Circoncision : Quand la fête tourne au drame

Circoncision : Quand la fête tourne au drame

Constat n La fête de circoncision des enfants peut dans certains cas tourner au drame. On cite le cas des hémophiles et des nourrissons. L’Association nationale des hémophiles recommande de fixer l’âge minimum pour la circoncision à 2 ou 3 ans. Sa présidente, Latifa Lemhene, a, en effet, insisté hier, lors d’une conférence tenue au centre de presse d’El Moudjahid, sur l’importance de cette limitation, sauf quand il s’agit d’une complication médicale selon elle.

La circoncision, à un âge précoce peut être à l’origine de complications graves pouvant entraîner des hémorragies, voire la mort. Dr Meriem Bensadok du ser-vice d’hématologie de Beni Messous dénonce cette réalité devenue une mode au sein des familles algériennes : des enfants âgés de quelques jours sont circoncis sans bilan préopératoire. «La circoncision est un acte chirurgical. Il exige la mobilisation de toute une équipe pluridisciplinaire et spécialisée avec une observation de 6 à 8h, voire une hospitalisation pouvant aller jusqu’ à une semaine», a-t-elle rappelé. En parallèle, un autre problème persiste.

Il s’agit du refus catégorique de certains médecins et anesthésistes de circoncire des enfants hémophiles. De nombreux cas sont devenus adultes sans avoir été circoncis, selon la présidente de l’Association, Latifa Lemhene, et ce, faute de médicaments, ou à cause du refus catégorique du chirurgien ou de l’anesthésiste, ou du manque de formation, comme c’est le cas, selon elle, pour la quinzaine de malades de Tiaret âgés entre 2 et 21 ans. «Ce n’est pas normal ! ils poussent les familles à trouver d’autres moyens pour le faire quitte à s’adresser chez le barbier du coin», s’est-elle indignée. Et d’enchaîner : «Chaque année, on enregistre des cas comme à Djelfa, Oum El Bouaghi, Laghouat et Biskra. On doit à chaque fois interpeller le ministère de la Santé pour intervenir auprès des directions de la santé.

Le médecin n’a pas le droit de refuser la circoncision d’un hémophile car cela affecte non seulement l’enfant, mais également toute la famille qui va chercher tous les moyens pour le faire ailleurs ». Les qualifiant de «massacres», la même intervenante a appelé, d’autre part, à l’arrêt des circoncisions collectives, sauf si elles sont bien encadrées (bilans, plateaux techniques..) par des textes de loi. D’après elle, cet acte ne devrait plus être réalisé par un médecin généraliste privé ou un simple infirmier qui ne demandent pas systématiquement un bilan préopératoire. Sans parler des familles qui recourent aux personnes n’ayant aucune relation avec la médecine et circoncisent avec les moyens traditionnels. Dans ce sillage, Dr Karima Chenoukh, biologiste responsable du diagnostic des maladies hémorragiques au sein de l’hôpital de Beni Messous (Alger), a insisté sur le bilan préopératoire non coûteux et rapide, «il permet de diagnostiquer toute éventuelle maladie, dont l’hémophilie, dans n’importe quel endroit ou une autre anomalie de la coagulation.

Il devrait être obligatoire pour éviter un drame», a-t-elle expliqué. Les hémophiles seraient au nombre de 3000, répartis sur les 4 coins du pays. Actuellement, seulement 2435 hémophiles sont déclarés. D’où l’importance de la relance du registre de l’hémophilie . Souad Labri L’association revendique le respect de l’arrêté ministériel 005/2006, qui stipule que l’acte de circoncision doit se faire par un chirurgien dans un bloc opératoire, «mais il n’est pas appliqué.

Qui va interdire au médecin généraliste privé de procéder à l’acte ?», s’interroge la présidente de l’Association. Une instruction ministérielle de 2014 impose la prise en charge de tous les actes chirurgicaux, même minimes, dont la circoncision et l’extraction dentaire pour les hémophiles «mais son application reste très timide», a-t-elle dénoncé, citant l’exemple de Oum El Bouaghi, où la circoncision, selon elle, aurait été décidée à partir de l’âge de 10 ans pour les hémophiles. «Il faut savoir que plus l’enfant grandit plus il consomme de médicaments. C’est du gaspillage», estime-t-elle. S. L.