« A l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie »le 5 juillet 1962″, il est en votre pouvoir,monsieur le Président, d’adresser au peuple algérien un message de fraternité pour les malheurs qu’il a endurés, tout en assumant la responsabilité historique de la France ».
C’est ce qu’écrit le sociologue marocain Réda Benkirane dans une lettre adressée au président Français François Hollande publiée ce jeudi dans le journal « Libération » . Pour l’ancien responsable de l’information auprès de l’ancien Président algérien Ahmed Ben Bella (1990-1995), « si la France est restée cent trente deux ans en Algérie, c’est qu’il y eut identification complète : « L’Algérie, c’est la France » et que l’heure est venue pour « ce geste de reconnaissance et d’excuse, que la France devra tôt ou tard accomplir vis-à-vis d’un peuple colonisé comme rarement dans l’histoire, a été attendu des décennies durant ».
Clamer cette parole de vérité
Réda Benkirane explique dans sa lettre à Hollande, qu’il « manquait des hommes et des femmes d’Etat pour porter cette vérité au nom du peuple français et de ses idéaux universels. On ne peut pas rester indéfiniment otage d’un passé auquel on n’a pas participé et dont, pour l’essentiel, plus personne ou presque ne peut endosser le projet impérialiste: vous avez la légitimité, l’indépendance et, je crois aussi, le courage pour clamer cette parole de vérité ».
Le sociologue marocain poursuit sa lettre par « si l’Algérie a, elle aussi, opéré un refoulement de certains épisodes de sa guerre de libération, si elle a connu la dictature puis la guerre civile, cela montre que l’on ne sort pas facilement de plus d’un siècle de colonialisme, et qu’elle aussi, tôt ou tard, devra affronter ses propres démons du passé et du présent et mettre des mots pour traiter sa propre crise identitaire ».
Toujours dans même lettre son auteur ajoute que pour « ce qui est de l’Etat français, tant qu’il n’aura pas clairement expliqué ce qui s’est passé durant des décennies et des siècles, condamné ce qui aujourd’hui relève de crimes de guerre et contre l’humanité, la discorde identitaire, le rejet et la discrimination trouveront un champ fertile dans le refoulement du passé.
Ce que vous pouvez entreprendre par ce geste et l’expression de regrets,monsieur le Président, est une identification qui replace l’histoire du colonialisme, de ses manifestations et ses conséquences contemporaines dans une destinée commune ». Une telle décision, de l’avis de Réda Benkirane, « permettrait d’expliquer, justement, pourquoi un Corse, un Kabyle, un Martiniquais, un Basque, un Sahélien, un Alsacien se retrouvent à partager un devenir commun au sein de l’espace national ».
Reconnaître l’expropriation et la déportation
« Reconnaissez,monsieur le Président, au nomde toutes les victimes–civils algériens, pieds-noirs, harkis, soldats français– l’expropriation et la déportation, Sétif et Guelma, l’usage du napalmet de la torture » écrit encore le sociologue marocain dans sa lettre. Pour conclure Réda Benkirane ajoute que » en vous adressant au peuple algérien au nom du peuple français, vous vous adresserez à tous les autres peuples ayant subi le colonialisme, et avant cela la déportation et l’esclavage.
Cette démarche solennelle, symbolique, est unemanière de poser un regard lucide et calme sur le passé et de prendre soin de l’avenir. Pour en finir aussi avec le culte idolâtre de l’identité ».