comment les emigres sont accueillis

comment les emigres sont accueillis

Si les conditions d’accueil se sont améliorées, les passagers n’ont pas manqué de se plaindre des conditions d’hygiène et d’hébergement à bord, en plus d’un manque de courtoisie des agents douaniers.

Il est un peu plus de 13h30 et le soleil est au zénith, en ce 12 juin, au port d’Oran. Un soleil qui tape si fort qu’il a chassé des quais et des parkings tous ceux et toutes celles qui ont pour habitude d’aller et venir en ces lieux. Apathique, un groupe de manutentionnaires s’est trouvé un petit coin d’ombre à proximité de la gare maritime d’arrivée des voyageurs. Un moment de répit avant l’entrée au port du ferry “Tarik Ibn Zyad” en provenance de Marseille et qui devrait accoster au quai Conakry dans un peu plus d’une heure. À son bord, 829 passagers et 359 véhicules s’apprêtant à débarquer et qui auront deux heures de formalités et autres contrôles pour parvenir à humer le parfum des vacances au bled. L’accostage du ferry se fait en douceur et déjà des passagers, sur le pont, font des signes de la main, visiblement contents de voir leur traversée prendre fin. Ce jour-là, c’est une chance, le “Tarik Ibn Zyad” est la seule arrivée programmée pour l’après-midi, et la sérénité est de rigueur chez le personnel et les différentes brigades des douanes de la PAF, chargés de l’accueil des émigrés.



À l’ouverture de la soute du ferry, une passagère malade apparaît, elle se déplace péniblement avec une bouteille d’oxygène. Accompagnée par un employé, elle est prioritaire, mais il n’y a pas de fauteuil roulant pour la prendre en charge. Ce n’est qu’au bout d’un moment que cette dernière se voit, enfin, proposer un fauteuil. La brigade de la Protection civile et le service d’urgence de prise en charge de cas similaires, sont quelque peu éloignés du quai. “J’ai été malade à bord, je suis avec ma famille et en vérité cela va un peu mieux, ils se sont occupés de nous sur le bateau !”, balbutie timidement cette passagère, surprise de voir que des députés étaient présents à leur rencontre. En effet, en ce début de saison estivale et avant le grand rush du mois de juillet, des députés de l’APN sont venus s’enquérir des conditions d’accueil des émigrés ou plutôt de la communauté nationale à l’étranger.

“Il ne faut plus utiliser ces vocables d’émigrés, d’immigrés”, souligne l’un d’entre eux, trouvant le terme péjoratif. Les véhicules, pare-choc contre pare-choc, les malles et les toits chargés au maximum, commencent à sortir de la “gueule” du ferry, quelques klaxons résonnent montrant déjà l’impatience des passagers qui veulent tous être parmi les premiers à passer au contrôle des documents et du véhicule. La mine fatiguée, les enfants entassés à l’arrière, un vacancier s’emporte déjà : “Moi, j’ai ma femme enceinte, ils n’ont même pas voulu que l’on sorte parmi les premiers.” Un autre de surenchérir et de noter qu’à l’étranger, c’est la compagnie qui se charge d’assurer ce type de service particulier pour les cas prioritaires. “Il faut qu’ils sachent s’organiser et faire embarquer les véhicules en fonction de la présence des passagers handicapés ou malades, on paye déjà assez cher les billets, alors qu’ils améliorent leurs services”. Quelques mètres plus loin à l’intérieur d’un autre véhicule, un conducteur a les yeux rougis par les larmes. Ce n’est pas l’émotion d’un retour au bled pour des vacances, mais le sentiment de frustration et d’amertume. “Madame ! Dites qu’on est content de revenir au pays, mais ils ne nous aiment pas, ils ne nous respectent pas, il faut voir comment on nous parle, on nous regarde”, raconte cet émigré à la soixantaine. Nous n’arriverons pas à comprendre exactement les causes de son amertume, un ensemble de regards, de gestes, d’attitudes qui, pour lui, avait déjà commencé sur le bateau. Telles sont les réactions que nous avons eu à découvrir lors de cette arrivée du “Tarik Ibn Zyad”.

Pourtant, majoritairement, les passagers du ferry, ce jour-là, ont tenu à souligner que les conditions d’accueil au port d’Oran se sont améliorées, ces dernières années, avec des dispositifs mis en place pour éviter que le débarquement ne se transforme en parcours du combattant. Nous citerons le contrôle et l’établissement des documents durant la traversée, la mise en place d’un couloir vert aux contrôles des bagages et des véhicules qui connaît justement un franc succès. Mais les récriminations sont venues des douaniers qui assurent le contrôle à bord du ferry, ils y dénoncent les conditions de travail désastreuses, durant la traversée. “La cabine est si exiguë que l’on peut à peine y tenir, il n’y a même pas une ouverture pour respirer et l’on doit y rester ainsi durant plusieurs heures”, confie un agent des douanes qui prend soin de ne pas se faire remarquer et son collègue de rajouter tout aussi discrètement : “Encore à partir de Marseille, la traversée est un peu plus longue mais quand on fait Alicante-Oran, ce sont quelques heures et vous avez 600 passagers à contrôler, c’est horrible, on n’a même pas le temps de souffler et de manger.”

Leur hiérarchie aurait sollicité la direction régionale de l’ENMTV pour résoudre cette situation, sans grand changement à l’évidence. Pour les manutentionnaires et les officiers de la PAF, ce 12 juin a été une journée calme même s’il y a toujours des humeurs à gérer nous raconte un officier : “Ils veulent tous passer prioritairement quand nous devons regarder ce qu’il y a dans leur véhicule, et si l’on fait une exception, tous les autres râlent, et encore on les laisse emprunter le couloir vert.”