Commémoration du Printemps berbère : manoeuvres des suppôts du pouvoir

Commémoration du Printemps berbère : manoeuvres des suppôts du pouvoir

Les initiateurs de la fameuse pétition pour la constitutionalisation de tamazight dans le cadre de l’Algérie actuelle doivent comprendre que, désormais, la formulation du combat identitaire réduite à son expression linguistique est non seulement révolue mais elle constitue une indigne reculade.

L’officialisation de tamazight, langue originelle du pays ne saurait attendre plus longtemps

Après la tentative de détourner les regards sur les trois grandioses marches que le Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie (MAK) a programmé pour ce 20 Avril dans les trois principales villes de la Kabylie, en lançant, tenez-vous bien, d’une pétition pour supplier les racistes du pouvoir d’Alger d’avoir l’amabilité d’emprisonner tamazight dans leur prison constitutionnelle, voilà qu’un autre groupuscule coincé dans l’engrenage de la logique clanique du régime mafieux opte pour la même besogne en voulant disperser les rangs Kabyles par l’organisation d’une marche sur les rues d’Alger le même jour et à la même heure (10h00), pour revendiquer, disent-ils, une Algérie juste, sociale et démocratique…le 20 avril, date du printemps amazigh qui attend toujours de fleurir sur la terre ancestrale de ses aïeux mais aussi, date du tragique Printemps noir qui attend, lui aussi, que justice soit rendue aux 128 victimes dont les vies ont été prises par des criminels en uniformes. Je rappelle à ce groupuscule que le 20 Avril, même s’il coïncide avec un samedi, demeure spécifiquement kabyle et que l’Algérie des généraux comme celle de Bouteflika (tous clans confondus) restera éternellement injuste, non sociale, anti-démocratique et, surtout, anti-kabyle, pour la simple raison qu’il est impossible d’aller contre sa nature.

Les initiateurs de la fameuse pétition pour la constitutionalisation de tamazight dans le cadre de l’Algérie actuelle doivent comprendre que, désormais, la formulation du combat identitaire réduite à son expression linguistique est non seulement révolue mais elle constitue une indigne reculade.

Pour vivre, une langue à besoin d’un Etat, cela est une évidence ; la nôtre, soumise à folklorisation par un régime qui se réclame de l’arabo-islamisme ne peut en aucun cas se développer dans les structures d’un Etat qui travaille avec acharnement à la réduire à sa plus simple expression après s’être acharné, durant plusieurs décennies, à tenter de la faire disparaître complètement. Depuis l’avènement du HCA, trois graphies sont proposées et 150 ans de travaux berbérisants ont été remis en question. Une langue, pour s’épanouir a besoin d’un Etat qui prend à cœur sa promotion et son épanouissement et non pas un Etat qui s’évertue à la réduire au statut de vestige historique appartenant à un passé révolu.

L’Algérie officielle, bâtie le déni, le mensonge et l’usurpation ne peut assurer la pérennité d’une langue qu’elle déteste par dessus tout. Le seul Etat qui puisse avoir une réelle volonté d’assurer l’épanouissement de la langue ancestrale de nos aïeux ne peut être qu’un statut propre à la région. Ce n’est que dans ce cadre-là qu’elle pourra avoir un réel statut de langue officielle et elle le sera d’autant plus qu’elle sera la langue des futures institutions kabyles.

Le régime raciste d’Alger a démontré toute sa perversion en la matière, Tamazight est en net recul, soumise aux décisions d’un régime négationniste, avec une triple graphie, un statut de langue facultative enseignée par des professeurs méprisés et sous payés (quand ils le sont). Cela fait 18 ans que l’enseignement de Tamazight est officialisé et n’a jamais pu dépasser les frontières de la Kabylie. Selon les statistiques du HCA lui-même, il n’y a qu’en Kabylie que l’enseignement persiste malgré les misérables et décourageantes conditions dans lesquelles elle est enseignée.

