Colloque sur Syphax roi des Massaessyles: Se libérer des prismes déformants

Colloque sur Syphax roi des Massaessyles: Se libérer des prismes déformants

C’est dans une salle des conférences de la wilaya de Aïn-Témouchent archi-comble (on a dû ajouter plusieurs chaises) que s’est ouvert ce samedi 22 septembre, pour trois jours, le colloque international sur le thème «Le royaume des Massaessyles : Syphax et la rencontre de SIGA 206 AV.J.C.»

C’est en présence des autorités locales à leur tête Mme le wali Ouinaz Labiba, et d’anciens ministres dont Noureddine Yazid Zerhouni que le secrétaire général du Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA) Si el Hachemi Assad a présidé au lancement des travaux. Si le programme des interventions a quelque peu été chamboulé du fait de l’absence de certains participants, la première séance donne le ton des idées fortes qui animeront les débats. en effet, du mythe à la réalité le pas a été franchi pour tout ce qui concerne le royaume des Massaessyles, ses relations avec les puissances dominantes de l’époque –Carthage et Rome- mais surtout dans le souci de vérité historique, comme le personnage de Sophonisbe à qui l’on a attribué un rôle surfait dans le renversement des alliances politique et militaire à la faveur de son mariage avec le vieux Syphax. Il n’en est rien des qu’en dira-t-on des historiens de l’époque dont Tite live dont les écrits étaient faits pour plaire à ses seigneurs. Une fille tout juste nubile (14-15 ans), pas du tout belle comme se plaî t-on à la dépeindre et idéaliser pour l’imaginaire populaire, est loin de celle décrite dans l’iconographie générale. en fait, sa glorification est un mythe sciemment élaboré. Selon les conférenciers, elle aura servi de prétexte pour dévaluer le plus important à savoir, la place du royaume Massaessyles quant à son poids dans le bassin méditerranéen au même titre que Carthage et Rome, puissance montante 200 ans A.J. C. Syphax qui est parvenu à unifier les tribus massaessyles, entreprenait des actions dignes des grands seigneurs de l’époque ce qui démontre sa stature d’homme d’etat.

Pour certains intervenants c’est même le plus grand roi. et si certaines notabilités de Carthage en bute au désir d’hégémonie de l’empire romain se sont crus inspiré de mettre dans les bras de Syphax une des leurs afin de lui arracher une alliance contre les Romains, il n’y aurait rien de tel puisque le roi massaessyle en position de force n’a pas succombé à ces calculs. Bien plus, il jouera le médiateur lors de la rencontre de Siga en tentant de rapprocher les points de vues démontrant ainsi qu’il n’est pas le jouet des manipulations de sa nouvelle épouse carthaginoise. Ainsi, Syphax, présenté comme l’allié de Carthage ne l’a jamais été. Ce sujet sensible a fait l’objet d’une communication de Faouzi Abdellaoui, de l’université de Tunis, qui s’est efforcé à rétablir des vérités quant à cette alliance y voyant plutôt un choix et une vision stratégique de Syphax lequel, souligne-t-il, entra en conflit feutré avec Carthage en récupérant des places maritimes fortes dont Iol, Icosium, Saldae. Il faut savoir que Carthage est une puissance navale de multiples points d’encrages (ports) dans le pourtour méditerranéens, nord et sud. L’année 213 Av.JC marque donc la fin de cette alliance. Ce n’est pas tout puisque dit-on Syphax a beaucoup fait pour la promotion de la langue tamazighe (berbère). C’est donc sans nouvelle mystification ni exagération que les participants au colloque en appellent à aller en profondeur dans l’histoire de Ain-Témouchent, autrement dit un pan de notre histoire commune. Il s’agit donc de procéder à des éclairages sur des moments importants de l’histoire que les puissances occupantes voulaient cacher. Les conférenciers, face aux plus anciens documents, en appellent à une lecture objective et par la même soumettre les sources historiques à la critique pour réhabiliter les faits historiques et les soumettre à une nouvelle lecture qui ne soit plus celle du vainqueur ou de ses servants.

Par ailleurs, l’archéologie, dans l’étude des objets matériels et dans les fouilles, est appelée à jouer un rôle d’importance dans l’écriture de l’histoire. Mounir Bouchenaki, conseiller spécial de la directrice de l’Unesco, rappelle ainsi l’expérience des travaux de restauration de pièces du musée de Constantine grâce à une aide de spécialistes allemands. Le ton est donc donné quant au climat qui domine les différentes communications préfigurant la pertinence des débats durant les prochaines journées de ce colloque.