Commentaire : Grandeur

Commentaire : Grandeur

enfant_maltraite_22.jpgEn Afrique et au Moyen-Orient, les enfants, les femmes et les personnes âgées sont les premières victimes de la barbarie et de l’intolérance, présentées comme les expressions modernes des dommages collatéraux de la guerre. Où trouver cette étincelle, comment susciter ce sursaut, pour que l’aveuglement, l’acharnement et la bêtise humaine ne prennent pas possession des âmes ? Les principes humanitaires dont se gargarise la vieille Europe se sont fracassés sur les barricades érigées à ses frontières par l’extrême droite, les peurs et les croyances dites bibliques sur le danger du remplacement.

Pourtant, dans l’histoire, il s’est trouvé régulièrement des hommes et des femmes d’un rare courage et surtout d’une vision hors du commun pour trouver la force morale et éthique de dialoguer dans les moments extrêmes de l’adversité et de la férocité. L’Algérie a offert  à l’humanité plusieurs des ces personnes qui ont donné aux forces belliqueuses, comme aux résistances légitimes, des raisons et des arguments solides sur la façon humaine de mener les batailles, qu’elles soient d’idées ou militaires. L’émir Abdelkader, résistant à l’invasion coloniale, a été aussi un stratège qui a enrichi la science de la guerre, avec sa «ville mobile».

Homme politique, il est le fondateur de l’État moderne, mais il est aussi savant et mystique. Son héritage intellectuel a  traversé, sans une ride, le temps. Mieux encore, en ces temps d’intolérance, de violence et de guerres civiles, son message et sa philosophie revêtent une dimension extrêmement significative. Il a combattu les troupes napoléoniennes et, en même temps, il a accordé sa protection aux chrétiens de Syrie, en 1860. S’il fallait utiliser les questionnements de l’actualité, quel chef de guerre peut-il affirmer aujourd’hui combattre un ennemi, faire des prisonniers et les traiter avec respect et humanité ? Il a porté sur les territoires du combat militaire, l’étendard d’un islam moderne qui s’exprimait dans un mysticisme forgé dans la fraternité envers «les Autres».

À l’évidence, son héritage  intellectuel s’inscrit dans une universalité. Un texte qu’il a rédigé à l’âge de trente ans sur la  guerre au sens humanitaire est considéré, à juste titre, comme un fondement du droit international humanitaire moderne qui impose de distinguer entre  soldats et civils, entre combattants et blessés. «La codification de ce droit  — également appelé «droit de la guerre» ou «droit des conflits armés» — remonte à la première convention de Genève, en 1864. Bien des années auparavant, l’émir Abdelkader avait déjà établi un droit pour les personnes privées de liberté. En pleine lutte contre la conquête coloniale française, l’émir a exigé qu’un traitement humain soit réservé aux prisonniers. «Toute transgression était sévèrement punie», a rappelé  Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge, dans son intervention au Cercle national de l’armée de Beni-Messous, en  mai 2013. Ceux qui appellent, aujourd’hui, au bombardement des villes là où leurs intérêts géostratégiques sont menacés, doivent prendre le temps de réfléchir qu’il y a plusieurs portes d’entrée dans l’histoire. Une seule, cependant, ouvre sur le respect et la reconnaissance de la grandeur des hommes.