Comme en Italie, il y a vingt ans, les Français veulent une opération « Mains propres »

Comme en Italie, il y a vingt ans, les Français veulent une opération « Mains propres »

L’affaire Cahuzac fait trembler la République française. Le site Mediapart qui l’a dévoilée promet d’autres révélations. Depuis, des hommes politiques de gauche comme de droite vont à confesse. Bon nombre d’entre eux, y compris l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, qui a passé la dernière semaine de l’année 2011 aux frais de l’Egypte, Hosni Moubarak ayant même mis à sa disposition un avion, se sont précipité à rendre public leur patrimoine, redoutant le discrédit jeté sur toute la classe politique.

Personne n’est, en effet, épargné, pas même le Front national dont un proche de Marine Le Pen, Philippe Peninque, un avocat, comme elle, est impliqué dans cette affaire pour avoir ouvert à l’ancien ministre socialiste du Budget un compte en Suisse, ayant servi à dissimuler des avoirs, s’élevant à, au moins, 15 millions d’euros, au fisc français. Fini le slogan de Jean Marie Le Pen « Tête haute, mains propres ».

Les mensonges de Jérôme Cahuzac qui a nié pendant plusieurs mois avoir un compte en Suisse, déposant même une plainte pour dénonciation calomnieuse contre Mediapart, retombent sur ses anciens collègues du gouvernement qui ne parviennent pas à s’en dépêtrer.

Depuis quelques jours, la suspicion frappe Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères de François Hollande, dont la richesse n’est un secret pour personne, ayant hérité de ses parents antiquaires une immense fortune, accusé d’en dissimuler une partie dans un paradis fiscal.

La « nouvelle » sortie par le journal « Libération » a fait l’effet d’une bombe dans les médias qui ont finalement conclu à une rumeur que l’ancien Premier ministre de François Mitterrand a été contraint non seulement de démentir, alors qu’il sait qu’en la démentant, il l’alimente, mais de poursuivre le quotidien en justice.

Assailli de toutes parts par les affaires qui éclatent, les unes après les autres, François Hollande ne sait plus où donner de la tête ni comment éteindre l’incendie qui embrase la République.

Les mesures prises par le chef de l’Etat français : renforcer l’indépendance de la justice avec, notamment, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, donnant « aux magistrats les moyens d’agir en toute liberté, en toute indépendance, contre tous les pouvoirs », lutter contre les conflits d’intérêts, publier et « contrôler les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires », et interdire « aux élus condamnés pénalement pour fraude fiscale ou pour corruption » d’occuper tout mandat public.

Ces mesures sont jugées démagogiques par l’opposition qui minimise leur efficacité à dissuader les élus de se livrer à la corruption ou à la fraude fiscale, exigeant de François Hollande de remanier son gouvernement et de créer une commission d’enquête parlementaire sur cette affaire, mettant en cause, entre autres personnalités gouvernementales, les ministres de l’Economie, Pierre Moscovici et de l’Intérieur, Manuel Valls, qui auraient protégé Jérôme Cahuzac.

Les Français espèrent une opération « Mains propres » de même type que celle menée, il y a vingt ans, en Italie par le magistrat Antonio di Pietro qui, après avoir arrêté un haut dirigeant du Parti socialiste italien dirigé par Bettino Craxi, donne le coup d’envoi à une campagne « Mani Pulite », mettant à jour une collusion entre la classe politique italienne et les milieux d’affaires. Cette opération a conduit à la traduction de 3000 personnes devant la justice et à la condamnation de près de la moitié d’entre eux.

Malgré cette lutte implacable, la corruption en Italie, livrée à la mafia, n’est pas encore vaincue. Selon Marco Travaglio, la corruption « dévore 60 à 70 milliards d’euros par an » et « l’évasion fiscale s’élève à 120 voire 150 milliards ». Cet ancien chroniqueur judiciaire qui connaît bien la question indique « qu’une centaine de parlementaires sont soit sous enquête, soit inculpés ou condamnés. »

Brahim Younessi