Commerce extérieur : La friperie dans de beaux draps

Commerce extérieur : La friperie dans de beaux draps

Depuis la fin du mois d’octobre, une note en provenance des banques indique que désormais, toutes les domiciliations pour les importations de friperie sont bloquées», écrivent des importateurs dans une lettre adressée à la rédaction.

Les importateurs disent ainsi «avoir marre des blocages des banques» notamment, précisent- ils, après avoir pris connaissance d’une telle note qui «tombe subitement, sans préavis».

Ils font savoir que depuis, «beaucoup d’opérateurs se trouvent pénalisés par des mesures aléatoires, avec des containers qui se trouvent bloqués au niveau des ports depuis près de trois mois pour lesquels ils paient 10.000 DA jour.»

Ils interrogent «imaginez les pertes causées par des décisions imbéciles ?» Pourtant, rappellent-ils, «le ministre du Commerce persiste et signe que l’importation de la friperie n’est pas interdite». Les importateurs de friperie estiment leur nombre à 146 et celui des fripiers grossistes à 3.000. Un secteur, disent-ils, «qui emploie directement 25.000 personnes et indirectement des centaines de milliers d’autres.»

Au ministère du Commerce, l’on réaffirme que «rien ni aucune disposition n’interdit l’importation de la friperie». L’on rappelle qu’«effectivement, il existe une disposition dans une des lois de finances précédentes qui interdit l’importation d’équipements usagés, la friperie n’est quand même pas un matériel ».

Nos interlocuteurs au ministère du Commerce pensent que «les banques font dans l’excès de zèle, elles se permettent d’interdire des opérations de commerce extérieur quand elles veulent !» C’est un peu, disent-ils, «la grève du douanier (qui est faire du zèle).» Aussi, indiquentils, «les banques font une interprétation très extensive de la liste des produits interdits à l’importation.

D’ailleurs, elles jouent beaucoup sur et avec les dispositions de la LFC à défaut de ne pas pouvoir refuser de les appliquer.» Il est ainsi fait état d’un mécontentement des banques après la promulgation de la loi de finances complémentaire pour 2009.

«On sait pertinemment que les banques sont contre les dispositions de cette loi, elles leur donnent du fil à retordre, elles ne peuvent pas le dire mais tout le monde sait qu’elles n’aiment pas du tout cette histoire de crédit documentaire qui est venue leur compliquer la tâche.»

Les responsables du ministère du Commerce évaluent les importations de friperie «à tout au plus 15 millions de dollars, en plus ça intéresse les démunis et ça leur rend service, alors pourquoi l’interdire ?» Ils pensent que «la Banque d’Algérie devrait clarifier tout ce qui concerne les opérations de commerce extérieur par des notes officielles et précises, comme ça, tout le monde sera fixé.»

Donnée pour être une autorité régalienne, du moins par les textes la régissant, la Banque d’Algérie se plaît à se garder hermétiquement fermée vis-à-vis de toute tentative de recherche d’information. La nôtre à propos des problèmes des fripiers n’a pas abouti.

LES IMPORTATEURS DOIVENT SE PLIER À LA LFC

Du côté du ministère des Finances, l’esprit est bien moins sclérosé. «A notre connaissance, les importateurs de friperie n’ont pas reçu de note de la Banque d’Algérie», nous disent les responsables à ce niveau. Ils mettent cependant en avant, «l’obligation de ces importateurs et tous les autres de se plier aux dispositions de la LFC et notamment – puisqu’il s’agit de banque – du régime documentaire, c’està- dire le crédit documentaire.»

Au ministère des Finances, on préfère procéder par élimination. «Il faudrait aussi qu’on sache si ces importateurs qui se plaignent des banques ne sont pas inscrits sur les fichiers de fraudeurs, par exemple ils n’ont pas produit leurs comptes.

