Les violences perpétrées contre le personnel dans le service des urgences du CHU Ibn Rochd de Annaba, sont un phénomène nouveau. Le nombre d’agressions qui y sont commises est de plus en plus inquiétant.
La plupart des actes de violence sont l’oeuvre de familles de patients ou de leurs accompagnateurs, souvent des jeunes consommateurs de psychotropes. «88% des victimes qui nous parviennent sont originaires des quartiers chauds de la wilaya de Annaba», a fait savoir N.D. médecin à l’hôpital Ibn Rochd. «Nos patients sont ceux de Bouzaâroura, Oued Ennil, Bousedra, dans la commune d’El Bouni, mais aussi ceux des quartiers de la Colonne, la place d’Armes, Jebanette Lihoud et autres quartiers fiefs de Annaba», devait ajouter notre interlocuteur. Un constat somme toute relatif, puisqu’il y a toujours eu des violences aux urgences, mais elles n’ont jamais envoyé de médecin en réanimation. «Celui qui veut connaître Annaba by- night, doit passer la nuit aux urgences. Le trafic et la consommation de drogue, la prostitution, trouvent dans le noir de la nuit, le terreau favorable au crime.» Ce qu’a omis de dire notre interlocuteur, c’est que l’insécurité est devenue un problème inquiétant au niveau des services des urgences de tous les CHU et points de soins implantés sur le territoire de la wilaya de Annaba. Une situation de plus en plus insoutenable et inacceptable tant par le personnel médical que par les citoyens. Aujourd’hui, vu les dérives sécuritaires, l’esprit de révolte chez les citoyens s’exprime par la violence! Les responsables en charge de la protection du personnel et des patients, doivent trouver une «thérapie» de choc, pour que le personnel de santé puisse travailler en toute sécurité.
Ce calvaire est quotidien, et si vous devez faire un voeu, faites celui de ne jamais passer par les urgences de nos hôpitaux. Elles sont toujours encombrées. C’est la cohue. Le personnel est dépassé. Ça fait des années que cela dure, mais actuellement il y a un ras-le-bol chez les citoyens. Ces derniers sont devenus exigeants, ils réclament des urgences dignes de ce nom. Cependant, le citoyen y est pour beaucoup. «Il y a eu une déviation des missions des urgences, puisque plus de 60% des personnes qui consultent ces services sont des fausses » urgences, mais de vrais malades», a expliqué le docteur F. Z. Il faut donc sensibiliser les patients pour savoir ce qu’est une urgence afin d’éviter une perte de temps au malade et à l’équipe médicale. Il faut également sensibiliser les citoyens à l’encombrement provoqué par la présence des accompagnateurs. Les urgences témoignent de la qualité de la médecine d’un pays et du degré de développement d’une société. Encore un paradoxe algérien: les urgences à Annaba, comme partout ailleurs, dans la plupart des wilayas du pays, ne reflètent pas le niveau de la médecine algérienne qui, lui, est très respectable. Quand on dit service des urgences, on sous-entend une célérité, une qualité et une disponibilité des prestations. Or, ces trois règles font défaut. Dans les services modernes, l’affectation des malades se fait de manière scientifique. Un personnel qualifié, un infirmier ou un médecin, assurent l’accueil des malades et ont pour mission de mettre de l’ordre dans la présentation des malades urgents. Bien évidemment, cet ordre peut changer, car il y a une flexibilité dans cette opération, qui répond à la logique de l’urgence.
La logique veut que les urgences doivent être dotées de tous les moyens pour répondre aux besoins des patients et à la qualité exigée: équipement, infrastructure, matériel et personnel qualifié, notamment les médecins résidents.
Sur un autre chapitre, la plupart des praticiens assurent des gardes aux services des urgences, alors, que pour assurer des urgences, il faut être un «médecin urgentiste», ce qui n’est pas le cas dans nos hôpitaux. La question qui mérite d’être posée est: qui assure les urgences à Annaba? Les internes et les résidents en médecine ou en chirurgie, qui n’ont aucune formation d’urgentistes.
Peut-être faut-il former les médecins avant de leur confier les urgences. Il existe un autre problème relatif au transfert des malades entre les urgences et les autres services des autres institutions de santé de la wilaya de Annaba.
C’est un grand obstacle qui ternit l’image de marque des urgences, qui envenime le quotidien du personnel, qui alourdit parfois la prise en charge des malades.
La dégradation des conditions de travail du personnel médical et les mauvaises conditions d’accueil des patients et malades, sont des points cruciaux, méritant une vision futuriste, orientée vers une stratégie de mise à niveau des services des urgences.