Dépénalisation du délit de presse en vigueur depuis mai 2001, nouveau code de l’information, restructuration de l’ENTV, nouvelle loi sur la publicité, Nacer Mehal, ministre de la Communication, veut donner l’impression que des réformes pour plus de liberté d’expression et d’ouverture sont menées par les autorités. Compte rendu de son intervention à la radio chaîne III dimanche 6 mars.
Vers la dépénalisation du délit de presse, comme réclamé par les journalistes algériens depuis 2001 ? Le sujet est « actuellement en discussion. Oui, pourquoi pas », affirme-t-il dimanche au micro de la radio nationale chaîne III.
Le ministre indique par contre que le dossier de la dépénalisation du délit de presse relève des attributions des Gardes des sceaux. «Le recours à la loi ne m’appartient pas. Je crois que c’est un domaine qui relève des compétences du ministre de la justice », ajoute-t-il.
La décision finale, dépénaliser ou maintenir la pénalisation, appartient au président de la République, précise l’invité de la radio.
Mercredi 23 février, plusieurs journalistes, regroupés dans le comité national pour la liberté de la presse, ont appelé le gouvernement algérien à la dépénalisation du délit de presse.
En mai 2001, le gouvernement algérien a fait amender le code pénal en y ajoutant deux articles, les articles 144 et 144 bis qui sanctionnent les délits de presse, y compris par l’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 années ferme. Depuis la corporation n’a de cesse de dénoncer ce code juge répressif sans que cette dénonciation ne contribue à faire bouger la position des autorités d’un millimètre.
Nouveau lifting à la télévision nationale
Accusée d’être un organe de propagande, instrument aux mains de la présidence, l’ENTV, télévision d’Etat, est décrédibilisée, de l’avis d’une large partie de l’opinion. Certains l’accusent même de verser dans le mensonge et la désinformation.
De nouveaux textes de loi relatifs à « l’organisation » de la radio et de la télévision ont été soumis au gouvernement, qui les examinera dans deux ou trois semaines, selon le ministre. « Si le gouvernement accepte avec l’approbation du président de la République, à ce moment, on rentera dans la phase d’application », indique-t-il.
C’est à partir de 2012 que la nouvelle programmation prendra effet. « Chacune des chaînes aura sa grille, sa propre imagination et son propre génie », affirme Nacer Mehal.
Même le ronronnant journal télévisé de 20H n’échappera à la reforme. « J’attend toujours que les textes soient adoptés. Le JT télévisé de 20 heures sera reformé. On aura trois journaux télévisés, et le meilleur sera suivi par les algériens. Ayant du respect pour nos téléspectateurs », recommande le ministre, en rappelant que les programmes de l’Unique ne sont pas à la hauteur des attentes des téléspectateurs.
Le ministre n’a pas exclu par ailleurs le recours, en termes de production, à la compétence étrangère. « Toutes les télévisions du monde fonctionnent avec des apports externes. Je ne vois pas pourquoi on serait un cas particulier », dit-t-il, en précisant que « s’il y a des ressources l’intérieur de l’entreprise, on va les utiliser au summum des capacités. »
En sommes, c’est une réforme à l’intérieur de la télévision et non de la télévision.
Nouveau code de l’information
Concernant le nouveau code de l’information, le ministre n’innove en rien par rapport à ses prédécesseurs. A l’instar d’Abderazak Boukerzaza, Hachemi Djiar et de Khalida Toumi, précédents tutélaires de ce département, Nacer Mehal affirme que le nouveau code de l’information est prêt.
Une mouture du code de l’information sera soumise à discussion avec l’ensemble des acteurs du secteur au deuxième trimestre 2011, révèle le ministre de la Communication.
« Nous voulons obtenir le maximum de consensus autour du texte avant de la présenter au gouvernement et plus tard aux institutions législatives », souligne-t-il assurant que « personne ne sera exclue des discussions. »
Selon lui, ce code devra « renforcer la liberté d’expression, non pas dans le sens de sa limitation, mais dans le sens qu’il n’y ait pas de dérives déontologiques ».
Nouvelle loi sur la publicité
Interrogé sur la nouvelle loi sur la publicité, le ministre a estimé qu’il n’y aura pas de retour au monopole de l’Etat sur la publicité. « L’Anep aujourd’hui ne recueille que 45 % de la publicité nationale. Le reste soit 55% appartient au secteur privé. Ceci dit, on ne va pas retourner au monopole, loin de là », note le ministre pour qui le secteur est « une jungle ».
Et c’est là qu’interviendra la nouvelle loi, en cours d’élaboration. « Cette jungle, il faudrait baliser un chemin pour mieux la contrôler. Un Etat a un rôle fondamental de régulateur. Et il ne faut pas aussi laisser la jungle s’installer et s’élargir. Il y a beaucoup d’argent dans cette affaire », précise le ministre. Le ministre ne dit pas par contre quand cette loi sera promulguée.
L’ancien ministre, Abderrachid Boukerzaza, fait tenu le même discours en mai 2008. « Une loi organisant la publicité sera élaborée dans les prochaines semaines »,avait-il affirmé en mai 2008. Bientôt trois ans.
Depuis 1991, date de l’avènement de la presse dite indépendante, le gouvernement a eu recours à la publicité comme moyen de pression sur certains journaux récalcitrants alors que des journaux de la presse publique et parapublique, laudateurs du régime, bénéficient d’une grande cagnotte publicitaire.
Si l’ANEP détient 45 % de part de marché, en revanche elle distribue cette manne selon le bon vouloir de ses dirigeants.
Plutôt que l’audience, ce sont davantage la servilité, la docilité et la complaisance des titres et de leurs patrons à l’égard du pouvoir qui constituent les critères de redistribution de cette manne publique.