Comment les terroristes font pour rentrer en Europe?

Comment les terroristes font pour rentrer en Europe?
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C’est la question qui hante les polices européennes. Comment les terroristes font-ils pour échapper aux contrôles et ainsi rentrer sans problème en Europe en traversant les frontières extérieures? Car si la technique de l’utilisation de faux documents est connue par les services, les moyens pour les repérer semblent bien faibles.

C’est en tout cas ce que montre une enquête de France Info, qui liste les différents éléments facilitant la tâche aux terroristes. Entre laxisme de certains postes frontières et manque de coordination des pays européens, les efforts semblent largement en deçà de la volonté des terroristes à passer entre les mailles du filet.

Les vrais-faux passeports

Première difficulté, les documents que possèdent les terroristes. Ce sont de vrais-faux passeports (difficilement détectables), comme ceux que les deux kamikazes irakiens du Stade de France avaient sur eux au moment des attentats. Mais alors, comment Daech arrive ainsi à fournir ce type de documents à ses aspirants terroristes? Comme l’explique sur France Info Alain Rodier, directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement, l’organisation terroriste dispose d’un « stock » de passeports vierges.

« Quand Daech et Al-Qaïda ont conquis des régions entières, ils sont tombés sur des centres administratifs où il y avait non seulement des passeports vierges, mais également les machines nécessaires à remplir ces vrais-faux papiers », explique-t-il.

Dans ces conditions, il n’est donc pas difficile de produire des faux qui ont tout des documents officiels. Ensuite, il n’y a plus qu’à se fondre dans la masse de réfugiés qui quittent la Syrie pour gagner l’Europe. Reste ensuite à passer les postes frontières qui sont censés disposer d’un fichier sur les faux documents.

Comment détecter ces vrais-faux documents?

À l’œil, il est donc naturellement impossible pour un douanier de démasquer ce type de faux passeports. En revanche, existe le fichier « stolen and lost documents » (SLTD) rappelle la radio. Il s’agit d’un dossier informatique comportant une « gigantesque base de données » au sein de laquelle quelque « 45 millions de documents de voyages, essentiellement des passeports, égarés ou dérobés dans 190 pays », sont répertoriés. Ce fichier a été créé au lendemain des attentats du 11 septembre de 2001 pour renforcer la coordination internationale en matière de lutte contre le terrorisme.

Problème : il ne semble pas être automatiquement consulté. Et pour cause, selon les informations de France Info, « un passeport utilisé par un des terroristes du Stade de France était enregistré dans cette base de données ». Dans le détail, « ce passeport, qui portait la référence « 007773937 », faisait partie d’un lot de 1452 passeports volés par des terroristes en 2013 dans un centre administratif de Raqqa », indique France Info précisant que cette information était connue d’Interpol « depuis le 16 avril 2015 ».

Mais en vain, le terroriste a pu passer plusieurs frontières jusqu’à se retrouver aux alentours de 21 heures aux portes du Stade de France le vendredi 13 novembre.

Comment expliquer ces dysfonctionnements ?

« La première difficulté, c’est la masse », explique à France Info, Fabrice Leggeri, directeur de Frontex. En effet, selon les chiffres du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, la guerre en Syrie a poussé 4,7 millions de personnes à fuir le pays depuis le début du conflit. Et parmi tous ces réfugiés, au moins un million se sont tournés vers l’Europe pour trouver refuge. Dans ces conditions, toutes les mesures relatives à la menace terroriste paraissent difficilement applicables (ce que les terroristes ont bien compris).

Autre difficulté: l’éclatement des lieux de passage. Entre les différentes îles grecques et la route des Balkans, les moyens des postes frontières diffèrent. Ils ne sont pas tous équipés du matériel nécessaire. Aussi, n’ayant pas été conçus pour accueillir autant de monde, ces postes sont très souvent débordés. Mais outre des difficultés liées à l’urgence de la situation, France Info souligne une « décision aberrante » qui gêne considérablement le contrôle des faux documents.

En effet, si Frontex dispose des moyens pour équiper les postes frontière en Grèce qui ne possèdent pas le « Système Information Schengen » (SIS), il lui est légalement impossible de le faire. « L’agence Frontex n’a pas le droit de consulter le SIS, le fichier consolidé de toutes les polices de Schengen. Cela a été refusé à Frontex par le législateur européen dans la dernière décennie », déplore Fabrice Leggeri. Pour résumer, les zones d’entrée en Europe n’ont pas assez de moyens pour se doter du système, mais l’agence européenne créée pour gérer l’afflux de migrants ne peut pas l’exploiter alors qu’elle en a les moyens.

Ce faisant, si les outils existent et qu’ils sont en théorie efficaces, ils demeurent inopérants compte tenu du manque de coordination entre les pays membre de l’UE.

Et malheureusement, un terroriste qui dispose d’un vrai-faux document confectionné à Raqqa a encore toutes ses chances de rejoindre l’Europe selon le chemin qu’il choisit. Après tout, Abdelhamid Abaaoud ne s’est-il pas vanté d’avoir « fait venir 90 terroristes »?