Commerce informel : Activité de tous les dangers

Commerce informel : Activité de tous les dangers

A bien considéré, après un constat soigneusement mené sur le terrain, le ministre du Commerce, jetant le pavé dans la marre, décide d’aller jusqu’au bout de sa décision, celle « d’éradiquer » de façon plus au moins exhaustive ce commerce qui continue avidement d’entraîner des pertes énormes à l’économie nationale. Cette éradication, n’est pas sans alternatives, mais proposera des solutions disons idoines à ce problème, dont la réalisation de 769 nouveaux marchés de proximité, de 8 marchés de gros, réhabilitation de 32 marchés de gros et de 241 marchés de détail.

Petite rétrospection sur la refonte économique et commerciale en Algérie

Si nous tenons à revenir un petit peu en arrière pour jeter un regard laconique et lapidaire sur le processus de développement, de refonte économique et d’approvisionnement du marché algérien, nous serons obligés de passer par les années quatre-vingt-dix où était intervenue justement cette politique commerciale quasi-inédite. Alors petite rétrospection. En se basant sur des données cumulées par-ci par-là, nous sommes arrivés à constater que c’est à partir des années 90 que l’Algérie a entamé essentiellement le processus des réformes économiques tout en abandonnant le modèle de l’économie centralisée et administrée pour s’engager progressivement sur la voie d’une économie de marché, basée sur la liberté de l’industrie et du commerce. Les objectifs visés par ces réformes consistaient en la diversification de l’économie algérienne, son engagement sur la voie d’une croissance durable et soutenue ainsi que son intégration dans des espaces économiques régionaux et mondiaux. Grâce à ces réformes, le paysage économique et commercial algérien a été considérablement transformé.

Par conséquent, les marchés des biens et des services ont été libéralisés et ouverts à la concurrence et à l’investissement privé tant national qu’étranger. Parallèlement à cela, et à l’effet de dissiper les écueils qui bloquaient la création et le développement des entreprises, d’assoupir les conditions d’inscription ou registre du commerce et de faciliter l’insertion des commerçants en marge de la réglementation en vigueur dans la sphère commerciale légale, une refonte globale de la législation et de la réglementation relatives à l’exerces des activités commerciales a été opérée. De même, la démonopolisation du commerce, la dérèglementation des prix, la refonte du tarif douanier, l’élimination des restitutions quantitatives et la convertibilité du dinar pour les transactions commerciales courantes ont facilité et aidé à l’émergence de nouvelles entités économiques dont le nombre n’a cessé de

LG Algérie

progresser d’année en année.

L’approvisionnement du marché avant les réformes économiques

L’approvisionnement du marché national, avant l’avènement des réformes économiques, était exclusivement, assuré par un nombre restreint d’entreprises publiques dont la dissolution a été comblée, tant bien que mal, par des opérateurs économiques issus dans leur majorité du secteur privé. C’est ainsi que les activités d’importation et de distribution ont été investies par une multitude d’opérateurs privés, le plus souvent, sans qualification ni savoir faire notamment, en matière de négoce international et ne disposant pas, pour la plupart d’entre eux, d’infrastructures adéquates pour l’exercice de ce genre d’activités. Cependant, il faut dire que le passage d’une situation de monopole et de pénurie à une situation de concurrence et d’abondance a été accompagné par l’émergence de pratiques frauduleuses et anticoncurrentielles.

Qui était à l’origine de celles-ci ?

