Comment le dinar algérien a perdu 35% de sa valeur en 7 ans ?

Comment le dinar algérien a perdu 35% de sa valeur en 7 ans ?

Année après année, mois après mois, le dinar poursuit sa chute vertigineuse et le pouvoir d’achat des Algériens ne cesse de s’éroder. La monnaie nationale atteint son plus bas niveau depuis au moins quinze ans. Le mardi 10 mai 2022, un euro s’échangeait contre 153 dinars selon le taux officiel et contre 215 dinars sur le marché noir.

En 2015, selon le taux de change bancaire, 1 dollar américain (USD) valait 107,27 dinars algériens ; et 1 euro valait 116, 79 dinars.  Et aujourd’hui, un dollar s’échange contre 145,75 dinars et 1 euro contre 153,23 dinars. Ainsi, la monnaie nationale a perdu plus de 35% de sa valeur face aux devises mondiales, en l’espace de 7 ans.

L’allègement de la réglementation décidée par le gouvernement ne suffit pas pour contrer la contraction des liquidités et la dégringolade de la monnaie. Cette situation s’explique, entre autres raisons, par la pandémie du covid-19, la chute des prix du pétrole sur une longue période, la crise économique mondiale, ainsi que par la stratégie financière nationale.

En octobre 2021, la Banque d’Algérie faisait état d’un taux d’inflation de 9,2 %. Au mois de janvier 2022, l’Office national des statistiques rapportait que les prix à la consommation avaient progressé de 9 % sur un an. Les produits alimentaires étant particulièrement impactés.

La loi de finances 2021 prévoyait une perte de valeur pour le dinar de l’ordre de 5 % chaque année, et ce, jusqu’à 2023.

Dinar algérien, les raisons de la chute

Si beaucoup attribuent la dépréciation du dinar à la politique de la planche à billets adoptée en 2017 pour faire face à la crise des liquidités, d’autres experts ne partagent pas cette analyse.

La politique de la planche à billets

Le professeur d’économie, Raouf Boucekkine, estime, de son côté, que la tendance inflationniste est « un phénomène nourri par l’inflation importée dû au fait que les prix des matières premières et des produits alimentaires ont connu une croissance majeure ».

Pour sa part, la Banque d’Algérie avertissait déjà en janvier 2019 que le financement non conventionnel « risque d’entraîner l’économie dans une spirale inflationniste et de dépréciation de la monnaie nationale fortement dommageable ». Pour stopper l’hémorragie, la Banque d’Algérie a imprimé en l’espace de deux ans, à partir de 2017, plus de 6 500 milliards de dinars (49 milliards d’euros). « Le financement non conventionnel est un soin palliatif et non une solution structurelle », avait alors alerté Mohamed Nazim Bessaih, vice-président de la Commission bancaire d’ICC Algérie.

La stratégie des flottements des monnaies

La valeur du dinar algérien se base sur la stratégie des flottements des monnaies étrangères. Le gouvernement a adopté cette stratégie afin d’équilibrer le déficit budgétaire. Le docteur en finance, Nemouchi Farouk, déclare sur El Watan : « le gouvernement a été conseillé de déprécier la monnaie pour faire face à la masse monétaire qui se rétrécit ainsi qu’au déficit budgétaire, mais aussi pour préserver le niveau des réserves de change ». « l’État doit tracer, poursuit Namouchi, une stratégie économique qui vise à relancer la croissance, mais aussi maintenir la compétitivité sur le marché s’il veut contrôler cette dépréciation ainsi que ses conséquences. »

Dr Namouchil explique que la valeur du dinar dépend de deux paramètres principaux :

  • Le nombre des mois d’importations que couvrent les réserves de change. À l’heure actuelle, ce chiffre est de 16 mois seulement, ce qui impacte la relance de la monnaie nationale.
  • Le taux d’inflation qui détermine le niveau de compétitivité de l’économie nationale. Ce taux doit être proche de celui des partenaires économiques.

Baisse des prix du pétrole

D’autres paramètres de l’économie nationale expliquent encore le recul de la valeur du dinar, et rendent le phénomène presque « naturel ». Par exemple, la baisse importante des prix des hydrocarbures lors des dernières années a directement affecté les recettes de l’État.

De plus, les autorités doivent faire face à la hausse des dépenses publiques. Pour résoudre cette équation, le gouvernement a opté pour la dépréciation de la monnaie comme remède au déficit budgétaire et moyens de maintien des grands équilibres économiques du pays.

Dépréciation du dollar face à l’euro

Une autre variable a précipité la dévalorisation de la monnaie nationale. Il s’agit de la dépréciation du dollar américain face à l’euro. En effet, comme la majorité des échanges commerciaux de l’Algérie s’effectuent en dollars, les fluctuations de celui-ci touchent de plein fouet le dinar algérien. Le consultant en management, Mohamed Saïd Kahoul, explique sur les colonnes d’El Watan que « le flux des échanges de l’Algérie en dollars impacte directement la valeur du dinar quand l’euro s’apprécie face au billet vert. »

Le plan de relance économique, qui est élaboré par le gouvernement et intervient dans un contexte de crise sanitaire et financière, n’en est encore qu’à ses débuts. Dans ce contexte, le dinar algérien fait face à un avenir incertain et aucun mécanisme ne semble en mesure d’arrêter sa chute libre. Les conséquences de cette situation se font sentir de plus en plus : le pouvoir d’achat s’érode, et le chômage augmente.