Commerces fermés et transporteurs absents durant l’Aïd, Alger ville morte

Commerces fermés et transporteurs absents durant l’Aïd, Alger ville morte

Les commerçants et les transporteurs font de la capitale une ville morte durant les deux jours de la fête de l’Aïd. Pour qui sillonne un peu les communes de la capitale, Alger est d’une tristesse infinie.

Si la journée de l’Aïd El Adha était agréable, beau soleil, air marin et les moutons sacrifiés le matin, l’après-midi voire également le soir, la ville est déserte, et la capitale algéroise devient un tombeau où seuls quelques rares personnes traînent, voire s’aventurent dehors, à la recherche d’un endroit paisible loin du stress ou ceux qui n’ont pas envie de dormir. Comme chaque année pendant et après les fêtes de l’Aïd les commerçants et les transporteurs boudent les algérois.

La loi réglementant l’ouverture des commerces est claire et pourtant elle n’a pas été respectée. La direction du commerce et l’UGCAA ne font rien de concret pour que la situation soit réglée. Pis, les dizaines de milliers de magasins ont fermé déjà la veille de l’Aïd, certains ont préféré passer l’Aïd au bled, laissant une ville vidée de ses habitants. C’est partout pareil le jour de l’Aïd, voire plusieurs jours après.

On dirait que ces commerçants et les transporteurs ont tous obéi au même mot d’ordre : ne plus ouvrir, ne plus desservir et laisser les clients sans provisions. Mais qui contrôle ce beau monde ? Y a-t-il une loi dans notre République pour forcer la main aux commerçants et les transporteurs et les contraindre à assurer un service minimum. Les habitants d’Alger ont tous condamné cette situation qui persiste depuis des années.

Tout étonné, Halim, un jeune d’une trentaine d’années résidant à Scala, affirme avoir assisté à des «scènes burlesques» le jour et le lendemain de l’Aïd : plusieurs personnes désemparées se bousculaient autour d’un vendeur de pain à la place Kennedy, à El-Biar, ou dans l’échoppe d’un vendeur de fruits et légumes ou un magasin d’alimentation générale. Ce constat n’est pas fait seulement par les habitants du quartier populaire d’El-Biar, mais partout, au centre-ville ou également à Kouba, au célèbre quartier de Ben Omar.

Aux Bananiers, à Belouizdad, à Mohammadia, à Hussein Dey et Baraki, on se dispute pour une baguette de pain dans les quelques dépôts restés ouverts. Les rares commerçants qui sont restés ouverts ont trouvé le bon filon : augmenter les prix et «tricher sur la qualité» de la marchandise proposée. C’est une vieille bonne méthode qui continue à fonctionner toujours, selon les habitants. Du côté du Ruisseau, les boulangeries ont fermé et le pain écoulé sur les trottoirs est cédé à plus de 20 dinars la baguette. Mieux, les tomates sont par exemple cédées à 120 dinars, c’est aberrant. Les vendeurs étaient assurés de trouver preneur, constatent les consommateurs.

Des légumes de moindre qualité et à des prix plus élevés que d’habitude. Mais pourquoi cette situation se répète-t-elle chaque année ? «Les gérants de ces commerçants, même s’ils habitent Alger, et pour certains depuis plusieurs générations, ont tous un pied-à-terre au bled et pour rien au monde ils ne ratent l’occasion de s’y rendre. C’est là-bas qu’ils ont leurs habitudes et leurs familles et la seule occasion de se retrouver autour d’un bon couscous», assure Smaïl, commerçant à la rue Mustapha Chelah à Scala.

Les stations de bus désertes et les restaurateurs fermés

De leur côté, la plupart des stations de bus de la capitale ont été boudées par les transporteurs, et rares sont les chauffeurs de bus qui assuraient les dessertes. Seuls les bus d’Etusa étaient présents sur les lieux.

Cette dernière a assuré pour sa part le service minimum durant les deux jours de l’Aïd. Les restaurants ont eux aussi fermé leurs portes, faute de personnel. Les jeunes cuisiniers et les serveurs viennent tous du bled, de Jijel, de Tébessa ou de Tizi Ouzou et des autres régions de Kabylie et même de Sétif depuis quelque temps. Ces derniers partent chez eux le jour de l’Aïd.

La faute à qui ? «Aux Algérois sûrement qui ne choisissent pas ces emplois, mais préfèrent d’autres métiers moins contraignants et plus lucratifs», constate Saïd, serveur dans un restaurant de la rue Pichon à Alger-Centre, où quelques commerçants sont heureusement restés ouverts.

«La situation ne reviendra à la normale que dans quelques jours, le temps pour les grossistes et les gérants de magasins rentrés de leur congé de s’approvisionner chez leurs fournisseurs habituels, eux aussi originaires des wilayas de l’intérieur», prédit le gérant d’une pizzeria de la rue Hassiba Ben Bouali, restée ouverte. Que font les autorités ? Bien entendu rien. Les restaurateurs et les transporteurs peuvent mettre en avant le fait qu’aucune loi ne les oblige à ouvrir et à desservir les jours de fête.

La loi réglementant l’ouverture des commerces, l’assurance du transport et le service minimum a été ignorée, et même la direction du commerce ou l’UGCAA, qui se targue de compter des milliers d’adhérents, ne fait rien pour remédier à cette sitaution. Alors combien d’années faut-il encore attendre pour que les Algérois soient enfin assurés d’un service minimum digne de ce nom.

Par Sofiane Abi