Comment fonctionne le système d’alerte tsunami ?

Comment fonctionne le système d’alerte tsunami ?

En décembre 2004, un tsunami provoqué par un tremblement de terre au large de Sumatra avait tué environ 220 000 personnes. Mercredi 11 avril, un puissant séisme d’une magnitude de 8,6 sur l’échelle de Richter a frappé l’Indonésie. Les systèmes d’alerte ont immédiatement été mis en place dans l’océan Indien. François Schindelé, expert en aléa tsunami au Commissariat à l’énergie atomique et président du groupe intergouvernemental de coordination des systèmes d’alerte en Méditerranée et en Atlantique Nord revient sur le fonctionnement de ces dispositifs et leurs améliorations.

Comment fonctionne le système d’alerte au tsunami ?

Un système d’alerte complet repose sur plusieurs éléments : l’organisation, l’aspect dit opérationnel, l’évaluation du risque et la prévention des populations. Une gouvernance des systèmes est nécessaire pour que ceux-ci puissent remplir leurs missions. C’est l’Unesco qui est mandatée pour coordonner les systèmes d’alerte dans les différents bassins. Dans le Pacifique, cette gouvernance existe depuis les années 1960. Elle a été élargie à l’océan Indien, mais également dans les autres régions que sont les Caraïbes, la Méditerranée et l’Atlantique Nord-Est depuis 2005, après le tsunami de 2004.

Sur le volet opérationnel, le système d’alerte s’articule autour de trois axes. Dans un premier temps, le réseau de stations sismiques détecte le tremblement de terre. Il fonctionne en continu et en temps réel. Une fois un séisme enregistré, il transmet ses données aux centres d’alertes tsunami de la région concernée. Il s’agit évidemment d’une phase de « pré-alerte ». Tous les tremblements de terre ne génèrent pas de tsunamis. Le deuxième réseau est le réseau marégraphique qui mesure le niveau de la mer. Des stations situées en bord de côtes ou au large permettent de déceler concrètement le tsunami. Là encore, ce réseau doit fournir des données en continu et en temps réel aux centres d’alerte. Ces derniers sont le troisième élément du système. Ils existent dans le Pacifique depuis les années 1950, à Hawaii et au Japon. Il y en a d’autres dans différents pays. La France par exemple en dispose d’un à Tahiti en Polynésie française depuis les années 1960.

Une autre information joue un rôle majeur, ce que l’on appelle « l’aléa tsunami », c’est-à-dire la menace qui pèse sur les différentes côtes. Celui-ci se mesure à partir d’études très approfondies reposant sur des modélisations ou des données historiques. Ces études sont menées sur le long terme dans différentes régions du monde depuis les années 1960. Le système d’alerte englobe une dernière variable, celle de la sécurité civile. Celle-ci va mettre en place ce qu’on appelle « l’alerte descendante » et sensibiliser la population.

Quelles ont été les évolutions dans les dispositifs d’alerte tsunami depuis 2004 ?

Beaucoup d’efforts faits par de nombreux pays, notamment pour développer la rapidité de transmission des informations. La gouvernance qui existait dans l’océan Pacifique a été étendue dans les autres bassins, à savoir les Caraïbes, la Méditerranée et l’Atlantique Nord-Est. Les différents pays ont aussi modernisé leur réseau sismique et marégraphique en instaurant le principe de temps réel. C’est un progrès considérable. Avant les données étaient transmises tous les jours ou tous les quatre à cinq heures… Les pays de la région concernée par le risque de tsunami sont prévenus par le système en moins d’un quart d’heure. Ils reçoivent un message précisant l’heure d’arrivée de la vague sur chacune des côtes. Aujourd’hui le Pacific Center a prévenu les 27 pays du bassin de l’important tremblement de terre.

La France a investi, que ce soit dans l’océan Indien, dans les Antilles et en Méditerranée pour implémenter de nouvelles stations en temps réel. En Méditerranée et en Atlantique Nord-Est, on est dans la phase de finalisation de la mise en place du centre français, le Centre d’alerte aux tsunamis. Il devrait être opérationnel début juillet, au niveau national et international. Un centre turc devrait entrer en fonction à la même période. Lui surveillera la partie orientale de la mer Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire. D’autres centres pourraient se mettre dans les prochaines années en place au Portugal, peut-être en Italie, peut-être en Grèce. Avec ces éléments, toute les régions auront un système d’alerte effectif.

Le tsunami au Japon en 2011 a-t-il mis en lumière des failles dans les dispositifs d’alerte ?

Cette catastrophe a soulevé certaines questions et renforcé notre vigilance. Même dans des régions où l’on sait le risque de tsunami important et où des systèmes sont déjà en place, il faut encore améliorer nos dispositifs. Il y a actuellement de nombreuses discussions au niveau politique, mais aussi scientifique pour compléter les systèmes en place et déceler les failles. Notre objectif est réellement que la population puisse être mieux informée et mieux protégée.

Quelles sont les pistes avancées pour améliorer les systèmes ?

Le Japon avait déjà beaucoup de stations mais toutes ne transmettaient pas leurs informations au centre d’alerte, parce qu’elles traitaient des données très complexes et trop « sophistiquées ». Ce défaut a déjà été en partie corrigé depuis la catastrophe. Il y a encore du travail à faire sur des données que l’on appelle données GPS. On utilise ce type de données pour voir comment s’est déformée la croûte terrestre. Ces informations nous donneraient des éléments plus précis que ceux obtenus à l’aide de l’actuel réseau sismique. Le Japon y travaille, les Américains également.

Une autre amélioration envisagée est de positionner des capteurs sur la source sismique marine. Ces derniers seraient capables de détecter le tsunami instantanément, parce qu’ils sont à l’épicentre du séisme. On aura ainsi une première indication de l’amplitude du tsunami. Les Japonais sont en train de prévoir la mise en place de ce réseau sous marin au-dessus des zones de subduction au large de l’archipel. La clé c’est d’avoir une information plus rapide et précise qui émane directement du terrain.

Ce dispositif pourrait-il être étendu à toutes les régions ?

Ce sont des systèmes très coûteux, on parle de millions d’euros pour quelques dizaines de kilomètres de câbles sous marins. Le passage d’un système à un autre système nécessite toujours des investissements importants. C’est pourquoi il faut adapter les dispositifs en fonction de la menace. Si l’aléa tsunami est modéré et la vulnérabilité faible, c’est-à-dire si la zone à risque est peu peuplée, une dépense trop importante n’est pas pertinente.