L’ex-entraîneur des Lions indomptables en 1998 estime que l’Algérie a une très bonne équipe. Hier, lors d’un entretien téléphonique avec lui (il se trouvait à Oman), Claude Leroy nous a parlé du parcours des Verts, du renforcement de l’équipe et des chances de l’Algérie au Mondial.
En tant que spécialiste du football africain, qu’avez-vous à dire sur le parcours de l’équipe d’Algérie depuis 1990 ?
Depuis qu’elle a été sacrée championne d’Afrique chez elle, l’Algérie a connu beaucoup de problèmes. Son football a touché le fond et je trouve, vu le contexte dans lequel la sélection algérienne a évolué avec ces années difficiles que tout le pays a traversées, qu’il lui était très difficile de se distinguer de nouveau.
Elle a fait ce qu’elle pouvait faire.
Par la suite, la situation s’est améliorée et le football en Algérie a commencé à renaître de ses cendres, et ce n’est que logiquement, à la fin 2009, que l’Algérie arriva à arracher une 3e présence dans un Mondial de son histoire. Le parcours réalisé était plus qu’honorable. Ce n’était pas évident au départ d’évincer le double champion d’Afrique de son chemin.
Je ne vous cache pas que je suis très content du retour de cette grande nation du football sur la scène internationale.
Vous avez déclaré avant la CAN que l’Algérie ira loin dans cette compétition et vous avez eu raison puisque l’EN a atteint les demi-finales…
Oui, je l’ai dit et je n’ai pas eu tort. Avant la CAN, j’ai vu quelques matches des éliminatoires et j’ai constaté que cette équipe a du caractère, elle est vraiment solide. Sa principale arme est cet esprit de groupe qui l’anime. Solidaires à souhait, les joueurs sont allés gagner des batailles et ce n’était pas gagné d’avance. Je pense particulièrement à cette victoire ramenée de la Zambie et aussi à cet esprit de guerriers affiché aussi bien au Caire qu’au Soudan contre l’Egypte déjà très bien rodée pour de tels événements.
Si on vous demande de nous faire une analyse sur le parcours des Verts durant la dernière CAN en Angola, quelle sera-t-elle ?
Après un début catastrophique contre le Malawi, l’équipe a pu se ressaisir par la suite en battant de belle manière le Mali et je dirai même qu’elle avait la possibilité de gagner contre l’Angola.
Pensez-vous que la victoire face à la Côte d’Ivoire était juste une surprise ?
C’est une surprise justifiée. Quand une équipe revient dans les dernières secondes du match, ça veut dire que cette équipe a du caractère. L’équipe a montré qu’elle est d’un niveau mondial. Il faut ajouter le travail remarquable des deux attaquants.
Vous parlez de Matmour et de Ghezzal ?
Ces deux joueurs savent jouer avec et sans le ballon. Ils ont beaucoup pesé sur les défenses adverses. J’ajoute aussi que sur le plan collectif, ils étaient présents aussi. Ce match est le vrai visage de l’équipe d’Algérie.
Si on vous demande de nous parler des points forts et faibles de cette équipe…
Je suis mal placé pour répondre à votre réponse. Il y a un grand entraîneur, Rabah Saâdane, qui peut vous donner une réponse. Je sais que certains entraîneurs parlent à la place d’un sélectionneur, mais je ne suis comme eux. Je peux dire ce que j’ai constaté en tant consultant, pas en tant qu’entraîneur.
Vous qui avez vu pratiquement tous les matches de l’EN, vous avez sûrement constaté des lacunes…
Oui, là je peux vous répondre, il reste quelques retouches sur le plan défensif et je sais que Rabah Sâadane a dû les relever avec le staff étoffé qu’il a, je suis persuadé qu’ils vont régler ces lacunes d’ici la Coupe du monde.
Justement, après la CAN, Saâdane a écarté plus de six joueurs qui ont participé à la CAN…
Je pense que Saâdane connaît dix fois mieux que moi l’équipe d’Algérie. S’il a décidé de renforcer son équipe par d’autres éléments, c’est qu’il sait ce qu’il fait, peut-être qu’ils peuvent apporter le plus escompté.
