Le bras de fer qui a opposé le Royaume chérifien, qui avait décidé de retirer sa confiance à l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, a tourné à l’avantage du SG de l’Organisation des Nations unies.
Ban Ki-moon a tenu bon. Il n’a pas lâché son représentant personnel. Christopher Ross continuera à arbitrer les négociations entre le Maroc et le Front Polisario. Il foulera le sol marocain en fin de semaine dans le but de relancer des négociations qui étaient au point mort depuis que Rabat l’avait décrété persona non grata au mois de mai 2012.
«L’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies chargé de la question du Sahara marocain, Christopher Ross, arrivera, en fin de semaine au royaume, dans le cadre d’une visite de travail» a indiqué un communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères et de la coopération.
«Cette visite s’inscrit dans le cadre des efforts déployés pour relancer le processus politique visant à trouver une solution politique définitive et consensuelle au différend régional autour du Sahara..», a expliqué dans a déclaration le département de Saâdeddine El Othmani.
Le Maroc fait le dos rond après avoir tenté un coup de force pour évincer le diplomate américain. Sans expliquer le maintien de M.Ross à son poste,il évoque les raisons de sa tournée dans la région. Comme si rien ne s’est passé. Amnésique le Makhzen? Jugeons-en.
Cette visite «intervient également,suite à l’entretien téléphonique, le 25 août dernier, entre S.M. le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, et le SG de l’ONU, Ban Ki-moon, et qui a été l’occasion d’insister sur l’impératif de réaliser des progrès dans le processus de règlement sur des bases solides et saines, de se conformer aux paramètres clairs contenus dans les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et, en particulier, faire montre de réalisme et d’esprit de compromis, et reconnaître le caractère sérieux et crédible des efforts déployés par le royaume dans le cadre de l’initiative d’autonomie.» argumente le ministère marocain des Affaires étrangères, dans une dépêche répercutée par la toute officielle agence MAP. Que se sont dit réellement Ban ki-moon et Mohammed VI e 25 août?
Le secrétaire général de l’ONU a tout simplement dit non au souverain marocain quant à un éventuel retrait de confiance de son représentant personnel au cours d’une conversation téléphonique à l’occasion de la fête de l’Aïd El Fitr.
Il a «réaffirmé que son émissaire personnel et son nouveau représentant spécial (pour le Sahara occidental) rempliraient leurs mandats respectifs, en faisant avancer le processus de négociations, en s’efforçant d’améliorer encore les relations algéro-marocaines et en supervisant les activités de maintien de la paix dans la région, conformément aux résolutions de l’ONU», avait souligné un communiqué de l’ONU.
Les rapports de la fondation Robert Kennedy sur les droits de l’homme, du département américain et celui tout récent rendu public par le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture fragilisent la position marocaine et crédibilisent davantage le dossier présenté par le Secrétaire général de l’ONU devant le Conseil de sécurité qui a provoqué l’ire du Makhzen.
L’envoyé spécial des Nations unies pour le Sahara occidental avait remis un rapport, mentionnant l’extraction d’aveux de Sahraouis, sous la torture, par les forces marocaines et qui mettait en exergue les difficultés rencontrées par la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental.
«J’ai présenté dans mon rapport une série de défis qui démontrent que la Minurso n’est ni dans la capacité d’exercer pleinement ses fonctions de surveillance de maintien de la paix et d’observation ni ne disposer de toute l’autorité pour contrecarrer l’effritement de son rôle…», avait écrit Christopher Ross dans un document examiné par le Conseil de sécurité, le 17 avril 2012.
Des remarques confirmées par des délégations ou des personnalités qui se sont rendues au Maroc et dans les territoires occupés du Sahara occidental. Elles attestent de l’objectivité du représentant personnel de Ban ki-moon.
Le document de onze pages présenté par la délégation de la fondation Robert Kennedy pour la Justice et les droits de l’homme (RFK Center), qui a séjourné dans les camps de réfugiés sahraouis et les territoires occupés du Sahara occidental, entre le 25 et le 31 août a fait état de cas de disparitions, de torture, de détentions arbitraires, de brutalités des forces policières, de menaces, d’intimidation et d’exécutions extrajudiciaires émanant d’ organisations de la société civile et de personnes rencontrées dans plusieurs villes du Sahara occidental (El-Ayoun, Dakhla et Smara…).
Le dernier en date présenté au Conseil de sécurité par le rapporteur spécial de l’ONU (sur la torture) a confirmé l’emploi de techniques de torture par le Maroc. «Chaque fois qu’il est question de sécurité nationale, il y a une tendance à utiliser la torture dans les interrogatoires.
Il est difficile de dire si c’est très répandu ou si c’est systématique, mais cela arrive assez souvent pour que le gouvernement marocain ne puisse l’ignorer», a déclaré le 23 octobre à la presse Juan Mendez qui s’est rendu au Maroc et au Sahara occidental entre les 15 et 22 septembre 2012…
Le pouvoir marocain osera-t-il enfin se regarder dans la glace? Attendons pour voir. Ce qui est sûr, c’est qu’il a plié dans le bras de fer qui l’a opposé au SG de l’ONU. Christopher Ross est revenu par la grande porte.