Son rôle dans l’insurrection libyenne contre le colonel Kadhafi, son soutien aux rebelles, sa proximité avec le président français dans ce dossier, suscitent encore aujourd’hui la controverse.
Présent aux côtés des combattants libyens depuis le début de la guerre contre Kadhafi en février 2011, le philosophe et écrivain français Bernard-Henri Lévy (BHL) publie mercredi prochain un livre témoignage («La guerre sans l’aimer »), sur cette révolution qui a fait tomber le guide libyen, tué jeudi 20 octobre.
Vincent Jauvert, journaliste au Nouvel Observateur, publie cinq informations inédites contenues dans cet ouvrage et qui éclairent sous un jour nouveau le rôle de Sarkozy dans cette rébellion qui a mis un terme à 42 ans de dictature kadhafienne.
Livraisons d’armes
Selon BHL, la France a livré à maintes reprises des armes aux rebelles libyens dans plusieurs endroits en Libye avant mai 2011.
Le 16 avril, Nicolas Sarkozy reçoit en secret le général Younes, chef militaire de la rébellion libyenne, assassiné le 29 juillet.
Younes réclame des armes. Sarkozy lui explique que la France à déjà aidé les rebelles. « (…) Nous avons livré, nous vous livrons, beaucoup de choses… (…) Nous livrons à travers le Qatar, bien sûr. Mais cela ne trompe personne. Tout le monde sait que les armes livrées par le Qatar sont des armes livrées par la France. Est-ce que quelqu’un, parmi vous, imagine une seule seconde que, quand on dit « des armes livrées par le Qatar », c’est le Qatar qui envoie les armes ? »
Soldats français opérationnels sur le territoire libyen
Depuis le début de l’insurrection en février 2011, la France a nié avoir engagé des soldats sur le terrain des opérations. Pourtant, au cours de la même rencontre avec le général Younes, Sarkozy demande à son conseiller diplomatique : « Nous en avons combien, au juste, des instructeurs français au sol ? ».
Le président français s’adresse ensuite au chef militaires des insurgés : « Peu importe le nombre exact. Des Français parlant arabe, on vous en a mis un certain nombre. On va, dans les jours ou les semaines qui viennent, en mettre encore. »
Forces spéciales
A combien s’élève le nombre des forces spéciales françaises mises à la disposition des rebelles libyens ? Dans son livre, poursuit le journaliste du Nouvel Observateur, BHL écrit qu’il a suggéré au Libyens de « demander trois cents forces spéciales, à partager avec la Grande-Bretagne, pour guider les frappes, entraîner les commandos d’élites libyens et, le moment venu, prendre Koufra. »
Selon BHL, Sarkozy a donné « satisfaction partielle » de cette requête. Combien ? Le philosophe dandy ne le dit pas.
La piste privée de Kadhafi épargnée
Depuis que le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé les frappes aériennes, les avions de l’OTAN ont déversé un déluge de bombes sur le quartier général de Kadhafi à Bab Al Aziziah. Sans pouvoir atteindre le guide. Or, à en croire BHL, les alliés ont laissé une sortie de secours en épargnant « la piste d’aviation privée du Colonel » située dans sa ville-bunker.
Pourquoi avoir épargné cette piste ? L’ambassadeur de Grande-Bretagne en France, Sir Peter Westmacott, explique à BHL les raisons : « Le message [à Kadhafi] est double. D’abord : vous avez une porte de sortie (….). Ensuite : si vous vous réveillez un beau matin en apprenant qu’une bombe anglaise ou française a endommagé votre piste privée, alors oui cela voudra dire que vous êtes fait. »
La chute de Tripoli et le coup de pouce des alliés
Après sept mois de guerre, Tripoli est tombée entre les mains des rebelles avec une rapidité déconcertante. Les rebelles entrent dans la capitale dimanche 21 août et s’emparent de la quasi-totalité de la ville deux jours plus tard. Quel rôle ont joué les soldats français dans la chute de Tripoli ?
Selon BHL, l’aviation française a bombardé une vingtaine de cibles identifiées en commun avec le CNT alors que les forces spéciales françaises ont participé à l’opération sur le terrain.
Le 17 août, écrit encore le Nouvel Observateur, Nicolas Sarkozy téléphone à BHL. « Il m’annonce que des armes sont arrivées, la nuit dernière, par la mer, de Misrata à Tripoli et que le Jour Zéro approche. »
BHL révèle : « Eléments des Forces spéciales françaises, émiraties et, dans une moindre mesure, anglaises à la manœuvre. »