’est assurément la prolifération d’une économie informelle. Vers l’éradication du marché informel Ça y est, le ministère du Commerce a, enfin, décidé de se préoccuper sérieusement du marché informel qui sabote davantage, non seulement l’économie nationale, mais aussi nuit à la santé du citoyen. Dans son intervention dans le séminaire organisé, lundi 9 février à Alger, sur l’économie et le marché informel, le ministre du commerce, Amara Benyounes, a exprimé la volonté de son département quant à l’éradication du commerce qui s’exerce de façon illicite. « Si par le passé, l’informel constituait un refuge pour une frange minime d’une population sans revenu ou à la recherche de ressources financières supplémentaires pour subvenir à ses besoins, son expansion actuel obéit, de plus en plus, à des objectifs occultes et à des motivations de gain facile, d’enrichissement illicite et d’évasion fiscale», a-t-il souligné, avouant que bien que ce type de commerce soit socialement utile, du fait qu’il emploie et fait vivre des dizaines de milliers de familles, cela n’empêche qu’il demeure, d’après lui, porteur de risques, tant sur le plan de la santé que de la sécurité des consommateurs. «Les résultats d’enquêtes réalisées, ces dernières années, par le secteur du commerce démontrent que ce phénomène affecte, à des degrés différents, plusieurs branches d’activités», a-t-il ajouté. Pour énumérer ses propos, le ministre souligne : «Cette activité a touché, par exemple les services, l’industrie de transformation, dont les produits agroalimentaires, cosmétiques, textiles et le cuir, matériaux de constructions, l’agriculture, le commerce extérieur et la distribution tant au stade de gros que du détail». Dans le même ordre d’idées, M. Benyounes avoue la complexité de ce phénomène et sa maitrise absolu : «Bien qu’il soit difficile de cerner avec exactitude l’ampleur de ce phénomène, au regard de sa nature occulte et de ses pratiques frauduleuses, il n’en demeure pas moins que les actions menées par les Services de contrôle du ministère du Commerce ont permis la découverte, au titre des quatre dernières années, des transactions commerciales sans factures pour un montant global de 206,5 milliards de DA, soit une moyenne annuelle de 51,6 milliards de DA.»

Lutte contre l’informel : Opération lancée en 2012

Dès le mois d’août 2012, le ministère de l’Intérieur

et des Collectivités locales et celui du Commerce avaient entamé une large opération d’abolition des marchés informels qui engendrant, à en croire les analyses des experts en économie, «des pertes financières considérables à l’Etat en raison de l’évasion fiscale induite». Selon Abdenour Hadji, directeur des études et de la prospective du ministère du Commerce, un constat minutieux mené sur le terrain, à l’échelle nationale, a permis le «recensement de plus de 1.368 marchés informels.»

«Depuis le début de l’opération d’assainissement en août 2012 jusqu’à la fin 2014, 872 d’entre eux ont été éradiqués, soit 64% des sites existants», a-t-il affirmé .

éanmoins, bien que beaucoup d’efforts soient consentis par l’Etat quant à l’éradication de ces marchés, il n’en demeure pas moins que certains marchés n’ont pas tardé à refaire surface. En effet, selon notre interlocuteur, 103 marchés informels éradiqués dans plusieurs wilayas du pays, sont réapparus. A Alger 57 marchés ont réapparu, à Tébessa 15, à Blida 13, à Ain Defla 2 et enfin à Tiaret, on remarque un seul marché refait surface.

Les raisons d’un retour

La réapparition de ces marchés s’explique, d’après Abdenour Hadji, par le fait que certains responsables locaux ont entraîné des retards quant à la réalisation et à la livraison des infrastructures de commerce destinées à l’insertion des commerçants informels. «Ces espaces auraient dû contribuer à la lutte engagée contre la propagation des marchés illégaux », a-t-il précisé. Du point de vue du porte-parole de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Hadj-Tahar Boulenouar, ce retour revient à l’incapacité des autorités publiques à résoudre définitivement ce problème. «L’informel a profité des lacunes existant dans la mise en place de l’opération de son éradication entreprise par les pouvoirs publics. A vrai dire, l’informel n’a pas été éradiqué à la racine», renchérit-il, ajoutant que le gouvernement devrait mettre en place des mesures alternatives pour résorber ce fléau. «Par exemple, dans les communes d’El Harrach (Alger) et de Kharrouba (Boumerdès), les projets de marchés destinés à la résorption de l’informel, lancés il y a cinq ans, avancent à petits pas», déplore M. Belnouar.

Sérieuse menace pour l’outil national de production

«Le phénomène du commerce informel pourrait constituer, à terme, sérieuse menace pour l’outil national de production et par conséquent, risquerait de mettre en péril les fondements de l’économie nationale dans son ensemble», c’est ce qu’a déclaré également Amara Benyounès lors de cette journée sur le commerce informel, estimant que l’ampleur prise par l’informel, ces deux dernières décennies, reste l’un des principaux obstacles à la stabilité à la transparence nécessaires à une relance économique soutenue et au développement de l’investissement productif créateur d’emplois et générateur de richesses. « De multiples entreprises qui activent dans la légalité et dans le respect de la législation et de la réglementation se trouvent, fortement menacées dans leur existence, par ce phénomène qui freine tout effort d’investissement productif», a-t-il ajouté.Cela est du essentiellement, selon lui, «au manque d’entreprises spécialisées dans la grande distribution».

