Dans notre université, ce sont les méthodes et les moyens archaïques qui sévissent toujours
Lorsqu’un miroir vous est tendu pour y voir votre visage n’essayez pas de faire croire que les verrues sont dans le miroir.
Ailleurs, lorsque les universités se portent mal ou sont mal classées, les ministres retroussent les manches, donnent un coup de pied dans la fourmilière et tentent de redresser les choses. Et lorsqu’ils n’y arrivent pas, alors ils s’en vont tout simplement en reconnaissant leur échec et en avouant leur incapacité à diriger le secteur.
Chez nous, cela fait trois ou quatre ans à la suite que le ministre de l’Enseignement supérieur, en voyant que notre université est à la traîne dans tous les classements, nous sort les mêmes arguments: ce classement ne signifie rien, il n’est pas crédible, notre université est meilleure que ce que ce classement veut faire croire, nous avons construit des universités, nous avons augmenté le nombre de places pédagogiques, nous… et nous… et nous…
Soit notre ministre de l’Enseignement supérieur ne comprend rien à ce qui se passe dans le monde de l’enseignement supérieur, soit il n’est intéressé que par le poste, soit les deux à la fois!
Dans ces mêmes colonnes, nous avons attiré l’attention à maintes reprises sur la dégradation de l’Université algérienne. Toute la presse d’ailleurs l’a fait et tous nos confrères l’ont mentionné. Une dégradation que seuls les aveugles et les irresponsables ne peuvent percevoir. De la chute incroyable du niveau des étudiants durant l’ère de l’actuel ministre, à la fuite des enseignants, à l’introduction insensée du LMD, à la généralisation de la médiocrité et même sur le registre qu’il plait tant à notre ministre de défendre, celui des équipements, il faut aller voir comment sont équipés les universités et les laboratoires avant d’avancer n’importe quoi.
Quand apprendra-t-on enfin à reconnaître que cela ne va pas lorsque cela ne va pas? Il y a quelques jours, le ministre de la Santé a bien reconnu, de son côté, que dans son secteur, rien ne va. Pourquoi celui de l’Enseignement supérieur continue-t-il à enfouir la tête dans le marécage de l’irresponsabilité? Il ne suffit pas de dire que l’Université algérienne se porte bien pour qu’elle aille mieux. C’est là une bien étrange manière de gérer que de nier la réalité. Notre université est à terre! Il est temps que ceux qui ont échoué et qui, dans leur échec, ont traîné l’université si bas, s’en aillent. Oui, il faut que les fossoyeurs de l’université jettent les pioches et s’en aillent, qu’on en finisse enfin avec cette gestion ridicule qui consiste à réciter le nombre de structures construites depuis 1999 et de les comparer avec la période d’avant. C’est quoi comme comparaison d’abord? Tout le monde sait que nous avions une bien merveilleuse université, sur tous les plans avant que ne commence le travail de sape qu’on connaît.
S’il y a de nouvelles constructions, c’est grâce au pétrole que nos dirigeants utilisent pour cacher leur incompétence. Louange à Dieu pour ce pétrole, mais qu’ont donc fait les hommes à la tête de leurs secteurs?, Pour revenir à l’enseignement supérieur, il est difficile de trouver une seule chose positive à inscrire à l’actif des actuels responsables du secteur.
Une université doit agir et se faire une place à trois niveaux: l’enseignement, la recherche et les services rendus à la société. Qu’en est-il de l’Université algérienne sur ces trois plans?
Où en est l’enseignement?
Pour l’enseignement, dans notre université, ce sont les méthodes et les moyens archaïques qui sévissent toujours. Et si nous continuons avec les mêmes hommes, nous n’avons aucune chance de changer quoi que ce soit car si, au bout de onze longues années d’affilée dont a bénéficié l’actuel ministre, rien de bon n’a été fait, ce n’est pas demain que les choses s’amélioreraient.
Ailleurs, les méthodes d’enseignement sont en train d’évoluer à grande vitesse. A côté du cours magistral dont le champ se rétrécit chaque jour, il y a une tendance de généralisation des cours participatifs, ces cours dont la philosophie est tirée de l’apprentissage basés sur l’étudiant. La mondialisation et le besoin de faciliter la mobilisation des cadres et des chercheurs ont poussé les responsables des secteurs de l’enseignement supérieur, à travers le monde, à revoir leurs méthodes d’enseignement et le contenu des formations qu’ils dispensent. Chez nous on colle encore et toujours aux mêmes chiffres: les universités construites, les places pédagogiques, le nombre de diplômés (en oubliant de nous dire combien parmi eux ne trouveront pas d’emploi), le nombre de cités universitaires… Non, ce n’est pas le nombre d’universités qui fait la qualité de l’étudiant, et ce n’est pas le nombre de cités universitaires qui donne plus de chance aux diplômés de trouver du travail ici ou ailleurs. C’est la qualité de l’enseignement, c’est-à-dire exactement ce qui est oublié par les responsables actuels du secteur.
Tout le monde en Algérie sait le niveau de nos étudiants actuels. Tout le monde sait que la plupart des licenciés que nous donne l’université d’aujourd’hui ne savent même pas écrire une demande d’emploi. Est-ce là le sujet de fierté des responsables du secteur? Est-ce là la preuve que les classements mondiaux des universités ne sont pas sérieux comme le prétendent ceux qui n’ont rien trouvé d’autre à dire?