Tamazight est langue nationale dans la constitution algérienne théoriquement mais la réalité du terrain contredit ce statut hypocrite… n’a-t-on pas vu Ouyahia, premier ministre de son Etat, brutalement rabroué par une petite journaliste pour avoir répondu en kabyle à une autre journaliste de la chaîne II ? Les députés de Kabylie sont-ils autorisés à s’exprimer en kabyle à l’Assemblée nationale algérienne sans que le président de séance ne leur coupe le micro ?

On assiste impuissants à la persistance de l’apartheid linguistique sous couvert d’une reconnaissance institutionnelle qui nous empêche, non seulement de faire valoir nos droits légitimes mais nous empêche en plus de dénoncer cette discrimination puisque, légalement, au niveau international (et c’est la réponse que les instances internationales donnent aux militants), tamazight est « langue nationale ». Or, aucun signe ne conforte cette reconnaissance de façade destinée à endormir notre méfiance et à anesthésier davantage les esprits faibles qui ont la faiblesse de croire à la clémence des racistes qui ont construit leur gouvernance sur l’idéologie arabo-islamisme dont on ne connaît que trop bien la nature exclusive et l’hégémonie qu’elle exerce sur les faibles et les naifs.

D’autre part, l’anti-kabylisme primitif continue à s’exprimer librement jusque dans les APC de Tizi Ouzou où des prénoms amazighs sont encore interdits, à tel point que le HCA a déclaré « prendre en charge le problème » à la dernière cession des droits de l’homme à Genève où le HCA et le ministère de l’intérieur ont eu à répondre des actes de discriminations enregistrées par les diverses ONG amazigh dont le CMA par la voie de Kamira Nait-Sid

Les « marcheurs d’Alger » se trompent d’époque et évaluent mal les adversaires, pour ne pas dire les ennemis de tamazight, qu’ils veulent, probablement de bonne foi défendre… Ils devraient aller un peu plus en profondeur dans le processus historique des raisons qui nous ont poussés à repenser, à la suite du tragique printemps 2001, notre démarche d’une façon radicalement différente pour comprendre que l’inscription de la revendication identitaire dans le cadre d’un état de nature arabo-islamique, d’ordre colonial est une supercherie, un gaspillage de l’énergie militante et une grave erreur de discernement.

La stratégie participationniste et l’entêtement dans le cloisonnement de leur combat dans le cadre de la logique clanique du pouvoir en place est un acte suicidaire que nous refusons de cautionner…Nous avons perdu 50 années de lutte pour la démocratisation de l’Algérie en espérant que la démocratie donnera naturellement droit de cité à la langue mère de cette contrée plusieurs fois millénaire. Hélas, nous avons abouti à l’exact contraire. Non seulement nous avons échoué dans la démocratisation de l’Algérie mais nous sommes nous-mêmes en train de basculer dangereusement dans la perversion de notre identité qui s’accommode, à présent, de l’islamisme rampant dont nous connaissons le caractère mortel et irréversible.

Par devoir et par dévouement à notre cause kabyle, nous avons l’obligation de rester loin des cette guerre de tranchées qui s’installe, à la veille des élections présidentielles, à tous les niveaux de l’administration algérienne. Qu’ils nous foutent la paix avec leur multitude de clans qui ne sont, en réalité, que les multiples faces d’un même Etat colonial. Depuis 2001, nous avons bel et bien compris que notre intérêt n’est certainement pas dans le participationnisme qui ne fait que donner du crédit à nos ennemis tandis qu’il mine la confiance des citoyens qui n’ont fait que perdre au change. Avez-vous oublié la marche du 14 juin 2001 ?

Restons concentrés sur notre combat en faveur d’une Kabylie libre et autonome loin des guéguerres mafieuses dont nous avons été les invariables dindons de la farce ! C’est dans cette optique que nous sollicitons toutes les forces Kabyles vives pour assumer, dans l’unité des rangs, la construction d’un état kabyle ; seule alternative pour assurer la pérennité de notre existence en tant que peuple et seul rempart pour servir d’exemple aux autres régions qui décideront, inévitablement, un jour, de suivre la voie Kabyle.

Moussa Naït Amara