e déficit avéré en infrastructures commerciales nt, dans une large mesure, favorisé le développement de zones d’activités commerciales souvent situées dans des sites inadaptés et ne répondant pas aux normes et standards exigés en la matière», argue-t-il. Cette situation, dit-il, a conduit à une anarchie totale, dans la mesure où l’on constate une prolifération incroyable de vendeurs à la sauvette semant le désordre et des bric-à-brac exécrables. « force et de constater que des rues, des ruelles, des entrées d’immeubles, jardins et autres espaces publics sont quotidiennement envahis par une multitude de personnes qui s’adonnent à l’exercice d’activités commerciales, dans le désordre, sans titre légal, causant toutes sortes de nuisances, non seulement aux riverains, mais aussi au cadre de vie et à l’environnement en général», déplore M. Benyounès qui estime que ces activités illégaux dépassent la mesure : «Ces activités ont fini par s’incruster dans le décor ambiant de nos villes, villages, cités et quartiers, s’élargissant toujours davantage tout en sédentarisant, au détriment de la quiétude du citoyen et des intérêts des commerçants légalement établis. » Pour en finir avec cette situation, le ministre affirme avoir pris des mesures appropriées. «Des mesures ont été prises par les pouvoirs publics, à l’effet de : dynamiser davantage l’outil national de production, stimuler les investissements productifs et promouvoir l’emploi, lutter contres les différentes formes de fraudes et d’atteintes à l’économie nationale, réformer le dispositif du contrôle applicable notamment, au commerce extérieur», a-t-il fait savoir.

Quelles solutions envisagées pour l’éradication du commerce informel

Pour atténuer le marché informel qui menace constamment l’économie nationale, le ministère du commerce, a lancé des programmes pour la réalisation de huit marchés de gros de fruits et légumes, 291 marchés couverts et 768 marchés de proximité et autres infrastructures. Une initiative confirmée par le ministre du Commerce, Amara Benyounès lors de son intervention à l’issue d’une journée consacrée, à Alger, à l’Aurassi, au commerce informel. En sus de cela, M. Benyounès avait annoncé plusieurs autres mesures envisagées. Entre autres, il souligné la mobilisation d’une enveloppe financière de 12 milliards de dinars pour la réalisation et l’aménagement de marchés de proximité dont la concrétisation devrait aboutir à l’insertion des intervenants informels dans le tissu commercial légal ; l’adoption d’un plan complémentaire de réalisation de marchés couverts pour résorber le déficit en infrastructures commerciales, d’un financement de 10 milliards DA, dans le cadre du plan quinquennal

2010-2014, l’exonération, à titre transitoire, des commerçants nouvellement installés dans les sites aménagés par les collectivités de l’impôt forfaitaire unique pour les deux premières années d’activité, l’assouplissement des conditions d’exercice au profil des jeunes désirant intégrer les espaces aménagés par les collectivités, sur la base d’un titre légal sous forme d’autorisation provisoire délivrée par la commune.

Dans le même ordre d’idée, le ministre a affirmé que pour ces marchés de gros, il a été procédé à la création d’une Entreprise Publique Economique (MAGROS) avec le statut juridique d’une Société par Action, qui a pour mission la réalisation et la gestion des marchés de gros dans tous les domaines, dont celui des fruits et légumes dont le programme de développement au titre de la période 2014- 2016 prévoit la réalisation de 8 marchés de gros d’envergure régionale et nationale conformément aux normes et standards internationaux, en la matière.

Réhabilitation de 32 marchés de gros et de 241 marchés de détail

Selon l’interlocuteur, l’Etat a déjà lancé d’autres projets supplémentaires pour la stabilisation du marché informel. Pour étayer ses propos, M. Benyounes n’avait trouver mieux que l’évoquer que le projet de réhabilitation de 32 marchés de gros et des 241 marchés de détail de fruits et légumes pour un montant global de 5,9 milliards de DA. Un projet initié, selon lui, depuis 2007. Pour ce responsable du Commerce, ce programme devra répondre aux besoins en matière d’infrastructures commerciales (1500 marchés) .

Algérie Confluences: Quel est le taux du PNB en Algérie ?

