Commerce – Agents de contrôle : Débordés, critiqués et agressés

Commerce – Agents de contrôle : Débordés, critiqués et agressés

L’activité commerciale connait depuis le début du mois de ramadhan un véritable boom. Les marchés de la capitale ne désemplissent pas en cette période.

Bab El Oued. Il est 10h. Le soleil n’a pas encore lâché sa fournaise sur ce quartier populaire sis au cœur d’Alger. A l’inspection de la concurrence et des prix, une équipe de quatre agents de contrôle est déjà prête. Lieu à visiter : le marché central. L’endroit grouille de monde. Les étals débordent de toutes sortes de produits.

Première halte. Un vendeur de poulet plein. Il occupe un espace qui ne dépasse pas deux métres carrés. La marchandise est exposée dans un présentoir brinquebalant qui arrive à peine à souffler sa fraicheur. Un paramètre qui n’a pas échappé aux agents. Premier geste à entreprendre : prendre la température de la volaille. Le produit est exposé à une température de 28°. Alors que la réglementation la fixe entre 6° et 8°. Que faire ? Comme première mesure, « il sera procédé à la mise en demeure et un délai d’une semaine sera accordé au vendeur pour réparer la faille », explique un agent de contrôle. Il y va de « la santé des consommateurs », dit-il. Et de faire savoir que la mauvaise conservation est un cas fréquent ici.

Elle est due à l’utilisation de réfrigérateurs qui ne répondent pas aux normes. Mais ce n’est pas là l’unique raison. Un autre contrôleur va plus loin indiquant que l’endroit ne réunit pas les conditions nécessaires à l’exercice de l’activité de volailler. Les exemples ne manquent pas : local exigu pour contenir la marchandise et « espaces étroits » séparant les étals, ce qui rend la « circulation des clients des plus difficiles ». Mais pour lui, « s’il y a application stricte de la réglementation, c’est tout le marché qui fermera ses portes ». Le vendeur, quant à lui, n’a pas baissé les bras. Devant les « reproches » des agents, il explique qu’il vient juste d’exposer son produit et que son appareil fonctionne normalement. Un argument peu convaincant d’autant qu’« il s’agit d’un cas de récidive », soulignent les contrôleurs. On en restera là.

Durant cette virée, les commerçants se sont montrés coopératifs. Et ça, il y a bien un secret. « Il faut traiter ces gens avec diplomatie. Il faut être avant tout psychologue », explique l’agent Mohamed Benmouhoub. Mais les intimidations peuvent venir des consommateurs. « Ils nous reprochent de ne rien faire, notamment en matière des prix, alors que ce volet n’est pas de nos prérogatives. Ils nous accablent, souvent, de ne rien faire pour limiter le commerce informel alors que cette question n’est pas de notre ressort », affirme un autre agent. C’est pourquoi, aujourd’hui, M. Benmouhoub parle d’un travail ingrat, « dans la mesure où il n’y a pas de résultats tangibles dans l’exercice de notre activité ».

Mais ces contraintes ne sont pas de nature à décourager les contrôleurs. Depuis le début du mois sacré, l’inspection de Bab El Oued a procédé à 10 fermetures pour activités non portées sur le registre de commerce. Le directeur de l’antenne, Mahdjoub Bouchaib évoque la saisie de quantités importantes, entre autres, de produits laitiers et de pâtisseries.

« LA FERMETURE, CE N’EST PAS TOUJOURS LA BONNE DÉCISION »

Si pour le premier volailler, la sanction n’est pas tombée, il n’en est pas de même pour un autre boucher qui s’est vu retirer environ 80 kg de volaille pour conservation défaillante. La marchandise saisie sera acheminée, au frais du vendeur, vers des associations caritatives.

Autre volailler, autre infraction : la congélation par un vendeur d’une quantité importante de poulet. Pour l’agent la réglementation est claire. « C’est inadmissible. Il doit expliquer sa démarche ». Le vendeur n’avait rien à dire se contentant de hausser la tête. Il sait impérativement qu’il a échappé à une décision plus sévère. « La fermeture, ce n’est pas toujours la bonne décision », estime Benmouhoub. Pour lui, les agents ne recourent à cette procédure qu’en cas de flagrants délits. Même traitement pour ce boucher qui a suspendu dehors à l’air libre les abats. L’image a attiré l’attention des agents. Ces derniers lui demandent de l’exposer à l’intérieur. Sans trop attendre, celui-ci obéit avec tout de même ce commentaire. « Vous pouvez même fermer le marché… », leur lance-t-il. Pour cet agent, « il faut accompagner ces gens. Notre travail a pour objectif également de sensibiliser les commerçants sur la conduite à suivre ». Un fait à révéler. Durant cette visite, les agents de contrôle ne sont pas assistés par les policiers. Pour eux, ces derniers le font rarement bien qu’ils s’estiment ne pas être à l’abri de toute forme d’agression.

Souvent critiqués pour ne pas intervenir sur les prix, les agents de contrôle ont tenu à lever le voile sur cette question. Pour eux, les prix sont libres. « Ce n’est pas de notre prérogative de contrôler les prix. Notre mission se limite à contrôler la qualité des produits, les conditions de vente », se défendent-ils. Même un écart « choc » entre les prix du même produit ne dépend pas de leur mission.

A la sortie du marché couvert de Bab El Oued, un véritable « marché bis » s’offre à nos yeux. Toutes variétés de produits se vendent en l’absence du minimum de condition d’hygiène. Le poisson est exposé dans des étals de fortune. L’heure est alors presque 12h. Cela dépasse tout le monde, y compris les agents de contrôle qui se retrouvent étonnés et démunis…

Amokrane Hamiche