La contraction des revenus pétroliers oblige aujourd’hui le gouvernement à réduire la voilure et revoir ses prétentions dépensières à la baisse en sacrifiant certains grands projets. Mais sans toucher aux transferts sociaux. Il y va de la paix sociale.
Le président Bouteflika devrait réunir, ce matin, chez lui, un groupe de ministres pour tenter de mettre en place une parade face à la brusque plongée des cours du pétrole, seul moteur de croissance de l’économie algérienne, aujourd’hui sous la menace. Que le chef de l’État, qui n’a pas réuni le Conseil des ministres depuis le mois de juillet 2014 pour les causes que l’on sait, en vienne à tenir cette réunion, cela traduit dans toute sa mesure l’urgence de la situation. Tous les ministres dont les départements sont directement concernés par la crise pétrolière sont ainsi convoqués à ce “remue-méninges” pour réfléchir à des pistes de travail.
Il s’agira, in fine, de prendre des mesures urgentes. Celles-ci devraient s’articuler vraisemblablement autour de coupes budgétaires drastiques, de mise à la trappe de certains projets structurants non encore budgétisés et d’arbitrages entre secteurs. Autrement dit, serrage de ceinture en perspective. Mais le coup de rabot ne devrait pas porter sur les dépenses à caractère social, surtout qu’il existe les 190 milliards de dollars de réserves de changes et le pactole de 500 milliards de dinars du Fonds de régulation. Une marge de manœuvre juste pour le court terme, avertissent néanmoins les experts. Mais encore une fois, le pouvoir, plus obsédé par la guerre de succession et tout le micmac au sommet de l’État, a manqué d’anticipation. De prise de conscience suffisante aussi, au point de se retrouver aujourd’hui quasiment dos au mur. Il est rattrapé par une réalité qu’il s’est obstiné royalement à nier. Et dire que des experts et des partis d’opposition n’ont eu de cesse, depuis des mois, d’appeler à la prudence et à la responsabilité dans la gestion des ressources financières. Des appels, dictés par le devoir patriotique, qui se sont malheureusement perdus dans le vaste désert de l’Algérie. Signe flagrant de ce déni de réalité digne de la psychanalyse freudienne, le discours anesthésiant d’Abdelmalek Sellal, grand amoureux du désert il est vrai, qui tirait à chacune de ses sorties sur tous ceux qui ne partageaient pas son optimisme à tous crins. Ils sont accusés de “cultiver l’alarmisme” et de “chercher à saper le moral des Algériens”. Poussant la forfanterie à l’excès, il avait encore lancé, il y a quelques semaines, que “l’Algérie a de l’argent !”. Comprendre : il faut dépenser. Les partis de la coalition présidentielle, dans une démarche très concertée, se sont chargés de faire le service après-vente. En relayant l’optimisme de Sellal.
En cherchant surtout à vendre à l’opinion la vision selon laquelle “l’Algérie est à l’abri des soubresauts du marché pétrolier, grâce à la politique clairvoyante du président Bouteflika”, dixit Abdelkader Bensalah dans un des communiqués ayant suivi la réunion du RND. Puis soudainement, changement de ton des autorités. Mais changement enrobé dans un discours tout en euphémismes et en ellipses pour ne pas effaroucher l’opinion. La première inflexion est le fait d’Abdeslam Bouchouareb, un des ministres poids lourd du gouvernement, qui a convenu, il y a quelques jours, de la nécessité de “changer de politique économique”. Son propos sera relayé juste après par le très prudent gouverneur de la Banque d’Algérie. En effet, la semaine dernière, lors de son passage devant les députés, Mohamed Laksaci, certainement à son corps défendant, soutenait que “les réserves de changes actuelles permettent à l’Algérie de faire face aux chocs sur la balance des paiements extérieurs à court terme, mais cette capacité à résister aux chocs se dissipera vite si les cours du pétrole restaient à des niveaux bas pendant longtemps”. La réalité est donc là aujourd’hui. Et dire que le gouvernement aurait pu faire l’économie de la réunion de ce matin, si pendant toutes ces longues années d’embellie financière, une politique alternative responsable avait été mise en place. Le tout-dépensier l’a emporté malheureusement. Maintenant, il faut “danser”, pour paraphraser la chute de la célèbre fable La cigale et la fourmi.
O.O