Coalition antiterroriste arabe: Riyad veut forcer la main à Alger

Coalition antiterroriste arabe: Riyad veut forcer la main à Alger

Le mystère qui entourait la visite du minist saoudien de l’Intérieur s’est dissipé. Riyad fait forcing sur l’Algérie afin de l’amener à s’aligner sur les positions du royaume, notamment en direction de l’Iran.

Abla Chérif – Alger (Le Soir) – L’annonce de cette visite avait donc soulevé plusieurs interrogations à Alger. Officiellement, le déplacement du ministre saoudien de l’Intérieur s’est effectué suite à une invitation lancée par son homologue algérien. Le communiqué publié par le département concerné faisait alors état d’entretiens programmés pour évaluer le niveau de coopération des deux pays en matière sécuritaire.

Le fait avait surpris pour deux raisons. D’abord parce que l’Algérie n’a jamais été concernée de près ou de loin par les opérations, ou plutôt initiatives, saoudiennes en matière de lutte antiterroriste. Jusque-là, les autorités algériennes sont, en effet, restées à l’écart de la coalition arabe (organisée par le jeune roi Salmane) pour lutter (officiellement) contre les groupes terroristes sévissant dans la région.

L’organisation s’est avérée être davantage une coalition anti-chiite contraire aux positions du pays. L’autre raison est liée directement à l’attitude du ministre de l’Intérieur saoudien connu pour ses postions intransigeantes et peu amicales à l’égard des Algériens.

A son arrivée, ce dernier a bénéficié d’un accueil auquel peu de personnalités de son rang ont eu droit. Il a été reçu par son homologue, ainsi que par le ministre de la Justice qui semble avoir été chargé de jouer un rôle particulier dans les relations algéro-saoudiennes.

C’est, en effet, à Tayeb Louh qu’a été attribuée la mission de transmettre, il y a quelques mois, une lettre au roi d’Arabie Saoudite. Qualifié de mystérieux par l’agence de presse turque, le contenu de la missive reste du domaine du secret jusqu’à l’heure.

Tayeb Louh s’est contenté de déclarer à ce propos qu’elle portait sur les «relations excellentes entre les deux pays». Trois jours après son arrivée, Abdelaziz Ben Saoud Ben Nayef ne quitte pas Alger. Il prend part à la réunion des ministres arabes qui se déroule dans la capitale. Il est désigné président d’honneur de la session.

Les faits qui surviennent durant cette rencontre sont déroutants. Le ministre saoudien axe toutes ses déclarations sur la nécessité de renforcer le front commun arabe en s’attaquant à l’Iran, désigné comme ennemi principal des Etats concernés.

Le discours est logique, propre aux directives défendues par le royaume, mais il se tient sur une terre qui s’est refusée à s’embarquer dans ce qu’elle considère comme une aventure aux conséquences incalculables. «Nous nous réunissons aujourd’hui alors que des événements successifs visent la sécurité, la stabilité et l’unité de notre monde arabe, ce qui nous oblige à suivre les retombées de ces événements avec détermination. Nous devons être fermes pour protéger notre sécurité et notre stabilité.

Ce que fait l’Iran avec son ingérence dans les affaires internes de plusieurs pays dans le monde dont les Etats arabes, son soutien au terrorisme et son action pour diviser les sociétés, à travers ses bras extrémistes, doit être considéré comme un danger qu’il faut affronter», déclare-t-il. Il poursuit en évoquant les «organisations alliées à Téhéran qui, dit-il, commencent à défier les gouvernements légaux en se substituant à eux en prenant les décisions à leur place».

Le Hezbollah libanais est directement ciblé.

Alger, doit-on le rappeler, avait refusé de se joindre aux pays arabes ayant condamné et qualifié cette organisation de «terroriste» affirmant rester attachée aux principes des Nations-Unies qui considèrent le Hezbollah comme un mouvement de libération.

De leur côté, et durant cette même session, les autorités algériennes, le Premier ministre en l’occurrence, attestaient que les dangers étaient en provenance de parties autres que celles désignées. La lettre du Président Bouteflika lue à cette occasion allait dans le même sens.

Les divergences profondes étaient nettes, palpables, accentuant les interrogations, surtout lorsque Abdel Aziz Ben Saoud a évoqué l’existence de plans stratégiques visant à faire face «aux défis sécuritaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient». L’annonce a fait l’effet d’une bombe. «Ce qui se passe n’est pas nouveau, soutiennent pourtant des sources bien au fait du dossier. Les Saoudiens ont toujours œuvré pour se faire valoir du leadership du monde arabe. Tous les pays ou presque se sont alignés, mais l’Algérie est restée en retrait.

Elle entretient des relations équidistantes qui lui permettent de préserver la bonne entente avec ces Etats même en temps de crise profonde. L’Arabie Saoudite, poursuit notre source, n’a en réalité jamais accepté cette position. Pas seulement par orgueil.

Les Saoudiens savent que l’organisation ou plutôt la coalition anti-terroriste qu’ils dirigent est qualifiée de coquille vide, de projet mort-né. Ils savent aussi que certains pays, comme l’Algérie (mais aussi l’Egypte) peuvent lui apporter une crédibilité et une expérience que d’autres n’ont pas.

Comment parler de lutte antiterroriste, en Afrique du Nord surtout lorsque les Algériens devenus experts en la matière n’y sont pas ?» Un diplomate arabe, consulté pour des besoins d’analyse, affirme à son tour «que nous assistons aujourd’hui à un forcing saoudien en vue d’impliquer les Algériens dans cette initiative.

Ce qui s’est passé durant la session des ministres arabes est éloquent en la matière. Les Saoudiens ont voulu mettre l’Algérie devant le fait accompli».

A. C.