui a été inadaptée. Pour contenir ces évènements de très grande intensité, ces personnes ont eu recours à « la fuite sans tenir compte des éléments de l’environnement ». Le sommeil est un autre facteur qui a engendré la manière de cette fin tragique car « les choses auraient été différentes si ces personnes étaient éveillées ». Quelle est la bonne réaction alors ? « Il faut garder son calme, retrouver ses moyens, réfléchir rapidement et éviter d’être submergé par l’évènement », préconise le psy. Toutefois, il affirme qu’il est impossible « de prévoir ces réactions », d’où la nécessité de recourir à la sensibilisation et l’information sur les mesures à prendre. Il estime que « les enfants réagissent mieux que les adultes lors de ces moments » dans la mesure où « ils prennent le temps de réagir ».
Cap sur la prévention
L’activité de prévention occupe une place prépondérante dans les activités de la Protection civile. « Nous introduisons dans chaque activité ou campagne de sensibilisation l’aspect relatif à la prévention antisismique », indique Nassim Bernaoui de la cellule de communication de la Protection civile. Il s’agit d’apprendre aux gens « comment vivre et survivre avec les séismes » étant donné que l’Algérie est directement concernée par ce phénomène et que la culture sismique doit faire partie de nos comportements quotidiens. Ainsi, outre les caravanes, les portes ouvertes et les interventions dans les médias sur « les grands risques », les services de la Protection civile ont sillonné les villes côtières et de l’intérieur du pays avec « un camion simulateur de séisme » afin « de faire vivre un tremblement de terre aux citoyens et leur inculquer les comportements à adopter pour bien s’en sortir ». Il est également question d’inculquer aux gens ce qu’il faut faire avant, pendant et après le séisme. La Protection civile organise quatre stages de formation annuellement dont l’intitulé est « un secouriste par famille ». Une opération menée depuis 2010 qui a permis la formation de 64.000 jeunes. « Pendant 21 jours, les jeunes recevront des cours de secourisme et de sensibilisation contre les différents dangers », précise Bernaoui. En septembre, la Protection civile va organiser une caravane nationale sur le risque sismique.
Nouria Bourihane
Bon à savoir
Les familles doivent parler des tremblements de terre et expliquer ce phénomène aux enfants. Au niveau du domicile, il faut préparer un plan de refuge pendant et après la secousse. Il est également recommandé de faire une petite réserve alimentaire et de mettre les médicaments dans des endroits accessibles. Les familles doivent avoir un poste radio et des lampes car les coupures d’électricité sont fréquentes lors des tremblements de terre. Il faut libérer le réseau téléphonique aux services de sécurité et de secourisme. Pendant les secousses, les membres de la famille doivent rester dans le lieu de refuge ou de survie dont les cadres des portes, éviter les balcons, les cages d’escalier, le centre de la maison et les grands meubles. « Les citoyens doivent savoir qu’ils n’auront jamais le temps de descendre quatre étages pendant le séisme », rappelle ce cadre de la Protection civile Autres conseils : bien fixer les objets sur les murs car la panique surgit lorsque des objets commencent à tomber, ce qui donne l’impression que la maison est en train de s’effondrer. A la fin de la secousse, il faut s’assurer que les personnes sont saines et sauves, fermer les robinets de gaz, d’eau et d’électricité et gérer la panique. Il faut savoir qu’il y a toujours des répliques et que dès leur passage, les gens peuvent retourner chez eux et rester à l’écoute de la radio pour d’éventuelles informations.
N. B.