En parlant du renforcement de l’équipe, Rabah Saâdane a fait une tournée européenne ces derniers jours pour superviser des joueurs. Pensez-vous que c’est une bonne idée ?
C’est toujours bien de voir des joueurs, mais je suis contre qu’on ramène que des professionnels. Ça ne veut pas dire qu’un joueur qui joue en Europe est mieux que celui qui joue dans le championnat du pays. En 1998, j’ai pris trois jeunes joueurs qui jouaient au Cameroun, à savoir Eto’o, Olymbe et Wome. Ils n’avaient que 19 ans, ça leur a permis de gravir des échelons. Il faut savoir aussi une chose.
Laquelle ?
Il faut faire attention à l’ambiance du groupe. Il faudrait garder le même état d’esprit qu’a connu l’équipe avant et pendant la CAN.
On dit que le championnat national est faible, ce qui oblige le coach à voir en Europe…
L’Algérie est une terre de football, il y a sûrement des jeunes qui ont du talent. Il faut leur donner une chance de connaître le haut niveau.
Mais Saâdane a appelé des jeunes de 20 ans qui jouent en France…
Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai toujours été contre d’amener en Coupe du monde que des pros. Je suis pour ramener au moins trois locaux pour le Mondial.
Connaissez-vous Boudebouz, Kadir, Brahim et Belaïd ?
Celui qui joue à Sochaux, il est très bon. C’est un joueur qui a de grandes qualités. Celui-là aura sûrement une grande carrière devant lui. Les autres, je connais moins, mais comme je vous l’ai dit, Sâadane est le mieux placé pour connaître les besoins de l’équipe.
D’un autre côté, certains joueurs de l’EN souffrent de blessures et d’autres ne jouent pas…
Tout d’abord, il faut connaître la nature des blessures. Si c’est un claquage, une contracture, ça se guérit vite. Il faut savoir aussi que ce genre de blessure économise les efforts du joueur, mais si ce sont de graves blessures qui durent plusieurs semaines, les chances de disputer le Mondial sont compromises.
Deux éléments clé de l’Algérie sont inactifs, Meghni qui est blessé et Ziani qui ne joue pas, pensez-vous qu’ils peuvent rattraper le retard (physique) d’ici le Mondial ?
Quelle est la nature de la blessure du joueur ? Si ce n’est pas grave, il peut jouer le Mondial. Je dirai que c’est plus un break pour ces joueurs. Un Mondial est différent d’un parcours d’un club. Il faut seulement six semaines de préparations pour que le joueur dispute un Mondial.
Donc pour vous, il ne faut pas paniquer ?
Absolument, le Cameroun de 1990 avait des joueurs qui ne jouaient pas dans leurs clubs comme Omam Biyik qui était tout le temps sur le banc, mais il a marqué contre l’Argentine en 1990, et Roger Milla qui a joué à La Réunion. Donc, le plus important, c’est que les joueurs soient prêts à six semaines du Mondial.
C’est ce que nous a déclaré l’ex-préparateur physique de la Juve, Claudio Gaudino, qu’un joueur doit jouer au moins cinq à six matches avant le Mondial…
Tout à fait, six semaines ou cinq à six matches, c’est pareil.
Comment voyez-vous la Coupe du monde pour l’Algérie qui affrontera la Slovénie, l’Angleterre et les USA ?
Je pense que l’Algérie a les moyens pour passer au deuxième tour, car c’est un groupe qui est prenable mis à part les Anglais qui sont favoris pour gagner la Coupe du monde. Je dirai que l’Algérie a les moyens pour se classer deuxième dans ce groupe même s’il faut faire attention aux Américains.
L’Algérie peut-elle créer la surprise face aux Anglais ?
Comme je l’ai dit avant la CAN, je dirai aussi avant cette Coupe du monde que l’Algérie sera la surprise de cette Coupe du monde.
Quel est le mot de la fin de M. Claude Leroy ?
Je souhaite une bonne participation du football algérien lors de ce Mondial africain. Je salue aussi mes amis algériens à travers votre journal.
M. Z.