Colloque sur le monde arabe en ébullition,Les révolutions arabes passées au crible

Colloque sur le monde arabe en ébullition,Les révolutions arabes passées au crible

Les travaux du Colloque international sur les révolutions arabes, intitulé «Monde arabe en ébullition» ont été ouverts hier. Khalida Toumi, ministre de la Culture, a évoqué les enjeux de ce mouvement inédit dans le monde arabe et qui n’est pas définitivement accompli.

«Je souhaite ardemment à ce que le printemps des peuples soient celui des peuples et non celui d’une horde d’affairistes qui remplissent actuellement leurs bons de commandes pour venir reconstruire ce que leurs armadas ont détruit.

J’espère que ce printemps des peuples puisse profiter aux peuples et non pas à des castes locales prêtes à toutes les compromissions pour en fin de compte saisir l’opportunité de devenir calife à la place du calife», a-t-elle indiqué dans son allocution.

Mme Toumi a appelé les peuples arabes à la vigilance, comme seule arme qui puisse les prémunir contre les dangers qu’ils soient internes ou externes. «Le maître mot de l’heure devrait être: la vigilance. Vigilance sur le front intérieur pour ne plus jamais reproduire les dévastatrices expériences que nous avons vécues.

Mais la vigilance sur le plan extérieur aussi dont il faut prendre très aux sérieux les menaçantes campagnes de reconquêtes.» Mme Toumi a saisi cette occasion pour défendre la cause palestinienne. Elle s’est interrogée si ce printemps arabe sera palestinien aussi ?

Pour sa part, Fouaz Traboulsi, chercheur universitaire, a évoqué les trois facteurs qui sont à l’origine des soulèvements en Tunisie et en Egypte. Selon lui, ces révolutions, qui ont posé le problème de la non-légitimité des pouvoirs arabes, ont été menées par des jeunes universitaires chômeurs qui ont revendiqué le travail, la liberté, les droits civiques, ainsi que la justice sociale. Le slogan «le peuple veut le changement du régime», répété par les jeunes révoltés, reflète le changement idéologique du peuple arabe qui veut expliquer et comprendre l’absence de la démocratie là où il vit.

La propagation de la corruption dans ces pays est un autre facteur déterminant dans le déclenchement de ces révolutions. Les dirigeants de ces pays disposaient des richesses et accaparaient tous les biens, ce qui a réveillé les consciences arabes sur l’utilisation de la politique comme moyen de rafle de la richesse économique. Ce chercheur estime que l’annonce de la justice politique et civique des citoyens et la définition de la relation entre le pouvoir législatif et exécutif, en tenant compte des aspirations du peuple, peuvent améliorer la situation dans ces pays.

Comment gérer la transition

Pour Omar Choubaki, chercheur, ce qui s’est passé dans les pays arabes est une révolution et non une révolte. Le plus grand danger évité dans ces pays est la destruction de l’Etat, ce qui n’a pas été fait ni en Tunisie ni encore en Egypte puisqu’il a été question de la chute du régime. La réussite de ces révolutions se mesure justement pas la non-destruction de l’Etat, ce qui fait que les révolutionnaires peuvent construire un nouveau régime politique différent de l’ancien.

M. Choubaki fait remarquer que la phase de transition est longue dans les deux pays puisque huit mois après le déclenchement des révolutions, aucun projet de réforme n’a été entrepris, que ce soit pour les institutions étatiques ou celles chargées de l’organisation de l’opération de vote. Deux principaux défis doivent être relevés durant cette période de transition, à savoir l’introduction de réformes et l’intégration du courant islamiste dans le processus politique.

«Ces révolutions ont ouvert d’autres perspectives aux courants islamistes. L’enjeu est de savoir comment construire des institutions solides capables d’intégrer ces courants religieux qu’ils soient démocratiques ou non, dans le processus politique pour ne pas bloquer sa continuité», a-t-il expliqué. La question de la politisation de l’armée a été évoquée par ce chercheur, qui recommande «l’instauration d’une armée professionnelle, respectueuse et disciplinée, capable de faire la transition entre la légitimité ancienne et celle de la révolution populaire».

Par Nouria Bourihane