Plus de 1300 décharges sauvages sont recensées
Comme pour les décharges sauvages qui sont générées par les ménages, les bars clandestins sont alimentés par une clientèle locale constituée généralement de jeunes villageois.
Il n’y a pas un lieu où l’on ne peut pas se retrouver face à une décharge sauvage. Que ce soit la sortie d’un village, en bord de route, devant l’entrée d’une école et même d’un dispensaire, au milieu d’une forêt dense ou à proximité d’une source d’eau naturelle. Les poubelles envahissent l’espace public. Les places des villages jadis réservées à Tajmaât sont aujourd’hui jonchées d’immondices nauséabondes.
Comme un malheur ne vient jamais seul, ces mêmes villages qui croulent sous les ordures font face à la poussée, tels que des champignons, de bars et lieux de débauche clandestins. A ce sujet, la situation des citoyens est paradoxale. Comme pour les décharges sauvages qui sont générées par les ménages, les bars clandestins sont alimentés par une clientèle locale constituée généralement de jeunes villageois. Le mal est grand et les témoignages que nous avons recueillis posent un dilemme. Beaucoup se sentent coupables de l’existence de ces deux phénomènes, mais l’expliquent d’une part, par le manque de lieux de distraction et d’autre part, par l’anarchie des services de la voirie des communes. Pis encore, l’amoncellement de ces déchets crée des conflits entre les individus, les familles et les villages.
Face à cette situation dramatique, les pouvoirs publics peinent à trouver des solutions idoines. Le travail technique qui consiste à trouver des lieux et des méthodes d’enfouissement butent sur le manque de sensibilisation des populations. Ce même manque de sensibilisation se trouve hélas amplifié par l’inaptitude des élus locaux à gérer des problèmes du genre. A Boudjima, les élus ont tout simplement cessé de faire la collecte des ordures ménagères des villages. Depuis cette décision prise juste avant l’arrivée de la saison estivale, les places des villages puent. Les sacs poubelles éventrés par les chiens errants meublent les places de Tajmaât, les ruelles et les champs. «Je ne reconnais plus mon village. C’est une catastrophe. C’est un crime contre l’humanité», fulmine Amirouche, rentré au village après quelques années en Espagne.
Le Prix de la commune et du village le plus propre de la wilaya a été institué à compter de cette année 2013 par l’Assemblée populaire de wilaya. Une année auparavant, un partenariat a été signé avec le mouvement associatif de France pour la sensibilisation sur l’environnement. Des associations, à l’instar d’Imazighen environnement de Créteil, ont d’ailleurs commencé à y travailler. Entre-temps, plus de 1300 décharges sauvages sont recensées à travers ces mêmes villes et villages. Cela sans compter les ordures qui défigurent les abords des routes nationales et chemins de wilaya et qui ne semblent pas inquiéter outre mesure les autorités locales. «Mais en fait, les pouvoirs publics devraient nous dire ce que l’on doit faire de tous ces emballages. Le citoyen aujourd’hui est mitraillé de bouteilles et de sacs au point qu’il ne sait plus quoi en faire. Jadis, les ordures se limitaient à quelques cartons et autres qu’on brûlait une fois tous les débuts d’automne», raconte un vieux retraité de la mairie. Et le travail commencé par le mouvement associatif est tombé à l’eau. Bien plus, les efforts consentis par l’Etat butent sur des entraves souvent posées par les populations. Les travaux de CET sont souvent confrontés à des oppositions qui entraînent des retards et des annulations.
Au chapitre des bars et lieux de débauche clandestins, les forces de sécurités comme la police et la gendarmerie trouvent, elles aussi, du mal à traquer ces lieux qui pullulent à travers les communes. Ces bars clandestins érigés souvent en dépôts de vente se remplissent de jeunes en mal d’occupation. «Oui, tu peux nous dire où aller pour extérioriser ton angoisse? Il n’existe pas de lieux de distraction dans notre commune. Au stade communal, on peut jouer au foot à 1000 joueurs par équipe», nous interpelle un jeune dans un bar clandestin à Boudjima. Le week-end dernier, les forces de police ont arrêté une vingtaine de personnes dont 18 femmes qui racolaient les clients dans un bar clandestin à Boudjima. En mai dernier, plusieurs manifestations ont été signalées à travers les communes pour protester contre la prolifération de ces lieux. Toujours à Boudjima, les populations d’Isserajen ont dû procéder à la fermeture du siège de la mairie ainsi que plusieurs axes routiers pour interdire un lieu de débauche ouvert à proximité des habitations et au milieu d’une oliveraie alors que la cueillette des olives se fait en famille. Comble du paradoxe, ces bars clandestins fermeraient en un seul jour s’ils se retrouvaient sans clientèle. Bien que des étrangers aux villages soient présents, il n’en demeure pas moins que l’essentiel de la clientèle est constituée de jeunes des villages environnants.
Enfin, il est à mentionner que l’existence de ces bars clandestins tout comme les décharges sauvages sont une source de conflits entre les familles et les villages. Au niveau des Assemblées communales, l’on ne semble pas prendre le problème au sérieux. Les élus considèrent avec une légèreté déconcertante les appels de détresse des populations. L’indifférence et le silence dans lesquels se meurent lentement des villages, des rivières et des sources d’eau est une preuve de la responsabilité de tous ceux qui peuvent faire quelque chose, en l’occurrence les élus et les citoyens.