Le gouvernement est-il impuissant face aux mafias de l’import-import et du commerce de l’informel ? Pour le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, la réponse est claire : Il est « difficile de les combattre, car les combattre frontalement, c’est la stabilité du pays qui est remise en cause », expliquait-il doctement mercredi 30 mars sur un plateau de télévision. Quel aveu d’impuissance ! Est-ce à dire que l’Etat qui n’a pas abdiqué devant les terroristes se couche-t-il devant la mafia de l’import-import et du trabendo? La phrase du Premier ministre ne souffre pas d’ambiguïté.
C’est un secret de Polichinelle. Les barons de l’informel, du change de devises et de l’importation font commerce en association avec des gradés de l’armée, de hauts responsables civils, aidés par de gros commerçants. Effectivement, le pouvoir ne peut pas livrer bataille contre lui-même.
Concessions sur concessions, les dernières mesures ne peuvent faire croire que le gouvernement d’Ahmed Ouyahia lutte « par tranche comme dans une guérilla ». S’il ne travaille pas pour eux, il ne fait rien pour les empêcher de prospérer.
Face au fait accompli, ce gouvernement multiplie offrandes et lègues aux importateurs « non identifiés ». Au rythme où évolue la situation, le pays ouvrirait ses ports et ses aéroports à toutes sortes de marchandises, sans le moindre contrôle, ou si peu. La porte serait aussi grande ouverte au transfert illicite d’argent.
Dans une instruction émise par le gouverneur de la banque d’Algérie, les banques sont tenues depuis le 1er janvier dernier à procéder à la conversion des bons de caisses anonymes en bon de caisse nominatif (personnalisé).
Les initiés, ceux qui sont les mieux introduits dans le sérail, ont été les premiers à être informé de cette directive et ont commencé à retirer leur argent en catimini.
Ce qui expliquerait la persistance de la crise de liquidité dans les bureaux de postes et des banques en dépit de l’augmentation du tirage des billets. Du siphonage, en quelque sorte.
Selon des sources bancaires qui se sont confiées à DNA sous le sceau de l’anonymat, des patrons d’entreprises, des entrepreneurs engagés dans les vastes chantiers initiés par le gouvernement ont procédé au retrait de grosses sommes au cours de ces cinq dernières semaines
Un entrepreneur connu dans l’ouest du pays a retiré « 300 milliards de centimes (environ 30 millions d’euros) en une semaine », selon les confidences obtenues par DNA d’un banquier d’Oran. A Tizi Ouzou, c’est un autre industriel qui a récupéré ses dépôts se chiffrant en millions de dinars. D’autres retraits sont signalés dans plusieurs régions du pays.
Ces retrait massifs de liquidités contribue à accentuer l’envolée du marché immobilier et explique en partie le manque de devises sur le marché parallèle, des valeurs refuges dans pareilles situations.
C’est d’autant plus vrai que sur le marché informel de la devise, l’euro est aujourd’hui côté à 140 (110 à la banque), voire plus. Un pic rarement atteint au cours des cinq dernières années.
Aux retraits massifs s’ajoute la demande « importante et exceptionnelle » en cette période d’augmentation salariale et de versement des rappels accordés aux travailleurs de la fonction publique.
C’est que la politique des autorités algériennes qui consiste à tenté d’acheter la paix sociale a engendré un déséquilibre financier et monétaire « difficilement contrôlable ».
Une équation économique difficile à résoudre parce que l’Etat, à défaut de mettre en place une stratégie afin de récupérer la masse de liquidités existantes, s’applique plutôt à abroger ses propres décrets. En clair, il cède sous la pression de la mafia de l’importation et du commerce informel.
La lutte contre l’informel, la lutte contre l’argent sale à travers des textes de loi promulgués dans la loi de finance 2009, celle de 2011 ainsi qu’à travers les instructions de la banque d’Algérie aux banques publiques et privés ont été contrecarrées par une campagne sans précédente de la part d’importateurs véreux, de gros commerçants et d’industriels à la fortune douteuse.
L’abandon de la mesure contenu dans la loi de finance 2011 obligeant les opérateurs économiques et les commerçants au paiement par chèque des sommes excédents les 500 000 dinars (environ 5000 euros), une solution qui pouvait limiter l’usage des grosses liquidités sur le marche, cet abandon donc aura été l’illustration parfaite de l’abdication des autorités devant cette mafia.
« Les émeutes ont été préfabriquées à 60 % par les barons de l’informel », expliquait encore le Premier ministre mercredi dernier à la télévision.
Bien qu’il vise à enlever à la protestation son caractère politique, ce propos ne constitue pas moins une preuve de la puissance de ces barons. Mais aussi de la faiblesse de l’Etat.
Non seulement le gouvernement fait marche arrière en renonçant à la mesure entérinée en Conseil des ministres et adoptée par le Parlement, mais il légalise l’informel, le trabendo.
La banque d’Algérie vient ainsi de donner un coup de pouce supplémentaire aux importateur en abrogeant sa directive datée du 16 février 2009 qui obligeait les opérateurs de commerce extérieur à présenter trois documents précis pour pouvoir introduire en Algérie des marchandises importées.
En l’occurrence le certificat phytosanitaire attestant de la non contamination des produits agroalimentaires, du certificat de contrôle de qualité des produits et équipements en provenance de l’étranger et du certificat d’origine de l’importation. Une directive jusqu’à la garante du transfert de devise à l’étranger.
Cette promptitude des dirigeants et des élus (Président, Premier ministre, ministres et députés) à renier leurs propres lois en se soumettant à la mafia du business, si elle est dictée par l’urgence d’éteindre les feux de la contestation sociale et politique, n’illustre pas moins la faillite du modèle de gouvernance instaurée par Bouteflika depuis maintenant 12 ans.
Face aux mafias de l’import et du trabendo, l’Etat abandonne en rase campagne. Après avoir abdiqué face aux terroristes islamistes en leurs offrant l’absolution de leurs crimes dans le cadre de la réconciliation nationale, le régime de Bouteflika capitule devant la mafia du business.