Il y a environ 40% du Produit national brut (PNB). Mais cela reste un taux approximatif. Je m’explique : nous ne parlons pas de marchés informel, mais de commerce et d’économie informel. Donc, lorsqu’on avance ce pourcentage, c’est un calcul vaste et compliqué qu’on a mis en avant. Cela dit, ce chiffre ne reflète pas l’ampleur de l’informel en raison du manque d’outils de statistiques capables de mesurer avec précision ce phénomène abstrait.

Quels sont les impacts du commerce informel ?

Les répercussions sont nombreuses. Un marché informel est synonyme de l’anarchie totale. En effet, un marché informel s’implante n’importe où, à l’exemple des trottoirs et même parfois à l’intérieur des bâtiments. Il encombre également les routes. Il y’a même certaines institutions de l’Etat qui sont encerclées par ce marché. Il y a le dérangement des habitants, la nuisance au consommateur dans le sens où ce dernier n’a aucune garantie sur la propreté du produit qu’il y achète. La transaction commercial, les commerçants informel ne paye aucune impôt et dérange ceux qui payent les loyers et les impôts, c’est-à-dire les commerçants formels. Tout cela constitue des effets directs et visibles.

Lors de votre intervention dans le séminaire consacré au commerce informel, vous avez indiqué que 64% de marché illégaux sont éradiqués, mais vous avez fait état aussi de 103 marchés réapparus. Alors à quoi cela sert d’éradiquer les marchés qui

réapparaissent ?

Eradiquer, c’est quasiment impossible. Beaucoup de pays ont essayé de faire cela, mais ils n’ont pas réussi. C’est pourquoi, je préfère de parler d’atténuation plutôt que d’éradication. S’agissant de la remarque, ce n’est pas une question de réapparition ! Comme on l’a dit, il y a 769 marchés de proximité qui ont été réalisés et même opérationnels, c’est-à-dire qu’ils sont déjà pris. Il ne reste pour leur parachèvement certains aménagements extérieurs, tels que les routes et les parkings. Maintenant, la deuxième étape, c’est d’affecter les gens qui travail dans le marché informel dans ces marchés de proximité. Comme l’opération vient de tarder un petit peu, il y a des gens qui sont revenus aux lieux de marché qui ont été éradiqués. Et, in fine, ces commerçants seront sûrement réinsérés.

A vrai dire qui sont responsables de la réapparition de ces marchés ?

Les autorités locales sont les premières concernées par ce phénomène, parce que les lieux occupés par ces commerçants c’est un bien de l’APC avant tout. C’et pour cela que ces autorités doivent assumer pleinement leur responsabilités quant à la gestion de ces marchés.

Quelles sont les mesures que vous avez prises ou envisagées pour résorber la problématique de ces activités illégales ?

La première consiste en l’amélioration du climat des affaires en Algérie, c’est-à-dire les investissements. Cela étant, lorsque quelqu’un vient investir ou s’introduire dans le marché, il faut bien qu’il trouve des procédures d’entreprise plus au moins simplifiées. Dans le passé, la création d’une entreprise nécessitait plusieurs mois, maintenant au bout de quelques semaines, le commerçant peut monterson entreprise. Même chose pour les PME, ça peut se faire en quelques jours. Pour le commerçant aussi c’est moins lourd, car à présent, l’établissement du registre du commerce est devenu électronique. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas lieu de préparer toute une paperasse comme auparavant. Donc au niveau du commerce de détail, c’est plus facile. Ce qui nous intéresse là, c’est la création d’emploi en masse. C’est surtout la création des entreprises, comme cela se passe dans certains pays développés. Il faut encourager les jeunes universitaires, fraichement diplômés. Cela va contribuer fortement à résorber le marché informel.

Qu’en est-il de la création des marchés de gros ?

Pour la création des marchés de gros, ça c’est une opération de l’Etat. Donc dans une première étape, il y a 8 sites qui se sont identifiés dans lesquels seront créés, d’ici la fin de 2016, 8 marchés de gros. Dans ce chapitre, il faut dire que la création d’emploi est très importante, dans la mesure où elle sera entre 20 et 24 milles emplois. Ces marchés de gros, vont permettre en fait d’absorber les petites catégories de chômeurs. Au niveau national, il y a lieu aussi de relever que 769 marchés de proximité sont construits, en phase d’aménagement. Dans certains marchés, les responsables locaux sont en train de réinsérer les commerçants qui exercent dans l’informel .

Par Rezki Amghid