Chroniques blidéennes: Benchicou versus Boutteflika

Chroniques blidéennes: Benchicou versus Boutteflika

À l’angle nord de la Place du 1er novembre, faisant face à l’APC de Blida, la librairie-imprimerie Mauguin -la plus ancienne du Maghreb et la première créée en Algérie- fondée en 1909 par Alexandre Mauguin alors maire de Blida, fournissait les services de l’Etat en documents administratifs d’une qualité telle qu’elle continua, même après l’indépendance à bénéficier des contrats étatiques.

En 2007, elle sera malgré elle, la victime collatérale de l’autoritarisme du régime de l’ancien Président.

Tout commence en février 2004, lorsque Mohamed Benchicou, le directeur du quotidien « LE Matin », brillant journaliste par ailleurs, édite un pamphlet de pages (246) intitulé « Bouteflika, une imposture algérienne »– une biographie- critique du Président algérien, alors en campagne pour une première réélection– descendu en flammes en ces termes: « … d’un auxiliaire militaire, on fit alors un civil réformateur, d’un autodidacte inaccompli, un lettré, d’un maquisard occasionnel un héros de guerre, d’un noceur avéré un diplomate brillant, d’un dignitaire un opposant, d’un diviseur un rassembleur, d’un revanchard narcissique un prophète. On a même fait de Bouteflika un célibataire endurci alors que l’homme est marié depuis plus de 13 ans!… ».

La riposte du pouvoir ne se fit pas attendre. Douane et justice furent mises à contribution et on finit par déterrer une vieille et banale affaire de bons de caisse, trouvés dans les bagages du journaliste , pour l’envoyer illico presto devant les tribunaux et le condamner à deux années fermes de prison

Dans la foulée, on liquida manu militari « Le Matin » dont les locaux furent aussitôt mis en vente.

Benchicou accomplît intégralement sa peine à la prison d’El Harrach, refusant dignement de solliciter une grâce auprès de ses bourreaux. Mieux encore , il récidiva en 2007 par la publication , du récit de son incarcération, « Les geôles d’Alger », un brûlot extrêmement critique du Système,aussitôt interdit de vente en Algérie. L’enquête qui suivit, mit en lumière l’implication de la librairie Mauguin et du Directeur de la Bibliothèque Nationale,l’écrivain Amin Zaoui– la première pour avoir imprimé l’ouvrage, le second pour avoir délivré l’ISNB, l’autorisation d’imprimer.En représailles: dix longues années de fermeture pour la librairie blidéenne qui a malgré tout repris ses causeries littéraires du samedi, en 2018, pour le plus grand bonheur de ses nombreux lecteurs ,recevant,à titre d’exemple, ce 19 Janvier, une pléiade d’auteurs à l’instar de Maïssa Bey, Mustapha Belfodil ou Mohamed Sari.

Dégagé malgré lui des tâches administratives de la Bibliothèque Nationale en 2008, Amin Zaoui se consacre désormais entièrement à l’Ecriture et sa production littéraire explose: « La soumission – La razzia – L’enfant de l’œuf – Le serpent de plume … ». Sa chronique hebdomadaire « Souffles «,page 3 da quotidien « Liberté » du quotidien connait un franc succès.

Les déboires des Algériens avec la justice ne constituent, en fait, aucune surprise, puisqu’à l’aube de la 1ère mandature, Benchicou– toujours lui– tirait déjà la sonnette d’alarme, citant Bouteflika: «Je suis contre l’indépendance de la justice. La justice doit être au service du pouvoir. La commission de réforme a fait son rapport, c’est bien, mais ce rapport va rester dans mon tiroir ».

L’affaire dite des « Magistrats faussaires» illustre, elle aussi, les dérives du quatrième pouvoir mis au service exclusif d’un autocrate et de son régime.

A. Fethi