Après trois jours d’intenses débats, de concertations, d’échanges fructueux, voire de propos contradictoires et heurtés, les travaux des premiers états généraux de la société civile, initiés par le Conseil national économique et social (CNES) se sont achevés jeudi par l’adoption d’un projet de charte de la société civile, par la promulgation d’une déclaration finale et par des recommandations émanant de ces assises inédites qui ont regroupé près de 1.100 participants représentant les grandes segmentations et sédimentations de la société civile dans toutes ses déclinaisons.
Fruit d’idées et de visions diverses, d’approches multisectorielles, la charte stipule dans ses grandes lignes une réaffirmation de l’adhésion de la société civile aux principes universels nés des traités et sources du droit international. Elle souligne l’importance de son rôle en tant qu’acteur de la démocratie participative et promoteur de dialogue social. Ce document, dans ses principes et objectifs essentiels, consacre l’impact de la société civile en tant qu’élément de premier plan dans la promotion de l’intérêt général, de la consolidation de la ci-toyenneté. La déclaration finale abonde dans le même sillage, insistant sur les vertus de la liberté de parole et d’opinion, d’espace d’écoute des attentes populaires. Elle met en exergue la qualité et la richesse des débats qui ont prévalu au sein des cinq ateliers, chargés d’approfondir la réflexion sur le nouveau régime de croissance, le système de protection sociale et de solidarité nationale, pour une gouvernance rénovée, la prise en charge de la problématique de la jeunesse et enfin le processus de consécration d’une société civile plurielle.
La lecture en plénière des rapports et des nombreuses recommandations issus des travaux des ateliers a permis de constater, à travers la densité des propositions formulées, une volonté d’élargir les expériences, le champ d’action et le renforcement de l’action de la société civile, dans un modèle de prégnance et d’ancrage au sein de la population, de constituer le cadre adéquat d’amélioration de son efficacité dans tous les domaines. L’énoncé des recommandations a permis également de saisir le poids d’une implication réelle pour conforter le progrès social. La société civile a pu dans ce vaste rassemblement, établir un consensus destiné à affirmer un attachement à la sauvegarde des intérêts supérieurs de la nation dans un contexte régional et international qui requiert une mobilisation effective de toutes les potentialités nationales, de traduire dans les faits, l’appartenance à une société civile sommée d’opérer une mutation qualitative.
Une force de proposition
Un point important est à souligner également, car il traduit une détermination à agir désormais conformément aux exigences d’une société civile consciente de ses missions, de son rôle éminent.
Le souci de constituer une force de propositions, d’action sur le terrain, sur la base d’une approche critique, d’une réévaluation des mé-thodes de travail, s’était clairement affiché du côté des participants, traduisant un fort sentiment de démarcation à l’égard des réflexes et attitudes négatifs qui ont altéré l’impact et son audience de la société civile algérienne. Les participants n’ont pas éludé l’autocritique salutaire pour repartir du bon pied et être aptes à agir et de conduire dans leur espace propre, des activités d’intérêt général, complémentaires à celles de l’Etat, pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Durant toute la durée de ces travaux, un point supplémentaire et essentiel a été soulevé à juste titre par les participants et qui consiste à veiller sur l’obligation de contrôler, de mettre en pratique les recommandations qui ont été dégagées. Cette préoccupation légitime et lancinante se justifie, et le président du CNES, M. Mohamed Seghir Babès, a apporté une assurance solide en se portant garant de la transmission des soucis de la société civile au Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika. Il s’est aussi engagé à traduire illico presto, ces préoccupations concernant le con-trôle et le suivi des recommandations en instaurant un cycle de concertations entre les autorités locales et les représentants de la société civile. Ce cycle s’étalera de juillet à novembre prochains. Les propositions issues de ces travaux seront portées par le CNES à l’Instance des consultations sur les réformes politiques à l’effet d’inscrire le principe de la société civile dans la Constitution.
Mohamed Bouraïb
Valoriser la notion de citoyenneté
Dans un de ses discours prononcés au lendemain de sa première investiture, le Président de la République affirmait déjà qu’il avait besoin plus d’un citoyen pour la réalisation de son programme que d’un parti. Une telle affirmation s’assimilait en fait à l’expression d’un désir ardent de valoriser une notion de citoyenneté, assurément la meilleure formule d’assurer l’équilibre d’une société et de lui garantir sa promotion et son épanouissement. Toute une culture en fait est à enraciner dans le domaine pour percevoir avec le temps cette valeur et approfondir graduellement son concept. Un long chemin a été depuis parcouru pour le développement de cette notion plus que jamais d’actualité à travers son prolongement et son évolution au titre de la conceptualisation du mouvement associatif. Un mouvement associatif pesant désormais pour influer sur le cours des événements.
C’est d’ailleurs pour l’ensemble de ces raisons que la tenue actuellement des premiers états généraux de la société civile revêt une importance capitale dans la mesure où elle permet de prendre les pulsations d’une Algérie en mutation et de saisir ses véritables préoccupations et besoins, de mesurer le progrès d’émancipation accompli et de situer le degré de maturité et de conscience atteint. On peut évidemment épiloguer longtemps sur les aspects de représentativité et de crédibilité de ce mouvement en gestation mais on ne doit remettre en cause ce coup d’envoi donné pour faire valoir les authentiques attentes du citoyen et ses aspirations totalement opposées parfois aux revendications formulées par une classe politique. Ce n’est nullement fortuit que les réformes politiques soumises à débat par le premier magistrat du pays ont insisté sur la participation de cette société civile dans l’enrichissement de la plate-forme à élaborer avant son adoption. Une société civile en prise avec la réalité du terrain pour mieux décrire le paysage et apporter les propositions de son égayement et le perfectionnement de son fonctionnement. Trois jours durant, l’espace offert à ces associations et représentations pratiquement de tous les secteurs d’activité constituera une référence pour l’architecture des réformes à engager de par la force des suggestions formulées.
