Proposition n Enseigner le cinéma dans les écoles, c’est former le public de demain, dont les cinéphiles.
Des professionnels du 7e art estiment que pour faire réapprendre au public le goût du cinéma, il faut enseigner celui-ci dans les écoles. Parce que faire des films ou ouvrir des salles ne suffit pas pour relancer le cinéma en Algérie. L’apport du public y est pour quelque chose, il est important.
Le public est considéré comme l’acteur principal dans cette dynamique cinématographique. Sans lui, le cinéma ne pourrait pas exister, puisque les films sont faits pour être vus par le public. Et il se trouve qu’en Algérie, il n’y a vraiment pas de public, voire de cinéphiles. Il y en a très peu, ceux qui ont une éducation cinématographique.
L’Algérien est plutôt habitué à la télévision plutôt qu’aux salles obscures : s’il veut voir un film, il n’a qu’à aller sur Internet et télécharger un film ou encore louer un DVD. Mais aller au cinéma lui paraît comme quelque chose d’inhabituel, voire étranger à ses habitues, qui ne correspond pas à la culture qu’il a acquise dans son environnement social et familial.
En plus, la société algérienne a une représentation stéréotypée des salles de cinéma : elle les considère non pas comme un lieu de divertissement ou de spectacle, mais un endroit où les couples se rencontrent, ou l’univers des désœuvrés. D’où la nécessité d’enseigner le cinéma dans les écoles.
C’est ainsi que Ahmed Bejaoui, critique de cinéma, soutient l’idée – et la nécessité – d’intégrer le cinéma dans l’enseignement scolaire, en organisant, à l’occasion, au sein même de l’école des séances de projection, ainsi les élèves s’habitueront dès leur jeune âge au cinéma, développeront leur goût pour l’image et verront naître en eux la passion pour le cinéma. Autrement dit, enseigner le cinéma dans les écoles, c’est former le public de demain, dont les cinéphiles.
«Il est urgent d’enseigner le cinéma à partir du premier palier scolaire», dit Ahmed Bejaoui. Et en se référant à des statistiques parlantes, il rappelle que «l’Algérie détenait à l’orée des années 60 plus de 450 salles de cinéma. De même qu’en 1962, le réseau de points de projection itinérants était omniprésent à travers le territoire national. Les projectionnistes étaient agréés. Ce genre d’approche cinématographique a balisé des liens et des lieux de diffusion en direction de générations entières».
Par ailleurs, Ahmed Bejaoui rappelle encore une fois que «par le passé, le public s’est nourri de cinéma, contrairement à aujourd’hui, où le vide sidéral est constaté. La Cinémathèque algérienne détient un performant circuit de distribution, mais la réalité prend le dessus : le public cinéphile n’existe plus».
Et de déplorer que «la plupart des étudiants admis en master n’aient jamais vu de films de leur vie. Mieux encore, certains lycéens algériens n’ont jamais pris connaisse de certains films historiques algériens». C’est pour cela que Ahmed Bejaoui préconise «la réintroduction de l’amour du cinéma en Algérie dés l’école primaire». «Il est dramatique qu’un enfant grandisse sans avoir vu un film. Je suis prêt à entrer en campagne pour changer cette vision.
Il serait souhaitable de prévoir au moins la projection de deux films par an dans les écoles. Dans 10 ou 20 ans, ce sera des gens qui auront vu 30 à 40 films». Pour Ahmed Béjaoui, «il est très urgent d’introduire le goût du cinéma. Ce retour ne pourra se faire qu’à travers l’éducation de l’enfant. C’est justement à force de regarder des films que cet enfant sera le cinéphile du futur».
Notons que le cinéma favorise le rapprochement et ouvre le dialogue ; perçu comme «un morceau de la mémoire» il peut être «un rempart contre l’oubli». Et toute salle de cinéma est «un phare culturel».
Yacine Idjer