La collusion dans la passation des marchés publics s’étend de plus en plus et coûte donc énormément à la trésorerie nationale.
C’est pour tenter d’endiguer sa généralisation que le Conseil de la concurrence s’est penché, hier, dans un séminaire à Alger, sur ce phénomène. « Il s’agit de prendre des mesures spécifiques pour lutter contre cette pratique. C’est le but de ce séminaire. Car cette question ne concerne pas uniquement le conseil de la concurrence. Ce dernier n’est qu’un maillon de la chaîne devant intervenir pour lutter contre ce phénomène », souligne le président du Conseil de la concurrence, Amara Zitouni.
Mais d’abord un rappel sur la signification de collusion. Selon le sous-directeur de la réglementation division marchés publics au ministère des Finances, Omar Laâdjel, ce terme renferme toute entente « secrète » entre un groupe d’entreprises, lors d’un appel d’offres, pour faire augmenter les prix des services ou produits sollicités, notamment, tout en conservant l’apparence concurrentielle du marché.
En clair, « il y a un appel d’offres, et puis, des entreprises s’entendent entre elles, dans le plus grand secret, pour qu’un produit de dix dinars par exemple augmente à 20 DA. Les dix dinars majorés iront dans leur poches et ça sera une perte pour le trésor public », explique-t-il, précisant que les offres collusoires ciblent particulièrement les marchés publics.
Le caractère secret de la collusion la rend difficile à détecter et, surtout, à prouver. Toutefois, le représentant du ministère des Finances assure que des indices peuvent amener les responsables des marchés publics à ouvrir une enquête. « A condition toutefois que les personnes chargées de récolter les indices soient hautement qualifiées.
Détecter une collusion dépend essentiellement de l’intelligence et du savoir-faire de l’enquêteur ou du personnel des marchés publics. C’est pour cette raison que la formation a été exigée dans la réglementation relative aux marchés publics », fait-il savoir, signalant, par ailleurs, que les indices ne sont pas des preuves irréfutables.
Il indique que quand des prix d’un produit ou d’un service, lors d’une commande publique, sont plus élevés que le prix de référence ou au contraire, très bas, c’est un indice de collusion. Autre signe : la présence d’un nombre restreint de soumissionnaires pour un appel d’offres.
C’est un indice aussi quand des soumissionnaires qui participent à chaque fois aux appels d’offres mais sans jamais obtenir le marché.
Le doute est également permis quand un soumissionnaire devient un sous-traitant. « J’insiste sur la formation et la qualification. Sans cela, on ne pourra pas relever les indices qui attireront l’attention des responsables des marchés publics », soutient Omar Laâdjel, notant que moins il y a d’entreprises qui participent aux appels d’offres, plus il y a risque de collusion.
Les commandes répétitives favorisent aussi cette pratique. Pour la prévenir, le sous-directeur de la réglementation division marchés publics au ministère des Finances recommande aux offreurs de procéder à des achats groupés. Plus la commande groupée est importante, plus les prix tendent vers la baisse.
En outre, pour lutter contre ce phénomène, la mise en place d’un système d’information est nécessaire pour la circulation des données ainsi qu’une coopération entre les administrations.
Laâdjel a estimé également que la création de l’autorité de régulation des marchés publics et d’un observatoire de la commande publique sous la direction de cette dernière contribuera à lutter efficacement contre la collusion. « La réglementation condamne l’abus de position dominante mais elle ne fait pas référence à la collusion », relève Laâdjel. De ce fait, ce dernier propose que les émetteurs d’appels d’offres s’engagent à s’abstenir à s’entendre avec une entreprise donnée.
Pour ce qui est des cas de collusion enregistrés en Algérie ces derniers temps, les intervenants n’ont pas pu se prononcer. « Nous n’avons pas pu avoir des statistiques relatives aux infractions dans les marchés publics de ces 5 dernières années », confie Slimani Djilali, membre permanent au Conseil de la concurrence.
Farida Belkhiri