Cinéma et guerre de libération : Le poids de l’image et du son

Cinéma et guerre de libération : Le poids de l’image et du son

Le témoignage par l’image et le son est souvent imparable. C’est la preuve par l’image qui incommode le plus celui qui se retrouve dans le banc des accusés, un pays dans un contexte de guerre.

La force de l’image et su son le désarme, le met à nu.

Le pays incriminé peut discourir, mener au mieux sa contre-attaque par une offensive propagandiste mais la démarche s’avoue au final vaine parce qu’incubasse de faire le poids face aux images du réel, aux images crues d’un fait de guerre.

Comment nier un bombardement des populations civiles au napalm, lorsque le crime contre l’humanité, lorsque le crime barbare est à jamais immortalisé par la caméra pour être montré, telle une pièce à conviction à la communauté internationale. Tel est le poids de l’image et du son et c’est en connaissance de cause que l’oppresseur s’avise toujours à entreprendre ses actions macabres sans témoin, en interdisant tout accès aux équipes de télévision et de cinéma.

C’est une leçon de l’histoire. S’il fallait encore illustrer la force de l’image, on évoquera volontiers celle d’une fillette vietnamienne brulée au napalm, courant nue, les yeux hagards au milieu de nulle part. Si dans un nouveau monde inhumain. Cette fameuse photo a fait le tour du monde et a montré la face cachée du drame vietnamien et de l’horrible agression américaine.

Durant notre guerre de libération, les dirigeants du combat libérateur ont saisi que la guerre ne se gagnait pas uniquement sur le terrain de bataille mais qu’elle devait aussi être menée sur le terrain politique, diplomatique et médiatique. Il fallait contrecarrer la version officielle de la France coloniale qui tenant à minimiser le déclenchement de la guerre de libération, s’évertua à ne parler que d’évènements, voire de troubles de groupes rebelles.

L’image de l’Algérien dans la cinématographie française étant quasiment absente, si ce n’est celle illustrative de l’autre, de l’indigène, à peine présent comme élément de décor. En un mot absent. Son existence étant niée donc et cela durait depuis la colonisation.

La mission de médiatisation de la guerre menée par le peuple algérien n’était pas aisée d’autant que les moyens n’étaient pas disponibles… Mais l’handicap sera relevé grâce à l’engagement des patriotes et la contribution des hommes épris de liberté qui se sont engagée pour une cause juste, l’indépendance de l’Algérie. Dans cette bataille médiatique, le cinéma s’avérera comme une arme redoutable.

Caméra au poing, la guerre est filmée de l’intérieur. Les premières images des bombardements au napalm sont filmées par Djamel Chanderli. René Vautier, Pierre Clément, Mohamed Lakhdar Hamina et autres cinéastes des ex-pays de l’Est, témoigneront par l’image et le son, le lourd tribut payé par le peuple algérien, déterminé à recouvrer sa souveraineté en dépit de la violence, des tortures et des crimes barbares de l’armée française. Des images insoutenables de la guerre qui vont alerter l’opinion internationale et mettre aux bancs des accusés la France.

Même après l’indépendance de l’Algérie, l’image de la guerre et les films de fiction traitant de la guerre d’Algérie font peur et font objet de polémiques et de controverses comme en illustre le dernier film de Rachid Bouchareb « Hors-la-loi ».

Pour rappel, il aura fallu attendre des années pour que le film « La bataille d’Alger » de Gillo Pontécorvo ou «Le Vent des Aurès» de Mohamed Lakhdar Hamina soient à l’affiche sur les écrans français. Dans le cas du premier film cité, il y a même eu des menaces à la bombe pour les salles qui voulaient le programmer.

C’est dire que le miroir de la guerre que renvoie un film n’est ni accepté, ni assumé.

Abdelkrim Tazaroute