Après les années noires, le temps des défis
Dans un passé récent, le fait d’évoquer le nom de la Clinique de gynéco-obstétrique «Sbihi Tassadit», donnait des frissons aux femmes. Une clinique qui a fait l’objet de nombreuses critiques mais aussi de nombreux scandales.
Ouverte dans les années 80, cette clinique qui dépendait de la Casoral (aujourd’hui CNAS) était considérée comme un joyau à l’époque tant elle était gérée de manière rigoureuse et où les femmes qui y séjournaient étaient aux petits soins. Sous l’impulsion de son directeur, Ahmed Mekacher, cette clinique offrait pour les pensionnaires toutes les commodités: chambres climatisées dotées de salles de toilettes et à l’hygiène rigoureuse.
Il était aussi interdit aux familles et proches des patientes de faire introduire à l’intérieur des produits alimentaires au même titre d’ailleurs que les effets de literie.
Et puis, vint la première réforme hospitalière à la fin des années 80 qui avaient confié la structure au secteur sanitaire. «Une grossière erreur venait d’être commise», disait-on à l’époque. Car ce fut ensuite la descente aux enfers pour cette clinique où le laisser-aller, l’absence d’hygiène, le manque de médecins spécialisés en gynéco-obstétrique était le lot quotidien des pensionnaires.
Des insuffisances qui avaient poussé les responsables de cette clinique à signer des conventions avec des médecins privés. On disait aussi au cours de cette période que certains de ces privés profitaient aussi de cette relation qu’ils avaient avec la structure sanitaire pour effectuer des interventions (curetage et autres interventions bénignes) au niveau de la clinique tout en se faisant payer dans leur cabinet pour l’acte en question. D’autres, à un moment donné faisaient les rabatteurs pour les cliniques privées en mettant en avant l’absence de commodités.
A cela s’ajoute la pression exercée sur cette clinique qui devenait, par la force des choses, régionale avec l’afflux de malades qui venaient non seulement de toutes les contrées de la wilaya de Tizi-Ouzou mais aussi des wilayas limitrophes comme Bejaia, Bouira, Boumerdès et même d’Alger-est.
Si bien que les capacités d’accueil (qui avoisinaient les 80 lits), étaient dépassées. Faute de lits, on mettait des matelas à même le sol pour répondre à la forte demande.
Ce qui n’a pas manqué d’engendrer un problème d’hygiène pour les patientes qui étaient placées dans des conditions parfois inhumaines malgré les efforts des personnels en place.
Il faut dire que les personnels médical, paramédical et d’hygiène méritaient bien des égards pour avoir fait face à toutes ces conditions pénibles. accentues il est vrai par cette décision d’intégrer ou pas cette clinique dans le giron du CHU de Tizi-Ouzou. Une question qui avait aussi soulevé des vagues pour le personnel qui a été contraint d’ user de la grève pour se faire entendre.
Devant une telle situation, les autorités sanitaires wilayales et nationales ont été forcées d’accorder plus d’intérêt à cette clinique. Un intérêt qui devait passer par sa rénovation par l’octroi d’une enveloppe conséquente. Erigée en Etablissement Hospitalier Spécialisé (EHS) dans l’obstétrique et la gynécologie, la structure se devait de répondre à ce nouveau statut. Ainsi, pour les besoins des travaux de rénovation une enveloppe de 3 milliards de centimes a été débloquée sur le budget de fonctionnement de la structure qui, depuis, a fait peau neuve.
Outre ces travaux de rénovation la clinique jouissait d’une stabilité au niveau de son équipe dirigeante.
La clinique s’est dotée ensuite en moyens matériels et humains avec des personnels spécialisés : médecins et paramédicaux. La première opération engagée a été dans un premier temps de délocaliser le bloc opératoire vers l’unité du CHU Nedir Mohamed sise à Belloua pendant près de trois mois tout en maintenant le fonctionnement des autres services. Une fois le bloc opératoire restauré il a été rouvert et avec l’amélioration des autres services, la clinique était devenue de ce fait opérationnelle et surtout indépendante à 100%.
«Cette mise en conformité de notre structure a permis d’améliorer la qualité de nos activités sanitaires» a souligné Mme Terki, directrice de la clinique. Mieux, la clinique s’est dotée de deux nouveaux services de pédiatrie et de néonatologie.
9000 ACCOUCHEMENTS EN 2009
Une nouvelle approche de gestion, un nouveau cadre de séjour pour les malades ont fait que les patientes ne sont plus récalcitrantes à l’idée de venir accoucher ou se faire soigner au niveau de la clinique Sbihi tant les images rebutantes du passé ne sont plus qu’un vulgaire cauchemar. D’ailleurs, comme le soulignera Mme Terki, les chiffres parlent d’eux-mêmes avec cette hausse, d’année en année, de la fréquentation de cette clinique. A titre d’illustration, on est passé de 3441 accouchements en 2001 à 6000 en 2007 et à 7059 en 2008 avant d’atteindre les 8500 accouchements en novembre de cette année 2009 où il est attendu que l’on dépasse les 9000 accouchements prévisionnels avant la fin de l’année en cours.
Malgré les efforts consentis, la direction reconnaît que des insuffisances persistent toujours et que des lacunes restent encore à combler. En effet, actuellement la structure tourne à 140% de ses capacités qui sont de 92 lits. Une sur utilisation qui fait que, parfois, il est fait état d’un certain manque dans la prestation de services. Cette clinique draine les malades des autres régions soit plus de 15% dont la majorité vient de la wilaya de Boumerdès qui dispose pourtant de structures adéquates au même titre d’ailleurs que la quarantaine de maternités rurales et urbaines éparpillées à travers la wilaya de Tizi-Ouzou.
D’ailleurs, le chef de service de la maternité de cette structure, le Dr Yerfa a émis le vœu de voir les autres structures prendre en charge les accouchements dits faciles pour ne transférer que ceux à risque nécessitant parfois des interventions chirurgicales.
Il ne manquer pas de préciser aussi à ce sujet et contrairement aux idées reçues que « sur une période de trois ans il a été enregistré uniquement 2.000 accouchements par césarienne ce qui est en dessous de la moyenne nationale, surtout lorsque l’on sait que sur les 17.000 accouchements annuellement au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou plus de la moitié est à l’actif de la clinique Sbihi.
Aussi avec une moyenne de 25 à 30 accouchements en 24 heures, les équipes médicales et paramédicales achèvent souvent leur garde sur les rotules d’autant que parfois il faudrait faire face à des grossesses à hauts risques, à celles de jumeaux ou de triplés à l’image de ces deux femmes qui viennent de mettre au monde un triplé chacune alors que depuis le début de l’année en cours à ce jour, elles sont 170 à avoir mis au monde des jumeaux.
Outre la surutilisation des structures d’accueil et la surcharge de travail, ces milliers d’accouchements grèvent énormément le budget de fonctionnement de la clinique lorsque l’on sait que le coût d’un accouchement oscille entre 3000 et 3500 DA sans compter les autres services comme la gynécologie et l’obstétrique qui prennent aussi en charge près de 5000 patientes.
Les responsables de cette clinique aimeraient voir la structure agrandie pour faire face au rush constant de malades. Dans ce contexte, la directrice a fait savoir qu’une demande a été faite pour que l’une des deux assiettes attenantes à la clinique soit inscrite dans la propriété de cette dernière pour la réalisation de nouveaux espaces d’accueil en vue non seulement d’atténuer la surcharge mais aussi de créer d’autres services comme ceux de la pédiatrie et de la chirurgie pédiatrique.
Reportage réalisé par Rachid Hammoutène.