Cinq ministres ont «Sauté» en cinq ans: L’agriculture: un terrain miné

Cinq ministres ont  «Sauté» en cinq ans: L’agriculture: un terrain miné

A partir de 2012, à chaque remaniement ministériel, le département de l’agriculture changeait de main.

Inscrit dans le programme du gouvernement comme secteur prioritaire, l’Agriculture nationale passe pour être un véritable casse-tête pour les Algériens. En fait, on ne sait plus quoi penser d’une activité qui, tantôt étonne avec ses performances, tantôt déçoit au point d’être à l’origine d’un début de panique, comme c’est le cas ces derniers temps. Les agriculteurs algériens sont certainement les professionnels les moins écoutés par les autorités, ce qui pourrait expliquer des situations totalement improbables d’une semaine à l’autre, ou alors ils évoluent dans un angle mort de la décision publique et parviennent à faire ce qu’ils veulent des citoyens-consommateurs.

Secteur acquis à l’informel dans son écrasante majorité, le monde agricole échappe aux statistiques réelles et c’est pour cela, qu’il se joue des nerfs des responsables comme du commun des Algériens. Les tentatives de le «domestiquer» ne date pas de son inscription sur la liste des priorités du gouvernement. A l’aube du XXIe siècle, l’agriculture a été mise au centre des préoccupations. Couplé au développement rural, le département ministériel a consenti d’importantes aides aux professionnels. Des plans ont été élaborés et des fonds impressionnants débloqués en faveur du «renouveau agricole et rural», sans que cela ne réduise sérieusement le stress des consommateurs devant les étals de fruits et légumes.

Cette impression de surplace d’année en année que vit le secteur de l’agriculture nationale est la conséquence directe d’une instabilité chronique dans sa direction. Faut-il rappeler, à ce propos, que le département a connu cinq ministres en cinq ans? Depuis 2012, année de la fin de mission de Rachid Benaïssa, les responsables à la tête du ministère de l’Agriculture se sont succédé, sans qu’aucun remplaçant n’ait eu le temps de réaliser quoi que ce soit. De fait, la succession de ministres a «haché» la progression de l’agriculture.

A la tête du département durant quatre ans, de 2008 à 2012, Rachid Benaïssa a développé une stratégie et mis en oeuvre une démarche qui mettait l’agriculteur au centre de l’équation de la sécurité alimentaire. Les comités interprofessionnels qu’il a initiés pour chaque filière apportaient le souffle nouveau dont avait besoin le secteur pour sa prise en charge par les acteurs eux-mêmes. Face aux agriculteurs «organisés», des offices publics, à l’image de l’Onil, l’Onilev, l’Onta, ont été créés avec pour mission de servir de courroie de transmission et de facilitateurs du développement des filières. Quelques bons résultats ont été obtenus dans les produits maraîchers, un peu dans l’aviculture. Mais le départ de Benaïssa a fait stopper net, la dynamique et les fameux offices se sont transformés en coquilles vides, sans l’âme de la profession qui les a désertés.

Abdelouahab Nouri n’a, semble-t-il, pas bien saisi l’importance des comités interprofessionnels et s’est contenté d’une gestion administrative, mettant un terme au dialogue initié par son prédécesseur. Les cadres du ministère de l’Agriculture ne comprenaient pas tout à fait bien la philosophie de leur premier responsable, que ce dernier quitte déjà le département. «La gouvernance de Nouri n’a rien apporté au secteur», affirme un cadre de l’agriculture.Abdelkader Kadi qui a pris la succession de Nouri, est passé en coup de vent. Le même cadre dit avoir «l’impression quil a été nommé juste pour faire la soudure», avec Sid Ahmed Ferroukhi, dont la mission était de reprendre le secteur là où l’avait laissé Rachid Benaïssa.

Les comités interprofessionnels ranimés, le dialogue réinstallé et les filières reprenaient leur dynamisme, jusqu’à l’énigmatique attaque de Amar Saâdani, alors secrétaire général du FLN, s’en prenant au ministre de l’Agriculture. Les menaces de Saâdani ont débouché sur le remerciement de Ferroukhi et son remplacement par Abdesslam Chelgham. Retour à la case départ et à la gestion caporalisée d’un secteur très majoritairement privé.

On aura compris que de 2012 à ce jour, à chaque remaniement ministériel, le département de l’agriculture changeait de main. Cette instabilité a laissé un goût d’inachevé à tous les chantiers ouverts par l’un ou l’autre ministre. Les agriculteurs n’ayant vraisemblablement pas de compte à rendre, ont fait selon leurs seuls intérêts, ignorant celui de la collectivité nationale.

Cette dernière qui devait être rassurée par l’organisation des marchés de gros de fruits et légumes et la réalisation de quelque trois complexes d’abattage est la grande laissée-pour-compte de la valse des ministres. Une seule de ses structures de régulation a vu le jour. Résultat: l’Agriculture nationale fonctionne avec les moyens du XIXe siècle et ne pourra en aucun cas satisfaire les besoins des 40 millions d’Algériens de 2017. Tout le peuple de consommateurs qui attend avec anxiété le Ramadhan n’a pour ainsi dire personne pour veiller à son pouvoir d’achat.

En fait, la grande instabilité qu’a vécue le secteur ces cinq dernières années, l’a considérablement fragilisé, au point où il est devenu le maillon faible par où les forces de déstabilisation du pays risquent de frapper.