Une force reposant sur le pragmatisme et la réalité du quotidien. Une force enfin qui obéit exclusivement aux sensations citoyennes pour exclure d’autres motivations et considérations partisanes. Au-delà de la portée des recommandations et résolutions qui seront issues de cette rencontre, première du genre, les bases d’un débat participatif sont jetées pour capitaliser une expérience démocratique passée à la vitesse supérieure après un temps consacré au rétablissement de la paix, à la restauration d’une stabilité et à la relance d’une économie nationale. En clair, une option pour la modernisation d’un système de fonction au sens le plus large du terme est prise pour guider le commun des gestionnaires, des acteurs politiques, des partenaires sociaux et des représentants surtout de la sociéte civile dans leur action et leur comportement. Un autre acquis pour l’Algérie des valeurs.
A. BELLAHA
Ils ont dit…
Mustapha Mekideche, vice-président du CNES : « Libérer la parole et favoriser un espace d’écoute »
Les premiers états généraux de la société civile ont d’abord sacrifié à l’exigence, comme il a été décidé par notre instance, de libérer la parole, de constituer un espace privilégié d’écoute et d’échanges entre les représentants de la société civile, y compris à l’adresse de ceux qui n’ont pas pris part à ces assises. Ce résultat a été atteint. Le second acquis à mentionner, à l’issue de ces travaux, réside dans le fait que les grandes problématiques liées aux questions économiques, sociales, de gouvernance, à la jeunesse, au système de solidarité, pour ne citer que ces exemples, ont permis de donner libre cours aux débats contradictoires mais utiles, révélant des convergences qui sont consignées dans le libellé des recommandations émanant de cette société civile dans le cadre des cinq ateliers qui ont été installés pour recueillir toutes les propositions, les avis et suggestions des participants. L’enjeu qui s’impose de lui-même, est de ne pas s’arrêter à ce stade positif mais de consolider les acquis enregistrés, durant les prochaines étapes qui me paraissent déterminantes pour ce qui concerne la société civile.
Malek Serrai, expert international « Agir avec célérité pour éliminer les méfaits de la bureaucratie »
Les premières assises de la société civile sont importantes à bien des égards. Tout d’abord, on a pu constater la richesse des interventions des participants qui se sont exprimés avec franchise et parfois avec éclat. Il faut reconnaître que la société civile n’avait pas souvent l’occasion de s’exprimer dans un contexte aussi rassembleur et massif tel que nous l’observons dans le cadre de ces états généraux. Les spécialistes n’ont fait qu’aider et accompagner toutes les revendications qui ont été exposées dans cette rencontre. Le contexte dans lequel évolue la société algérienne a aiguisé très certainement, l’attitude des Algériens à se mobiliser pour préserver la stabilité du pays, sa paix sociale. L’Algérie n’est pas seule et elle recèle des potentialités indéniables de mobilisation. Notre pays reste cependant embourbé dans une bureaucratie lourde qui a semé le doute entre les gouvernés et l’Etat, la société civile productive. Par conséquent, il est nécessaire de s’atteler à éliminer les facteurs qui alimentent cette méfiance qui se déclare notamment au sein des acteurs de la sphère économique. Il y a donc un climat de confiance à restaurer, un sentiment de respect mutuel à renforcer pour l’émergence d’une Algérie nouvelle. De ce point de vue, il est impératif d’assouplir les rouages de la bureaucratie et de l’expurger de ses excroissances nocives.
Propos recueillis par M. Bouraib
Elles auront lieu de juillet à novembre : Des concertations entre la société civile et les autorités locales
Des concertations entre les représentants de la société civile et les autorités locales auront lieu de juillet à novembre prochains pour assurer le suivi des conclusions des états généraux de la société civile algérienne, a annoncé jeudi à Alger, le président du Conseil national économique et social (CNES), M. Mohamed Seghir Babès. « Des rencontres de concertation régionales auront lieu durant cette période (juillet-novembre) entre les représentants de la société civile et les autorités locales dans le cadre du suivi des états généraux de la société civile algérienne pour la consécration de la démocratie participative », a dit M. Babès dans une allocution de clôture des états généraux de la société civile. Le CNES assumera le rôle « d’animateur » dans ces concertations et œuvrera à définir, pour ce faire, les méthodes de travail et les outils nécessaires pour atteindre ces objectifs, a-t-il précisé. «Le citoyen doit être le premier bénéficiaire de ce dialogue et aura son mot à dire, en le plaçant au cœur des préoccupations et comme un partenaire dans les efforts de développement économique et social », a ajouté le président du CNES. A cet égard, M. Babès a indiqué que les propositions issues des états généraux « seront présentées par le CNES à l’Instance de consultations sur les réformes politiques afin d’inscrire le principe de la société civile dans la Constitution».