L’organisation armée nigériane Boko Haram
Le nord du Mali, une zone qui demeure le maillon faible dans la lutte antiterroriste.
Ce qui a été rapporté dans nos précédentes éditions sur la connexion de l’organisation armée nigériane Boko Haram avec la nébuleuse Al Qaîda au Maghreb islamique, vient d’être confirmé par l’Organisation des Nations unies. Initiant une mission pour procéder à l’évaluation de l’impact direct de la crise libyenne sur le Sahel, il a été établi suite au rapport remis dans ce cadre au Conseil de sécurité de l’ONU, par les enquêteurs qui ont été chargés de mener des investigations dans ce sens que «Boko Haram avait noué des liens avec Al Qaîda au Maghreb islamique et que certains de ses membres du Nigeria et du Tchad avaient été formés dans les camps d’Al Qaîda au Mali pendant l’été 2011». Le même rapport relève que «sept membres de Boko Haram ont ainsi été arrêtés au Niger alors qu’ils se rendaient au Mali, en possession de documents sur la fabrication d’explosifs, de tracts et de coordonnées de membres d’Al Qaîda». Les enquêteurs notent une hausse des activités de terrorisme et du crime organisé au Sahel en tant qu’impact de la crise libyenne. Devant la menace grandissante, les rédacteurs du rapport appellent à la mise en place d’une coopération (qui est déjà en cours), par les pays du champ, à savoir l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali dont les ministres des Affaires étrangères étaient en réunion les 23 et 24 du mois courant à Nouakchott (Mauritanie), et une collaboration internationale accrue. A souligner que la mission, placée sous l’autorité du représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, s’est rendue sur place en décembre dernier. L’extrême mobilité des groupes terroristes n’a pas été le seul fait mis à nu par les interlocuteurs du représentant spécial de l’ONU, on relève également «la saisie de 645 kilos de Semtex, un puissant explosif, et de 445 détonateurs lors de l’interception d’un convoi au Niger». Les explosifs, en provenance de la Libye, étaient destinés à des camps d’Al Qaîda au Maghreb dans le nord du Mali. Une zone qui demeure le maillon faible dans la lutte antiterroriste. Le rapport ne fait en réalité que confirmer ce qui a été dénoncé à Nouakchott, mardi dernier, par les ministres des Affaires étrangères des quatre pays du Sahel sur une connexion avérée entre les groupes actifs au Sahel, dont Al Qaîda et Boko Haram. Cela dit et au moment où l’ONU étudie des rapports, au Sahel on fait face à une dégradation sécuritaire de plus en plus ample. Des combats opposaient, en effet, le matin du jeudi dernier, l’armée malienne à des rebelles touareg dans le nord du Mali. Il s’agit selon l’AFP des mêmes Touareg qui avaient attaqué la semaine dernière trois villes de la région, citant un témoin de la rébellion touarègue du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) Moussa Salam. Rappelons que les combats similaires des 17 et 18 janvier avaient fait plusieurs dizaines de morts, essentiellement des rebelles. Intervenant dans ce contexte, Paris, qui marque sa présence au Mali par l’installation de ses troupes, indique par le biais de son ministre de la Coopération, Henri de Raincourt: «Al Qaîda au Maghreb islamique n’est pas impliquée dans les combats qui opposent depuis la mi-janvier au Mali des rebelles touareg à l’armée malienne», et d’ajouter comme pour se décharger d’une culpabilité, des conséquences néfastes qui pèsent aujourd’hui sur les pays du Sahel à cause de l’implication directe de la France dans les événements douloureux de la Libye: «Il faut faire une différence entre les difficultés nées de la situation des Touareg et des relations avec le pouvoir central et celles nées de la situation d’Al Qaîda au Maghreb. Ce n’est pas la même chose, d’ailleurs les deux ne collaborent pas ensemble, ne travaillent pas ensemble». Henri de Raincourt n’ignore certainement pas que sans une ingérence des forces de l’Otan dans les affaires internes de la Libye, le contexte aurait été autrement vécu aujourd’hui. Il avoue, néanmoins: «Une force d’interposition militaire étrangère dans l’état actuel des choses n’est naturellement pas possible parce que les pays concernés s’y opposent». Mais le ministre sait aussi et par rapport aux dernières menaces d’Al Qaîda au Maghreb, les otages risquent d’être exécutés au moindre faux pas. Et c’est certainement ce qui le conduit à soutenir que «la position de la France c’est le dialogue, pas l’épreuve de force pour la stabilité et le respect de l’unité et de l’intégrité du Mali». Ceci dit, les combats ne sont pas limités à un simple échange de tirs entre les deux forces.«Les rebelles touareg maliens ont pris jeudi sans rencontrer de résistance le contrôle d’un camp militaire de la ville de Léré situé au nord-ouest du Mali, près de la frontière de la Mauritanie», rapporte encore l’AFP précisant qu’ «une colonne de rebelles touareg composé d’une dizaine de véhicules, a pris le contrôle du camp des méharistes de Léré». Cependant, ces propos ont été catégoriquement démentis par un responsable militaire malien basé au poste de commandement opérationnel de l’armée à Gao, qui soutient que la situation est maîtrisée et que les assaillants sont en déroute. A ce sujet, le ministre malien des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga, avait affirmé lors de la réunion, mardi, à Nouakchott des ministres des Affaires étrangères des pays sahélo-sahariens, que «toutes les villes du nord du Mali étaient sous le contrôle de l’armée». Et voilà ce qui contredit les propos du ministre français de la Coopération Henri de Raincourt, qui niait l’existence d’un lien entre Al Qaîda et les rebelles touareg, le gouvernement malien vient de confirmer que «des membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique et des rebelles touareg ont attaqué ensemble mardi Aguelhoc, ville du nord-est du Mali qui a été déjà visée la semaine dernière par la rébellion». Le gouvernement assure néanmoins que les militaires ont réussi à reprendre le contrôle. A ce propos, dans un communiqué du ministère malien de la Défense était indiqué: «Le mardi 24 janvier 2012, à 06h00 du matin, la localité d’Aguelhoc a été une fois encore attaquée par des terroristes d’Al Qaîda au Maghreb islamique des éléments du MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad et d’autres assaillants.» C’est dire qu’une connexion officielle existe entre Al Qaîda au Maghreb islamique et le MNLA, mouvement politico-militaire né fin 2011 de la fusion de groupes rebelles touareg, selon le ministère de la Défense malien qui précise que les militaires maliens sont intervenus pour sécuriser la ville et sa population et occupent actuellement la localité d’Aguelhoc et ses environs immédiats.