Fuyant leur pays, à la suite de coups d’Etat, de guerres ou de famines, des camerounais, des maliens, des tchadiens… sont arrivés en Algérie, animés des espoirs les plus fous. Certes ils sont à l’abri, mais leur situation est très précaire et ils ne savent rien de leur devenir. Sans compter qu’ils doivent subir, en silence, les sarcasmes et les insultes racistes de nombre d’algériens.
C’est en ces termes pesants qu’un immigré tchadien a choisi d’engager la discussion avec nous, après un long moment de réflexion et d’hésitation. Abdelaziz a 18 ans, il est arrivé en Algérie à la fin du mois d’août dernier, après un long périple dans le sud du pays.
Il a été précédé par son frère aîné qui serait à l’heure actuelle dans la région d’Annaba où il est maçon, en attendant de trouver un club de football qui voudrait bien l’engager comme footballeur. «Mon frère a toujours fait du football. Mais, faute de papiers, il a du mal à trouver un club», précise Abdelaziz dont les parents ont été tués lors du coup d’Etat raté. «Mon père était colonel dans le groupe armé qui a mené le coup d’Etat déjoué par les forces étatiques en 2011», dit-il. Ses parents auraient été tous les deux exécutés par les forces pro Idriss Deby. On le sait, le Tchad a une longue histoire de coups d’Etat. Le pays a connu plusieurs coups d’Etat et tentatives de déstabilisation de pouvoir en place depuis les années 1990.
Abdelaziz refuse d’être considéré comme un immigré clandestin. «Je suis un réfugié», clame-t-il tout en assurant être en possession d’une attestation délivrée par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) à Alger. Sans travail, il dit compter exclusivement sur la solidarité des deux autres Africains avec lesquels il partage un petit logis de fortune d’à peine 40 m2 au quartier Le Battoir à Bordj El-Bahri. «Les gens refusent de m’engager comme maçon avec des honoraires à la mesure de mes compétences», a-t-il indiqué. Comme lui, ils sont des centaines, si ce n’est plus, à vivre dans cette situation précaire dans ce quartier connu pour sa forte communauté africaine.
Cette communauté est constituée en grande partie de Camerounais, de Maliens, de Tchadiens, ainsi que de Libériens et de Nigériens…La plupart prétendent être des réfugiés. Mais aucun d’eux n’a été en mesure de nous montrer l’attestation de réfugié. Mebia Guy Michel est un Camerounais rencontré sur place. Il dit avoir fui son pays suite à un conflit ayant opposé au début des années 2000 certains étudiants universitaires au pouvoir en place. «J’ai fui le Cameroun après les arrestations qui ont suivi la caricature de la première dame du pays dessinée sur le mur de l’université», raconte Guy Michel, qui vit depuis 8 ans dans ce quartier de la banlieue est d’Alger. «Je suis à la base électromécanicien. Je travaille aujourd’hui en tant que réparateur de photocopieuses», poursuit Gue, qui dit ne travailler que 3 jours sur 7 et gagner environ 15 000 DA par mois. Un salaire qu’il doit arrondir par «des petits jobs en tant que manœuvre» pour pouvoir payer un loyer de 16 000 DA. Guy habite un bidonville de deux pièces avec son frère marié et sa sœur. «Je partage le loyer avec mon frère à raison de 8 000 DA chacun», précise ce Camerounais de 44 ans. Guy dit, lui aussi, souffrir du racisme des Algériens. «Ce n’est pas facile de se faire accepter», lance-t-il.
Si les adultes restent plus ou moins tolérants à cette présence africaine dans ce quartier qui abrite plusieurs constructions inachevées, les enfants ne les ménagent guère. «Nous sommes souvent victimes de jets de pierres de la part des enfants qui nous agressent dans un langage ordurier», ajoute notre interlocuteur, qui assure ne pas avoir peur d’une éventuelle arrestation par les services de sécurité. «L’immigration clandestine est reconnue dans le monde entier. Ce n’est pas un délit.»
A.B