Que le ministre fasse donc un tour dans les laboratoires, à l’improviste bien sûr, c’est-à-dire sans avertir six mois à l’avance de ce tour, pour voir le nombre d’étudiants par microscope et le nombre d’étudiants par groupe. Pour voir que les laboratoires ne disposent même pas parfois de lamelles, que dans certains il n’y a pas d’eau, que d’autres, il n’y a pas de produits… De quel enseignement peut-on parler dans ces conditions?
Que le ministre aille, à l’improviste dans les bibliothèques pour voir à quelle heure cela ouvre et à quelle heure cela ferme et pour voir ce qu’elles offrent comme conditions de travail! Que le ministre aille dans les classes et les amphis, toujours à l’improviste pour empêcher les falsificateurs de biaiser la visite par les arrangements éhontés, et il verra que, jusqu’à aujourd’hui, les gens enseignent avec la craie, la brosse et le tableau alors que les autres pays ont dépassé cela. A croire que nous sommes à l’âge de pierre! En quoi a donc évolué notre université depuis la venue des responsables actuels du secteur? Dans chaque université, posez la question monsieur le ministre et l’on vous racontera l’histoire de thèses copiées, volées sur Internet et qui, par un miracle ou un autre, passent avec beaucoup de mentions et d’égards! Est-ce cela la fierté de l’université et est-ce là la preuve que les classements mondiaux sont injustes envers notre université?
Où en est la recherche?
A côté de l’enseignement qui ne fait pas honneur, la recherche patine. Elle n’est pas mieux lotie. Quelles sont donc nos publications internationales? Et quelles sont nos publications dans les revues classées mondialement? C’est malheureux à dire mais nos voisins marocains et tunisiens publient beaucoup plus et beaucoup mieux que nous dans ces revues. La faute? Il y en a beaucoup, à commencer par les stages de courte durée qui sont devenus une sorte de prime de silence. Peu d’enseignants utilisent ces stages convenablement, ces stages qui, au départ étaient destinés à la recherche et qui non seulement n’ont rien donné sur ce plan mais qui, maintenant, servent plutôt comme simple prime de sortie du territoire du moment qu’il n’existe pas un contrôle rigoureux qui oblige les enseignants bénéficiaires de ces stages à avancer réellement dans leurs travaux ou à publier dans des revues de rang international. Le ministère a-t-il jamais tenu la comptabilité de ces stages? A-t-il jamais érigé une liste des bénéficiaires pour constater qu’il y a énormément d’anomalies sur ce chapitre? Il n’est jamais trop tard!
Nos universités disposent toutes ou presque de revues scientifiques. Est-ce que le ministre a eu l’idée, ne serait-ce qu’une fois, d’évaluer ces revues? De voir comment s’y effectue la publication et qui y publie? Tout le monde sait que beaucoup de ces revues n’ont été créées que pour allonger les CV des uns et des autres. Erigées sur la base du «publie-moi, je te publierai», tout le monde sait comment y a lieu la publication. Tout est vérifiable, il suffit de tracer et faire évaluer les papiers qui y sont publiés pour se rendre à l’évidence.
Les chercheurs algériens qui cherchent des revues sérieuses n’en trouvent pas dans le pays sauf quelques-unes. Et encore! Car il faut surtout chercher hors université!
Où en est le LMD?
L’introduction du LMD est une catastrophe à tous les égards. La réduction du temps d’apprentissage, la dilution des méthodes, la dégradation de la connaissance, le mensonge, l’inadéquation entre l’objectif et les moyens et l’on en passe… à quoi a donc servi le LMD? A réduire le temps de passage des étudiants à l’université? A permettre l’absorption d’un plus grand nombre de bacheliers?
Il est des questions que les responsables à venir du secteur se doivent de se poser. A propos de tout dans l’université. Si l’Europe a opté pour le LMD, ce n’est pas une raison suffisante pour que nous l’adoptions car, non seulement dans notre université, nous ne savons pas imaginer des solutions à nos problèmes, mais nous ne savons même pas imiter les autres. Où est la passerelle entre le système classique et le système LMD? Combien sont-ils à avoir été obligés de s’arrêter au niveau de la licence à cause du manque de cette passerelle? Et quel est l’avenir des titulaires de la licence de trois ans, LMD? Seront-ils classés comme ceux qui se sont tapés quatre années ou bien leur licence sera-t-elle dévaluée? Il en est de même des docteurs issus du système LMD, seront-ils des trois quarts de docteurs ou des deux-tiers d’enseignants ou bien leur reconnaîtra-t-on, comme les autres leur diplôme? Drôle de situation que celle créée par les responsables actuels du secteur qui, en plus, refusent de reconnaître que l’Université est, de par leur faute, à terre!
Service à la communauté
Une université qui se respecte constitue un phare pour la société dans laquelle elle se trouve. Elle y sème et préserve les valeurs, elle y diffuse la connaissance, y insuffle l’esprit d’initiative, y apporte la science et la technologie, résout ses problèmes et lui apporte les réponses adéquates aux questions importantes. Où en est notre université de tout cela? Nous laissons le soin aux responsables de l’enseignement supérieur d’y réfléchir, seuls face à leur conscience…
Une évaluation externe doit toujours être prise au sérieux. Comme ce classement des universités qui doit donner à réfléchir au lieu de donner lieu à des réactions issues d’un mauvais instinct de conservation… du poste. Il est sans doute facile de jouer à la démagogie plutôt que d’essayer de travailler et il est encore plus compliqué de reconnaître son incompétence, mais lorsque, de par cette incompétence c’est le pays et ce sont les générations à venir qui paient, alors mieux vaut partir. Oui, cela suffit, Partez, monsieur! Partez, monsieur le ministre!