Ciccolini : «J’ai constaté que ma présence nuisait au club»

Ciccolini : «J’ai constaté que ma présence nuisait au club»

Ce n’est qu’hier en fin de matinée que François Ciccolini a quitté Alger. Avant de partir, l’entraîneur corse nous a accordé un long entretien dans lequel il explique aux supporters kabyles les raisons qu’ils l’ont poussé à partir deux mois seulement après qu’il ait pris la barre technique des Canaris. Entretien.

Vous avez décidé de partir, peut-on connaître les raisons qui vous ont poussé à prendre une telle décision ?



 

Déjà je pense que c’est mieux pour le club que je parte, parce que j’ai constaté que ma présence créait encore plus de problèmes au club, et je pense que la JSK a assez de soucis comme ça en ce moment pour que moi j’en rajoute. Le truc c’est que ce ne sont même pas des problèmes liés au terrain, c’est-à-dire d’ordre sportif, puisque ce sont des conflits avec des journalistes mais aussi et surtout avec certains dirigeants du club. Je dirai les choses plus simplement : au niveau de la direction de la JSK, les deux seules personnes qui m’ont soutenu sont le président et Malik. Mis à part ces deux personnes au niveau de l’entourage du club qui étaient avec moi, tous les autres m’ont fait plus de mal qu’autre chose…

Par exemple ils faisaient quoi ces dirigeants? 

A titre d’exemple, ces dirigeants donnaient de fausses informations aux journalistes. Je ne vais pas rentrer dans les détails car la page est à présent tournée, mais encore une fois, pour le club c’est mieux que François Ciccolini quitte la JSK. Mais je ne vous cache pas que ça me fait mal que le président et les supporters kabyles soient déçus suite à ma décision de partir et je ne les remercierai jamais assez pour leur soutien.

Vous dites que ces dirigeants vous ont pourri la vie, pourtant vous étiez animé d’une grande volonté et vous étiez décidé à faire face à beaucoup de choses ?

Rendez-vous compte qu’au bout d’une semaine j’ai lu que j’allais démissionner. Déjà entre le match du MCA et celui de l’ESS,  ils ont fait circuler la rumeur comme quoi j’allais démissionner. Qui a parlé de démission si ce n’est dans l’entourage du club. Toutes ces rumeurs et ces mensonges m’ont usé mentalement et donc je n’en pouvais plus, d’où ma décision de partir.

Vous évoquiez aussi il n’y a pas très longtemps que vous aviez des soucis avec certains joueurs à l’image de Benlamri et Mekkaoui, est-ce aussi une des raisons de votre départ ?

Il est vrai que certains joueurs n’ont pas été à la hauteur. En ce qui me concerne, à chaque fois j’ai essayé de les aider parce qu’ils ont beaucoup de talent qu’ils n’utilisent pas à bon escient pour l’équipe. Ce que je peux dire c’est qu’il faut qu’ils retournent sur terre et qu’ils se remettent au travail, sinon ces jeunes-là vont avoir des soucis.

Vous dites que vous avez l’appui du votre président, comment donc on peut quitter un club juste parce que des dirigeants ou des joueurs vous pourrissent la vie ?

Moi je suis venu à la JSK pour travailler et non pour faire avoir des conflits avec Pierre, Paul, Jaques ou Martin. Après qu’il y ait des soucis d’ordre technique ou tactique, on peut les régler mais il existe d’autres problèmes qui croyez-moi sont très difficiles à régler avec toute la volonté du monde. Ou alors les régler d’une autre manière…

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire qu’à 52 ans je ne vais pas faire la bagarre tous les jours et je ne veux pas aussi rentrer tout le temps chez moi en criant. Mais bon dans tout ça le plus important c’est la JSK et non François Ciccolini, car moi je ne suis que de passage. Ce que je veux dire c’est que moi je ne représente rien devant ce grand club de la Kabylie.

Comment expliquez-vous que les soucis que aviez eus avec certains joueurs ont pu être réglés avec certains mais pas avec d’autres ?

Les problèmes peuvent être réglés avec tout le monde à condition qu’il y ait une bonne volonté de part et d’autre. Pas seulement du coach et des joueurs, mais il faut aussi que certaines personnes œuvrent pour que ça se fassent.

On constate aujourd’hui (NDLR : entretien réalisé hier matin) que vous ne voulez plus accuser ni citer des joueurs comme Benlamri et Mekkaoui avec qui vous avez eu des soucis ?

Je ne veux citer personne car d’abord ça ne sert plus à rien, et en plus je n’ai pas envie de déstabiliser l’équipe, ni influencer l’entraîneur qui va venir d’autant plus qu’on s’apprête à disputer deux matchs importants dans les jours à venir.

Dans une déclaration de Mekkaoui, ce dernier a fait savoir qu’il n’a jamais eu de soucis avec vous ?

Ses propos n’engagent que lui, c’est tout ce que je peux vous dire.

Vous qui avez passé deux mois à la tête de cette équipe, pensez-vous que la JSK peut relever la tête ?

La JSK a beaucoup souffert à l’image du club depuis six mois, et il ne faut pas la faire souffrir davantage car elle risque de perdre les pédales. Aujourd’hui cette JSK est prête à jouer, à combattre. Personnellement je ne pense pas avoir fait du mauvais travail, j’ai essayé de faire le maximum tous les jours, et de ce fait je n’ai absolument rien à me reprocher. Pour répondre à votre question, je dirai que ce qu’il faut pour la JSK c’est un peu plus d’oxygène et moins de problèmes. Le président oeuvre pour que les choses aillent mieux, mais des fois ça ne tient à rien.

Malgré l’insistance du président pour que vous restiez, vous n’avez pas changé d’avis ?

