Colère noire du président turc contre les Etats-Unis: Erdogan défie l’Amérique

Colère noire du président turc contre les Etats-Unis: Erdogan défie l’Amérique

«Nous avons mis au jour vos manigances et nous vous défions», a t-il lancé lors d’un congrès de son parti.

Le président Recep Tayyip Erdogan a déclaré hier que la Turquie ne se «livrerait pas» aux Etats-Unis, poursuivant son bras de fer avec Washington qui a précipité l’effondrement de la livre turque ces derniers jours. «Nous ne nous livrerons pas à ceux qui se présentent comme notre partenaire stratégique, alors qu’ils s’efforcent de faire de nous une cible stratégique», a lancé Erdogan lors d’un congrès de son parti islamo-conservateur, l’Akp, à Ankara. «Certains croient pouvoir nous menacer avec l’économie, les sanctions, les taux de change, les taux d’intérêt et l’inflation. Nous avons mis au jour vos manigances et nous vous défions», a-t-il poursuivi lors de ce congrès visant à renouveler l’état-major de l’Akp. Ces déclarations surviennent alors que Washington et Ankara, alliés au sein de l’Otan, traversent une crise diplomatique. Celle-ci est notamment liée au cas d’un pasteur américain assigné à résidence en Turquie et dont les Etats-Unis réclament la libération.

La crise a éclaté lorsque Washington a imposé, début août, des sanctions inédites contre deux ministres turcs. Ankara a répliqué et cette escalade des tensions a provoqué l’effondrement de la livre turque la semaine dernière. Lors du congrès de l’Akp hier,

M. Erdogan a par ailleurs affirmé que la Turquie allait «poursuivre et élargir» ses opérations militaires transfrontalières. Ankara a déployé depuis deux ans des militaires dans le nord de la Syrie pour contrer l’expansion des Unités de protection du peuple (Ypg), une milice kurde. La Turquie a basculé la semaine dernière dans une crise monétaire. Après des années d’érosion, la livre turque s’est effondrée sur fond de tensions avec les Etats-Unis et de défiance envers la gestion économique de Recep Tayyip Erdogan.

La devise turque a perdu environ 40% de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année et connu une spectaculaire débâcle ces derniers jours. Après une accalmie, elle a replongé vendredi, alors que la crise avec Washington s’envenime. Pour les économistes, Ankara doit prendre des mesures urgentes pour redresser sa monnaie dont l’agonie inquiète l’Europe. Mais la plupart des remèdes qu’ils préconisent vont à l’encontre de la politique menée jusqu’ici par Erdogan. Les économistes s’interrogent sur sa capacité à affronter la crise actuelle, d’autant plus qu’il a nommé en juillet son gendre, relativement novice, Berat Albayrak, aux Finances.

Les positions «peu orthodoxes» de M. Erdogan, convaincu par exemple que baisser les taux fait baisser l’inflation, ont créé une «crise de confiance», souligne Timothy Ash, économiste spécialisé dans les marchés émergents. Vendredi, les agences de notation Standard and Poor’s et Moody’s ont abaissé la note de la dette de la Turquie, la première déplorant l’absence de plan «crédible» d’Ankara face aux turbulences actuelles.

Après des années de forte croissance, grâce notamment aux largesses du gouvernement, les économistes appellent à ralentir la machine. M. Albayrak a assuré jeudi qu’il combattrait l’inflation et imposerait la rigueur budgétaire. Mais les marchés attendent des actions. Si elle n’est pas la seule cause de l’effondrement de la livre, la crise avec les Etats-Unis, liée notamment au sort d’un pasteur américain en Turquie, y a largement contribué. Pendant que les tensions avec Washington se renforcent, Ankara multiplie les contacts avec la Russie et l’Europe qui a vivement critiqué les atteintes aux droits de l’homme en Turquie depuis deux ans. La crise avec les Etats-Unis va pousser M. Erdogan à être «considérablement plus prudent dans son approche avec l’UE», souligne le cabinet Eurasia Group. Les libérations cette semaine de deux soldats grecs et du président d’Amnesty International en Turquie, ne sont «pas une coïncidence», souligne une source diplomatique européenne.