Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem et Abou Djara Soltani partagent visiblement la même infortune politique. Après avoir été des têtes d’affiches de la scène politique pendant de longues années, dans le cadre de la coalition présidentielle, les voici aujourd’hui presque relégués aux oubliettes. Ouyahia, comme Belkhadem sont déjà déboulonnés. Reste Abou Djara qui attend le prochain congrès du MSP pour passer la main.
Le départ de ces trois hommes politiques constitue néanmoins un fait majeur dans le jeu politique algérien. Mais il a surtout donné lieu dans la presse à une profusion de commentaires. Et c’est autour de cinq universitaires, qui participent régulièrement au débat politique de tenter de décrypter les ressorts de ce « passage à la trappe » dans une réaction à l’APS.
Les quatre convergent à dire que ce départ groupé, des trois leaders autrefois liés par un ménage à trois dans le cadre de la coalition présidentielle, est intimement liés à la prochaine élection présidentielle « La crise au sein des partis de l’ex-Alliance et l’éviction de leurs dirigeants est intimement liée à l’élection présidentielle de 2014, avec l’intention d’élaborer une nouvelle carte politique en relation avec cette échéance électorale », juge le sociologue Nasser Djabi.
Pour lui, « les dirigeants des partis de l’ex-Alliance n’ont aucune chance pour la prochaine élection présidentielle » a-t-il soutenu, se demandant toutefois si l’abandon de la scène politique était « définitif ou provisoire dans la perspective de mieux la réinvestir ». M. Djabi voit néanmoins dans cette situation “un aspect positif” car permettant un exercice “qu’on peut qualifier de démocratique” au sein des structures de ces formations politiques d’autant, a-t-il dit, que le parti de Soltani a essuyé un revers lors des élections précédentes, qu’Ouyahia est resté plus proche de l’administration que du parti quant à Belkhadem il était tout simplement indésirable.
M. Ahmed Adhimi abonde exactement dans le même sens en affirmant que l’éviction des dirigeants des partis de l’ex-Alliance présidentielle est due à un besoin d’alternance à l’approche de l’élection présidentielle. La véritable action politique au sein des partis qu’ils soient “grands” ou “petits” est “totalement inexistante”, a estimé M. Adhimi qui considère que les militants des partis politiques “ne peuvent jouer un rôle positif et choisir les responsables en toute démocratie et transparence”. Dans notre pays, a-t-il dit, “un chef de parti est un responsable à vie”, sauf s’il est évincé.
Les présidents des partis politiques restés longtemps à la tête de leur formation auraient du, de l’avis de Mourad Chahmat, laisser place à une véritable pratique démocratique afin d’éviter les conflits et les divisions qui affaiblissent le parti et porter atteinte à sa réputation auprès de l’opinion publique nationale et même internationale. “Ces chefs de partis étaient arrivés à la conviction qu’ils dirigeaient une propriété privée acquise par ancienneté”, a-t-il ajouté, précisant que “ce type de mentalité a concouru à la régression de la pratique politique dans notre pays et au manque de confiance du citoyen envers tous les partis”.
Plus grave encore, poursuit cet universitaire, “les nouveaux partis sont très loin de la véritable action politique” du fait du “niveau culturel et politique limité de leurs leaders motivés par l’acquisition de profits personnels par des voies détournées”.
Mohamed Lagab, n’y va pas du dos de la cuillère : les chefs de partis qui ont été forcés d’abandonner la présidence de leurs formations ou l’ont fait de leur propre gré”, méritent leur éviction. Selon lui, ils doivent céder la place aux jeunes et aux compétences nationales pour une alternance au sein du parti dans un souci de relance politique. Et à ce propos, cet universitaire fait une proposition, à savoir que les partis et hommes politiques qui revendiquent la limitation du mandat présidentiel “de limiter d’abord le mandat d’un président de parti et d’APC, de définir les critères d’accession à ces postes et d’empêcher tout venant de créer un parti, un journal ou une école privée”.
Pour sa part, l’universitaire et journaliste Abdelali Rezagui considère que l’agitation observable actuellement au sein des partis de l’ex coalition présidentielle est « essentiellement motivée par l’approche de l’élection présidentielle, mais sans lien aucun avec un quelconque exercice démocratique »