Moi quand je décide d’une chose c’est fini, je ne fais plus marche arrière.

Vous avez parlé du cas Kerrar absent deux mois et sur le banc face à l’USMH. Comment se fait-il qu’il ait été convoqué ?

Il s’est  entraîné. Je voulais le faire jouer 10 minutes. C’était un coup de poker. Il est arrivé, s’est entraîné et je voulais lui donner un coup de pouce pour la suite. Il va, peut-être, jouer dans les deux journées à venir.

Que gardez-vous de cette aventure à la JSK ?

Deux choses. D’abord, au niveau sportif, j’ai vu une autre manière de travailler que je ne connaissais pas. Ce n’est pas moins bon qu’ailleurs. J’ai vu une autre manière de travailler et de penser et de s’organiser d’ailleurs. J’ai vu aussi des gens très gentils en Kabylie.

Partez-vous avec des regrets ?

On part toujours avec des regrets. Après, l’avenir, on ne sait pas ce qui va se passer. Je veux rentrer chez moi car je n’ai pas de billet pour rentrer chez moi. J’étais pressé de couper avec le football que de partir de Kabylie. Ça devenait difficile de supporter sur le plan mental.

C’est le cumul des conflits avec les joueurs et dirigeants…

Je n’ai jamais eu de conflit avec les dirigeants mais il y a eu des soucis. Il y a d’autres problèmes que le football.

Un sentiment de travail inachevé…

On part toujours avec le sentiment qu’on peut mieux faire. En tant qu’entraîneur, on pense toujours qu’on aurait pu faire quelque chose de meilleur. Il aurait fallu un peu plus de durée, peut-être.

Il y a des entraîneurs qui pensent toujours à leur argent avant de partir. Ce qui n’est pas votre cas puisque vous étiez plus pressé de partir qu’autre chose…

Je vais vous expliquer, je n’ai rien laissé tomber. Quand je suis arrivé, le président m’a payé deux mois de salaire. J’ai travaillé deux mois, je ne vois pas pourquoi je vais demander plus. Je ne pense pas qu’il y a un problème de ce côté-là. Entre le président et moi, c’était très clair. J’ai dit à Hannachi qu’il était le bienvenu en Corse.

Justement, il a dit qu’il ne s’était jamais aussi bien entendu avec un entraîneur qu’avec vous…

Nos rapports étaient francs, loyaux et honnêtes. Quand j’avais quelque chose à dire, je le disais, lui aussi. Cependant, il ne s’est jamais penché sur le sportif. Il m’a toujours laissé travailler.

Ça n’a pas suffi…

Ça n’a pas suffi, ça n’a pas suffi…

Peut-être qu’il aurait dû s’immiscer un peu plus ?

Oui, mais un club c’est beaucoup de choses à faire. Pour moi, ce n’est que le sportif mais pour les dirigeants c’est beaucoup d’autres choses.

Depuis votre arrivée, vous évoluiez dans un stade vide…

C’est vraiment difficile sur ce plan-là. Pour les joueurs, c’est très difficile.

Durant la phase retour, la JSK va retrouver son public. On ne sait pas encore dans quel stade, mais elle retrouvera son public…

Effectivement, elle va retrouver une équipe changée avec l’arrivée d’autres joueurs, un nouveau coach et un nouveau discours. Ce sera, peut-être, le départ d’une nouvelle saison pour l’équipe. D’ailleurs, c’est ce que je lui souhaite.

Finalement, elle aura été très courte cette expérience…

La vie est ainsi faite. Ça ne veut pas dire que je ne vais pas revenir. Le football est très compliqué.

Ça veut dire qu’il y a des contacts avec d’autres équipes, c’est ça ?

J’ai eu dans la semaine deux contacts avec deux clubs, mais je ne peux pas faire ça. Quand je dis revenir, ça veut dire revenir à la JSK.

Finalement, elle vous a marqué cette aventure que ce soit dans le bon ou le mauvais…

C’est un peu les deux. C’est le club qui m’a marqué, mais aussi les gens. Cette région ressemble beaucoup à la nôtre.

Un mot sur le football algérien que vous avez découvert aussi…

Je vous l’ai dit une fois, le grand problème sera réglé quand les clubs auront des centres d’entraînement et que chaque club aura une identité et une éducation footballistique différente par rapport à aujourd’hui. Prendre des gamins de 12, 13 ans et leur apprendre une éducation footballistique qui leur permettra d’évoluer.

L’équipe nationale est la vitrine mais pas vraiment, puisque 21 joueurs font partie des professionnels et seulement deux gardiens des locaux…

C’est vraiment difficile pour des joueurs locaux de prendre place dans ce groupe car déjà les joueurs actuels sont très bons. Quand vous voyez les joueurs qui font partie de la liste et ceux qui vont rester sur le carreau, on s’aperçoit que le groupe est très bon.

Donc, ça ne reflète pas le niveau réel du football algérien…

Non, je ne le pense pas.

Vous partez avec de bons souvenirs d’Algérie…

Oui, de très bons, sauf que je n’ai pas de billet pour rentrer chez moi. Cependant, ce ne sont que des détails de la vie.

Un mot pour les supporters…

Je les remercie car avec le président, ils m’ont toujours soutenu.

 

A. H. A.

«Hannachi ne s’est jamais immiscé dans mon travail»

«La phase retour sera un nouveau départ pour la JSK»

«Mentalement, c’est difficile de jouer sans son public»

«J’ai voulu donner un coup de pouce à Kerrar»

«Deux dirigeants m’ont pourri la vie, ils se reconnaîtront»

«Hannachi connaît la situation, il va régler définitivement le problème»

«Benlamri et Mekkaoui doivent se remettre rapidement au travail»