L’importation a donné le coup de grâce au secteur industriel
Ce ne sont pas les soucis qui manquent pour les gouvernants qui tentent désespérément de redresser l’économie nationale.
Manque de médicament, explosion de la facture des importations, incapacité de répondre aux besoins de consommation de gasoil, sont autant d’éléments qui renseignent sur une gestion chaotique de l’économie nationale. Mais est-ce que les décisions du gouvernement vont dans le sens d’une résorption ou d’une aggravation de cette crise? Cette même politique est-elle porteuse d’opportunités d’emploi ou bien détruit-elle, au contraire, ceux déjà existants? Autant de questions auxquelles économistes et hommes politiques tentent de répondre alors que les institutions se préparent à effectuer un bilan des politiques publiques. C’est ce que compte faire le Conseil national économique et social présidé par Mohamed Seghir Babès. Selon nos sources, son prochain rapport de conjoncture se penchera sur l’évaluation de ce qui a été réalisé dans le cadre de la dernière tripartite et aussi l’exécution des exigences exprimées lors des nombreuses réunions du Conseil des ministres. Cette évaluation est nécessaire pour disposer d’outils indispensables à la conduite des futurs projets inscrits dans le programme 2010/2014.
Parmi les explications attendues de ces évaluations figurent celles de savoir pourquoi le gouvernement accepte d’opérer des augmentations de salaires tout en baissant les prix de certains produits destinés à la consommation avec l’appui des subventions. C’est un indice qui renseigne sur l’absence de cohésion des décisions au sommet de l’Etat. La réflexion sur le niveau des salaires et celui des dépenses conduit à se poser d’autres questions sur les performances de l’appareil de production dans l’industrie, l’agriculture et les services. Il y a une corrélation entre la hausse des salaires et l’augmentation des importations, ce qui conduit à conclure que l’économie de l’Algérie est toujours prisonnière de paradoxes. Il n’y aucun doute sur le fait que les hausses des salaires et les subventions profitent également à nos partenaires étrangers.
Là où le bât blesse est que personne n’est sûr que cette fuite en avant puisse durer longtemps. Toute la stratégie du gouvernement est basée sur la disponibilité de grandes quantités de gaz et de pétrole qui peuvent encore être exportées à un prix assurant la couverture de la facture d’importation. Juste cette facture, car les revenus des exportations et les dépenses d’importation peuvent très bien se situer à un même niveau hypothèquant de la sorte toute capacité d’épargne, voire celle de mener à bien les projets inscrits dans les programmes de développement.
L’augmentation des salaires, si elle a la vertu de permettre à des familles de vivre, a aussi des effets sur l’inflation, qualifiée, quelquefois par l’actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, d’impôt du pauvre. La loi de finances complémentaire 2011 prévoit une augmentation de 25% de la dépense publique (environ 23 milliards de dollars) destinée essentiellement à la prise en charge des récentes mesures portant sur le soutien du pouvoir d’achat et l’augmentation des salaires.
Alors que faire? Des scénarios de sortie de crise sont proposés par des analystes. Voilà ce que disait, le 11 mai dernier, le président du Conseil national économique et social, Mohamed Seghir Babés, sur les ondes de la Radio nationale.
Selon lui, «les pouvoirs publics devraient décaler la mise en oeuvre de certains investissements dans les infrastructures pour absorber les effets inflationnistes contenus dans les dépenses publiques».
Avant lui, d’autres économistes émettaient des doutes sur d’autres aspects de la maîtrise de la dépense sociale en pointant du doigt les gâchis énormes. L’économiste Abderrahmane Mebtoul pense qu’à dépenses égales d’autres pays de la région méditerranéenne peuvent réaliser plus de projets avec une qualité meilleure. Il ne suffit donc pas de dépenser 150 ou 286 milliards de dollars en 5 ans, encore faut-il assurer une rentabilité raisonnable de ces investissements. «Le gouvernement devrait reconsidérer certains aspects liés aux actions qu’il doit engager dans les prochaines années, notamment en matière de masse des investissements dans les infrastructures qui constituent un effort de rattrapage», avait encore dit Babès.
Selon lui, «il ne s’agit pas d’arrêter les investissements dans les infrastructures, mais de les décaler dans le temps pour permettre d’absorber les effets inflationnistes potentiels contenus, notamment dans les augmentations de salaires», tenait-il à souligner.
Il avertissait que le risque inflationniste induit par ces décisions demeure dans des limites contenables et gérables sur les trois à quatre prochaines années.