«L’Algérie d’aujourd’hui ne correspond pas à celle à laquelle on aspirait durant la Révolution»
L’ancien chef du gouvernement pense que la révolution n’avait pas pour unique objectif de libérer le pays mais elle portait également un projet de société.
L’ancien chef du gouvernement, Ahmed Ghozali, a présenté un diagnostic de la situation actuelle en Algérie. «Ce que je reproche au gouvernement actuel est qu’il n’a pas tiré la leçon des fautes commises», a-t-il constaté.
Le titre de sa conférence est explicite: «La Révolution a-t-elle tenu ses promesses?» Elle était prononcée dans le cadre du colloque sur le cinquantenaire de l’Indépendance qui se déroule à Marseille. Il explique dans le détail que «le plus gros problème ce sont les difficultés énormes dans l’instauration de l’Etat de droit».
Loin de la langue de bois, M.Ghozali reconnaît «qu’il y a un refus de moderniser les institutions archaïques». Il rappelle que la Révolution n’avait pas pour unique objectif de libérer le pays mais elle portait également un projet de société. «L’Algérie d’aujourd’hui ne correspond pas à celle à laquelle on aspirait durant la Révolution», a-t-il avoué. Pourquoi? Il répond tout simplement que «le peuple algérien est sous tutelle d’un processus de confiscation de la volonté populaire». Le conférencier est revenu sur les événements de 1988 qui ont abouti à l’ouverture du champ politique et médiatique. En clair, cette ouverture n’a pas connu une évolution. Avec le printemps arabe, le gouvernement se retrouve à répéter les mêmes mesures qu’en 1988, à savoir l’ouverture du champ politique et audiovisuel et la révision de la Constitution. Développant sa vision, Ghozali estime que le problème ne se pose pas dans les lois mais plutôt dans les textes d’application. Se référant au sentiment de désarroi qui ronge le peuple algérien, l’ancien chef du gouvernement pense qu’il a tous les ingrédients pour être heureux.
«Il faut un pouvoir qui ne méprise pas les populations, des institutions modernes qui consacrent le respect du droit et des lois», a-t-il dit. M.Ghozali a cité dans ce sens le phénomène de la bureaucratie en rappelant que lorsqu’il était chef du gouvernement il passait son temps à régler les problèmes du quotidien.
«Normalement, un gouvernement doit tout faire pour rendre le quotidien des citoyens plus souple, mais malheureusement c’est le contraire», a-t-il déploré. Pour lui, le gouvernement fait tout pour compliquer davantage la vie aux citoyens. Tout en concédant qu’il y a des insuffisances, il a relevé que beaucoup de progrès ont été réalisés depuis l’Indépendance. Il a cité le nombre des infrastructures construites dans le secteur de l’éducation, de la santé et de l’hydraulique. «Depuis les années 1990, l’Algérie a réalisé dix fois plus de barrages que la France», a-t-il affirmé en réfutant la thèse selon laquelle rien n’a été fait. Interrogé sur la corruption, M.Ghozali explique: «La corruption du tissu social touche tous les niveaux.»