Chômage en Algérie: Quel est le taux réel ?

Chômage en Algérie: Quel est le taux réel ?

Le prochain gouvernement sera confronté à la dure réalité économique et sociale, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. L’inflation et le chômage sont les conséquences de la maladie du corps social, c’est-à-dire des incohérences des politiques socioéconomiques.

1- Le 7 février 2016, j’ai réalisé une enquête sur le terrain, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, dans une commune au sein d’une wilaya supposée être une wilaya prospère du point de vue économique et que dire pour les communes déshéritées. Le nombre de jeunes que j’ai estimé à plus de 100 personnes de 18/30 ans désherbaient des trottoirs sachant que dans 10 jours la situation deviendrait la même. Une dizaine faisait semblant de travailler et 80 autres les regardaient : quel gaspillage de cette force de travail qui aurait pu être utilisée ailleurs et surtout avoir une formation. Le nombre de communes en Algérie étant de 1541, si on généralisait uniquement pour ce cas, il y a 154 100 emplois improductifs. Tout cela renvoie au défi futur des réformes, à savoir la réforme de la Fonction publique où l’administration doit être au service du citoyen et de l’économique et non s’autonomiser en tant que pouvoir bureaucratique.2- Ainsi, selon la direction générale de la Fonction publique, le nombre de fonctionnaires au 1er janvier 2015 est de 2 020 172 fonctionnaires dont 1 608 964 à temps plein  (79,64%) et 411 208 agents contractuels (20,30%). Les administrations centrales de l’Etat représentent 313 171 agents, soit 15,50%, les services déconcentrés de l’Etat 813 725 agents, soit 41,57%, l’administration territoriale 312 009 agents, soit 15,4%, les établissements publics à caractère administratif 449 268 agents, soit 22,24% et les établissements publics à caractère scientifique et technologique 105 999 agents, soit 5,25%. Il y a lieu de relever la jeunesse car les moins de 30 ans représentent 274 074 agents, les 30/40 ans 735 756 agents et les 41/50 ans 668 725 agents, les 59/59 ans 92 580 et les plus de 60 ans seulement 20 944 agents. Par grands secteurs, l’intérieur et les collectivités locales représentent 29,22%, l’éducation nationale 29,34% avec un effectif féminin de 297 394 sur un total de 592 831 agents, la santé publique 13,19% avec un effectif féminin de  138 581 sur un total de 266 525 agents, l’enseignement supérieur 8,50% avec un effectif féminin de 95 118 sur un total de 171 761 agents, les finances 4,15%, la formation professionnelle 2,80%, la justice 2,16% et les autres secteurs 10,64%.

3- La population algérienne est passée de 12 millions en 1965, de 34 591 000 le 1er juillet 2008, à 37,5 millions d’habitants en 2010, 39,5 millions d’habitants au 1er janvier 2015, et 40,4 millions d’habitants au 1er janvier 2016. L’augmentation du volume de la population résidente totale s’explique par un accroissement relativement important du volume des naissances vivantes qui a atteint 1,014 million en 2014. En outre, l’indice de fécondité a connu une hausse en passant de 2,93 enfants par femme en 2013 à 3,03 enfants en 2014. En revanche, le taux de mortalité infanto-juvénile, qui exprime la probabilité pour un nouveau-né de décéder avant d’atteindre l’âge de cinq ans, a régressé passant de 26,1% en 2013 à 25,6% en 2014 (27,1% pour les garçons et 23,9% pour les filles). Selon l’ONS, s’agissant de l’espérance de vie, elle est passée à 77,2 ans en 2014, contre 66,9 ans en 1990, soit un gain de 10 ans et 3 mois.

4- Les critères de la Banque mondiale pour la population active comprend les personnes âgées de 15 ans et plus et qui correspondent à la définition de l’Organisation internationale du travail : toutes personnes qui fournissent du travail pour la production de biens et services au cours d’une période donnée comprenant à la fois les travailleurs et les demandeurs d’emploi. Selon la Banque mondiale, la population active algérienne est estimée à 12 355 028 en 2014, contre 11 569 770 en 2011, 11 842 130 en 2012, et 12 088 383 en 2013.