Ou s’ils n’ont pas de problèmes financiers parce que les banques sont tenues de vérifier leur bancabilité avant toute opération de domiciliation.» Pour eux, si tel est le cas, «ils sont de fait interdits de mener des opérations de commerce extérieur. »

Les responsables du ministère des Finances vont jusqu’à dire que «les banques peuvent être embêtées par les dispositions de la LFC 2009 – On n’a pas le sentiment qu’elles le soient parce qu’elles ne l’ont jamais exprimé – mais ce sont des banques commerciales, leur travail est de gagner de l’argent, donc elles ont latitude de choisir les opérations de commerce extérieur qui leur sont rentables.

C’est donc selon la stratégie qu’elles se tracent pour gérer leurs fonds.» Il est clairement noté par nos interlocuteurs que pour ce faire «les banques ont parfaitement le droit, conformément aux exigences de leur stratégie, d’interdire les opérations d’importation de la friperie.

Elles peuvent refuser de les domicilier.» Une note émise par une autorité sanitaire expliquant que la friperie pourrait être à l’origine de certaines maladies s’imposerait aussi à ce genre d’importation. «Mais ce n’est pas le cas», nous disent nos interlocuteurs au ministère des Finances.

«BEAUCOUP DE GENS COMMERCENT LIBREMENT»

Interrogé sur les problèmes rencontrés par la direction des Douanes au niveau des opérations de commerce dans le cadre de la zone arabe de libre-échange (ZALE) (voir le Quotidien d’Oran du 06.01.2010, les responsables du ministère des Finances n’ont pas hésité à reconnaître qu’«en dehors de la ZALE, il y a beaucoup de gens qui commercent un peu librement. »

Au ministère du Commerce, par contre, on commence par rappeler que «les importateurs algériens de la ZALE ne sont pas aussi Algériens qu’on le pense, ils sont plutôt Syriens, Egyptiens qui importent de leur pays d’origine, il est normal pour eux de majorer la valeur des produits qu’ils importent pour laisser de l’argent chez eux.» Au ministère des Finances, on réfute l’argument pour demander «et alors ? Ce n’est pas une raison pour tricher.

D’autant plus que la LFC est venue les obliger à ouvrir leur capital à des nationaux, justement pour faire profiter le pays de toutes ces opérations d’importation et de leurs gains.» Ceci étant, il est reconnu que «le commerce avec les pays arabes n’est pas significatif.» Au commerce, on avoue que «si les Douanes dénoncent, on ne sait cependant pas qu’est-ce qu’elles font pour empêcher ces sorties frauduleuses de devises dont elles parlent.»

Les Finances rétorquent «depuis près de deux ans, les Douanes ont introduit les valeurs de référence pour éviter d’avoir des factures qui ne répondent pas aux normes.» Il est rappelé que le démantèlement tarifaire au titre de la ZALE est entré en vigueur à partir du 1er janvier 2009.

Les opérations de commerce extérieur devaient porter sur des produits dont l’origine repose sur 40% d’intégration des pays fournisseurs. «Souvent, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas uniquement la ZALE, mais c’est tout le commerce à l’import qui est concerné», nous disent des financiers. Ils notent que «l’Algérie a été le dernier pays à intégrer la ZALE.

Mais dès lors que nous avons accepté d’y être, nous avons produit simultanément des barrières tarifaires. Nous nous sommes donné quand même une année pour voir si ça marche.» A ceux qui estiment «qu’on a laissé faire», les financiers répondent que «si les Douanes se sont rendu compte que de grosses sommes de devises ont été sorties dans ce cadre, ça signifie que le contrôle s’est bien fait !»

Le problème de fond, selon les appréciations du ministère des Finances, est que «dès l’entrée en vigueur de la ZALE, il y a eu démultiplication du commerce en raison de la levée de protection de la production nationale.» Les Douanes algériennes demandent, pour rappel, une évaluation de la convention de la ZALE, comme c’est le cas pour l’accord d’association avec l’Union européenne.

Ghania Oukazi