La population active féminine a atteint en 2014  2 078 000 constituant ainsi 18,1% de l’ensemble de la population active. Dans une étude récemment publiée par l’ONS fin 2015, contredisant certaines données de la Banque mondiale qui donne un chiffre supérieur en 2014  (plus de 12 millions), la population active est de 9,493 millions d’habitants en 2005, 10,862 millions en 2010, 10,661 millions en 2011, (une baisse) 11,423 millions en 2012, 11,964 millions en 2013, 11,443 millions en 2014 (une baisse par rapport à 2013, ce qui pose problème), et une population active en 2015 de 11,932 millions. La population en chômage pour la même période, toujours selon l’ONS, est de 15,3% en 2005, 10% en 2010 et 2011, 11% en 2012, 9,8% en 2012/2013, 10,6% en 2014 et 11,2% en 2015 avec un taux de chômage des jeunes de 29,9%, un taux de chômage toujours en 2015 pour le sexe masculin de 9,9% et pour le sexe féminin (dont le taux d’activité retenu est inférieur) de 16,6%.

5- Selon l’enquête de l’ONS effectuée en 2013, la structure de l’emploi, selon le secteur d’activité, fait ressortir un secteur tertiaire (commerce et services), en progression, ce dernier absorbe 59,8% de la main-d’œuvre totale, suivi par le BTP (16,6%), l’industrie (13,0%) et enfin l’agriculture (10,6%). La ventilation, selon le secteur juridique, fait ressortir une dominance du secteur privé ou mixte, soit une part relative de 58,8% de l’emploi total, incluant la sphère informelle qui, selon le ministère du Travail, occuperait entre 25/30% de la population, étant à court terme une soupape de sécurité. Le salariat constitue la forme d’emploi dominante avec 65,3% tant au niveau du secteur privé formel qu’au niveau du secteur public mais avec d’importantes disparités salariales et également d’importantes disparités sont observées selon le sexe. L’emploi féminin se caractérise par une plus grande concentration dans le secteur public (61,2% de l’emploi total).

6- Il s’agit pour les pouvoirs publics, par un langage de vérité, seule condition de mener une politique économique fiable et sérieuse pour corriger les effets pervers et non de se réfugier dans des illusions suicidaires pour le pays, de tester trois hypothèses avec diverses combinaisons mathématiques.

-Hypothèse 1 – Si l’on applique 10% et 15% de sureffectifs représentant des emplois temporaires souvent improductifs, désherber les trottoirs par exemple émergeant au niveau des APC, au niveau des administrations publiques et entreprises publiques représentant en moyenne 40% de l’emploi total, quelle serait le taux de réel chômage pour 10% et 15% ?

Hypothèse 2 – Si l’on applique le taux d’activité pour 25 et 30% de la population féminine, quelle serait le taux de chômage ?

Si l’on redresse à la fois par les sureffectifs et l’accroissement du taux d’activité féminin, quelle serait le taux de chômage, en combinant à la fois les hypothèses 1 et 2 donnant quatre variantes.

Une hypothèse 3 viendrait se rajouter en prospective entre 2016/2018 : la dépense publique irriguant l’ensemble du secteur économique public et privé notamment dans les infrastructures, quelle serait le taux de chômage avec une réduction de 10% et de 20% de cette dépense suite à la baisse des cours des hydrocarbures ? Cette hypothèse combinée aux hypothèses 1 et 2 nous donnerait un nombre de scénarios supérieurs à quatre.

7- En résumé, le prochain gouvernement sera confronté à la dure réalité économique et sociale, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques.

L’inflation et le chômage que l’on comprime artificiellement en Algérie par le canal de la rente des hydrocarbures, taux largement supérieurs aux données officielles, sont les conséquences de la maladie du corps social, c’est-à-dire des incohérences des politiques socioéconomiques. Sans les subventions généralisées, non ciblées, le taux d’inflation approcherait les 10% et s’amplifiera avec le dérapage du dinar, en cas de non accroissement de la production et de la productivité réelle. Sans les emplois improductifs et en plus en cas de réduction de la dépense publique, le taux de croissance étant tiré à 80% directement et indirectement par la dépense publique via les hydrocarbures, via notamment le BTPH, les avantages fiscaux et les intérêts bonifiés accordés à maints secteurs, le taux de chômage dépasserait les 20%. Il risque de s’accroître, tout dépendant de la dynamisation des segments productifs en termes de coût/qualité dans le cadre des valeurs internationales. Les remèdes sont fonction de la nature du corps social tenant compte de son anthropologie culturelle afin d’éviter le rejet d’une greffe inappropriée sur le corps social.

Gouverner étant de prévoir, il s’agira, en fonction des résultats quantifiés et datés, de mettre en place des stratégies d’adaptation tant sur le plan économique, que social et politique solidaires, tenant compte tant des mutations locales qu’internationales